L'Assommoir

Emile Zola

Extrait du chapitre 4

De "Coupeau terminait alors la toiture..." à "...du trottoir, là-bas, sous lui."




Plan de la fiche sur le chapitre 4 de L’Assommoir de Emile Zola :
Introduction
Texte étudié
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

    Le rythme s'accélère au début du chapitre 4 de L'Assommoir de Emile Zola qui évoque les mérites d'un couple exemplaire d'ouvriers. Claude est placé et échappe ainsi à l'influence néfaste du milieu. Naissance de Nana. Signe prémonitoire : Gervaise accouche sur un paillasson. Les rêves de Gervaise : acquérir une boutique et devenir patronne.
    Ralentissement du rythme de la narration pour relater un moment décisif.
    Cet extrait de L'Assommoir est un passage narratif rapporté par un narrateur omniscient qui présente une scène banale, un tableau naturaliste : un ouvrier au travail. Mais ce narrateur multiplie aussi les symboles et les signes prémonitoires ou avant-coureurs du drame.
    L'atmosphère paisible qui se dégage de cette page est en effet altérée par un sentiment d'angoisse dû à la présence d'un danger maintes fois rappelé de façon plus ou moins explicite.

L'Assommoir - Zola


Texte étudié


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Lu par Pomme - source : litteratureaudio.com

    Coupeau terminait alors la toiture d’une maison neuve, à trois étages. Ce jour-là, il devait justement poser les dernières feuilles de zinc. Comme le toit était presque plat, il y avait installé son établi, un large volet sur deux tréteaux. Un beau soleil de mai se couchait, dorant les cheminées. Et, tout là-haut, dans le ciel clair, l’ouvrier taillait tranquillement son zinc à coups de cisaille, penché sur l’établi, pareil à un tailleur coupant chez lui une paire de culottes. Contre le mur de la maison voisine, son aide, un gamin de dix-sept ans, fluet et blond, entretenait le feu du réchaud en manœuvrant un énorme soufflet, dont chaque haleine faisait envoler un pétillement d’étincelles.
    — Hé ! Zidore, mets les fers ! cria Coupeau.
    L’aide enfonça les fers à souder au milieu de la braise, d’un rose pâle dans le plein jour. Puis, il se remit à souffler. Coupeau tenait la dernière feuille de zinc. Elle restait à poser au bord du toit, près de la gouttière ; là, il y avait une brusque pente, et le trou béant de la rue se creusait. Le zingueur, comme chez lui, en chaussons de lisières, s’avança, traînant les pieds, sifflotant l’air d’Ohé ! les p’tits agneaux ! Arrivé devant le trou, il se laissa couler, s’arc-bouta d’un genou contre la maçonnerie d’une cheminée, resta à moitié chemin du pavé. Une de ses jambes pendait. Quand il se renversait pour appeler cette couleuvre de Zidore, il se rattrapait à un coin de la maçonnerie, à cause du trottoir, là-bas, sous lui.

Emile Zola - L'assommoir - Extrait du chapitre 4




Annonce des axes

I. Un tableau naturaliste : un ouvrier au travail
1. L'univers d'un ouvrier
2. Un bon ouvrier

II. Une menace omniprésente
1. La chronologie
2. Les marques et les étapes de la tragédie



Commentaire littéraire

I. Un tableau naturaliste : un ouvrier au travail

1. L'univers d'un ouvrier

Les champs lexicaux dominants sont ceux du lieu de travail (toiture, toit, gouttière, maçonnerie de la cheminée) et du matériel.
Vocabulaire précis : feuille de zinc, établi, tréteaux, cisaille, soufflet, fer à souder.
La hauteur du lieu est bien notée (trois étages) : deux adverbes se font d'ailleurs écho au début et à la fin du passage : tout là-haut / là-bas sous lui.
Le tableau présente un axe horizontal = le toit presque plat et un axe vertical = l'opposition haut/bas avec le toit / le mur de la maison voisine et le trottoir. Coupeau est une silhouette qui se détache dans le ciel clair.


2. Un bon ouvrier

L'adverbe "tranquillement" traduit l'aisance de Coupeau. La comparaison avec un tailleur montre son savoir-faire et sa parfaite adaptation au lieu. L'expression "comme chez lui", utilisée deux fois, souligne que l'ouvrier évolue dans un environnement familier. Le sérieux de Coupeau, l'intensité de son application sont perceptibles par l'absence de dialogue : une seule réplique dictée par l'opération en cours : un jargon de couvreur. Dans ce contexte, la référence aux apostrophes adressées à l'apprenti assimilé familièrement à une couleuvre ("cette couleuvre de Zidore") signale aussi le caractère intransigeant de l'ouvrier appliqué qui reproche au jeune homme sa désinvolture.
Cet ouvrier sérieux est également un ouvrier heureux : il travaille avec entrain: il sifflote, le titre de l'air siffloté souligne bien le bonheur qui l'anime ("Ohé ! les p’tits agneaux !").
La série de verbes d'action à la fin du passage montre son indifférence au danger et ses gestes et mouvements sont la marque du spécialiste. Aisance du couvreur qui dans les dernières lignes côtoie la mort, au bord du précipice.


II. Une menace omniprésente

1. La chronologie

Le moment est symbolique : le crépuscule. L'imparfait initial place l'action dans la durée. Le plus-que-parfait "il y avait installé" rappelle que nous assistons seulement à la dernière étape des travaux de couverture. On peut noter la progression nettement marquée avec la reprise de la même expression au début de chaque paragraphe des "dernières feuilles de zinc" (pluriel) à "la dernière feuille de zinc" (singulier). Des étapes qui rapprochent du moment fatidique. Le lyrisme n'est pas absent de ce tableau naturaliste : image d'une fin de journée printanière ("soleil de mai"). La pureté du ciel ("le ciel clair"), des notes de couleur avec le "rose pâle", la quiétude d'une fin de journée lumineuse. Un décor qui pourrait être un état d'âme, un instant de bonheur.


2. Les marques et les étapes de la tragédie

Mais il s'agit de la journée fatidique "Ce jour-là" (cf. la fameuse journée propre à la tragédie classique). Ainsi la fin de journée dégage "une pleine lumière", "le plein jour", la lumière crue nécessaire pour éclairer la tragédie. A cela s'ajoute la symbolique du feu de l'enfer, l'haleine du soufflet, personnification qui appelle l'image négative de Vulcain, le feu de l'Enfer. Ces "pétillements d'étincelles" font d'ailleurs naître l'angoisse.
Au début du passage, les premières indications sont faussement rassurantes : fausse horizontalité du toit "presque plat", large volet de l'établi de fortune qui connote la sécurité mais l'idée de danger s'accentue avec le déplacement du personnage.
Le déplacement s'opère vers le bas : "au bord du toit près de la gouttière". Les précisions sont inquiétantes, ces détails matériels préviennent de l'imminence de la catastrophe : la tombée du jour doit s'accompagner de la chute de l'ouvrier.
L'écriture concourt à faire naître ce sentiment : le rythme des phrases est plus haletant, on note de nombreuses coupures et une phrase brève "Une de ses jambes pendait" qui laisse le lecteur dans l'attente. L'imparfait de la dernière phrase marque la répétition des gestes dans une position instable. Quant à l'expression de la cause "à cause du trottoir" elle indique la prise de conscience du danger, la force attractive du trottoir qui est l'amorce du thème de la chute associé à celui de l'abîme suggéré par la reprise du mot trou.





Conclusion

    Un extrait qui, sous des dehors naturalistes, ceux d'une écriture qui se veut objective, illustre parfaitement l'art de Zola. Cette scène ordinaire présente en filigrane tous les effets de l'écriture littéraire génératrice d'émotions fortes.

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Merci à celui ou celle qui m'a envoyé cette analyse sur le chapitre 4 de L'Assommoir de Emile Zola