Au Bonheur des dames

Emile Zola

Dernière page (chapitre 14)





Plan de la fiche sur un extrait de Au Bonheur des Dames de Emile Zola :
Introduction
Texte étudié
Plan du texte
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

    Ce texte est tiré du roman d'Emile Zola, Au Bonheur des Dames, il en constitue la dernière page. Denise, employée du magasin d'Octave Mouret, s'est rendue compte que son patron l'aimait. Persuadée de l'impossibilité de cet amour, elle désire quitter le magasin.
    Le soir d'une vente exceptionnelle qui a dépassé le million, Mouret propose à Denise de l'épouser.




Texte étudié


- Et si je vous épousais, Denise, partiriez-vous ?
Mais elle avait retiré ses mains, elle se débattait comme sous le coup d'une grande douleur.
- Oh ! monsieur Mouret, je vous en prie, taisez-vous ! Oh ! ne me faites pas plus de peine encore !... Je ne peux pas ! je ne peux pas !... Dieu est témoin que je m'en allais pour éviter un malheur pareil !
Elle continuait de se défendre par des paroles entrecoupées. N'avait-elle pas trop souffert déjà des commérages de la maison ? Voulait-il donc qu'elle passât aux yeux des autres et à ses propres yeux pour une gueuse ? Non, non, elle aurait de la force, elle l'empêcherait bien de faire une telle sottise. Lui, torturé, l'écoutait, répétait avec passion :
- Je veux... je veux...
- Non, c'est impossible... Et mes frères ? j'ai juré de ne point me marier, je ne puis vous apporter deux enfants, n'est-ce pas ?
- Ils seront aussi mes frères... Dites oui, Denise.
- Non, non, oh ! laissez-moi, vous me torturez ! Peu à peu, il défaillait, ce dernier obstacle le rendait fou.
Eh quoi ! même à ce prix, elle se refusait encore ! Au loin, il entendait la clameur de ses trois mille employés, remuant à pleins bras sa royale fortune. Et ce million imbécile qui était là ! il en souffrait comme d'une ironie, il l'aurait poussé à la rue.
- Partez donc ! cria-t-il dans un flot de larmes. Allez retrouver celui que vous aimez... C'est la raison, n'est-ce pas ? Vous m'aviez prévenu, je devrais le savoir et ne pas vous tourmenter davantage.
Elle était restée saisie, devant la violence de ce désespoir.
Son coeur éclatait. Alors, avec une impétuosité d'enfant, elle se jeta à son cou, sanglota elle aussi, en bégayant :
- Oh ! monsieur Mouret, c'est vous que j'aime !

Au Bonheur des Dames - Emile Zola - Extrait du chapitre 14



Plan du texte

Du début à "...vous me torturez !" : le refus de Denise d'épouser Mouret.
De "Peu à peu, il défaillait..." à "...poussé à la rue." : la dérisoire puissance de l'argent.
De "- Partez donc !..." à la fin : l'explosion de la passion.


Annonce des axes

I. Le jeu sur la force et la faiblesse
1. La force de l'argent et la faiblesse sentimentale
2. La faiblesse sociale et la force du refus
3. La force des préjugés et la faiblesse de l'amour

II. La présence obsédante des autres
1. L'argent comme représentant de la société
2. La crainte du "qu'en dira-t-on ?"
3. La souffrance rédemptrice



Commentaire littéraire

I. Le jeu sur la force et la faiblesse

1. La force de l'argent et la faiblesse sentimentale

Zola utilise les discours direct, indirect et indirect libre pour traduire la pensée de ses héros.
Pour Octave, tout se traduit en termes d'argent. Ceci apparaît dans le texte par une exclamation au style indirect : "Eh quoi ! même à ce prix, elle se refusait encore !".
La force de l'argent est caractérisée par un vocabulaire hyperbolique ("royale fortune") mais se traduit également de certaines paroles de Mouret ("Je veux... je veux...") qui montrent qu'il a le pouvoir.
Cependant il y a un glissement dans le texte, Octave se met à pleurer : un mur s'oppose à l'argent.


2. La faiblesse sociale et la force du refus

Denise est uni à Mouret par un lien de subordination qui se traduit ici par l'appellation "Denise". C'est un patron paternaliste, car on peut penser qu'il lui avait pris les mains ("elle avait retiré ses mains"). Cette puissance ne se lit pas dans son langage puisque c'est Denise qui lui donne des ordres ("taisez-vous") et qui utilise un vocabulaire d'opposition ("elle l'empêcherait", "c'est impossible ") et négatif sur ses projets ("un malheur pareil", "une telle sottise").
Le jeu sur les discours direct et indirect permet de mettre en valeur ce refus et de faire comprendre la pensée de Denise.


3. La force des préjugés et la faiblesse de l'amour

Le discours argumentatif de Denise est avant tout d'ordre moral. Elle utilise l'argument de ses frères.
Elle a le sens du sacrifice puisqu'elle aime son patron depuis le début.
On remarque un vocabulaire hyperbolique de la douleur ("elle se débattait comme sous le coup d'une grande douleur", "vous me torturez") accentué par la ponctuation et les répétitions. Elle a donc ici un statut héroïque car elle lutte contre elle-même.
Le texte prend une dimension tragique : elle est prise entre son amour et son devoir. Cependant, tous les éléments la poussent à dire oui.


II. La présence obsédante des autres

On entend les autres ("la clameur") et ils sont présents de deux manières différentes.

1. L'argent comme représentant de la société

Ce jour là, le million représente sa victoire sociale et les différences sociales. La première fois que Denise l'a vu, elle a été choquée.
Mouret a un pouvoir absolu sur ses employés ("ses employés"). Il a tout ce qu'il veut avec son argent.
La différence sociale marque tellement Mouret et Denise qu'ils ne se comprennent pas. Mouret pense qu'il peut l'acheter et il n'a pas compris que l'argent la laisse indifférente. Elle pense qu'elle n'est qu'un caprice pour lui.


2. La crainte du "qu'en dira-t-on ?"

Denise est obsédée par le jugement des autres. Elle a un discours très moral avec un vocabulaire hyperbolique ("gueuse"). Pour Denise, les autres sont physiquement présents ("yeux des autres"). Elle a en permanence le sentiment d'être regardée et que Mouret est un spectateur ("yeux des autres").
On sent qu'elle est prête à renoncer au bonheur pour sa respectabilité. Elle souffre de ne pouvoir accepter.


3. La souffrance rédemptrice

L'un et l'autre passent par une très grande souffrance physique ("se débattait comme sous le coup d'une grande douleur", "torturé") et morale ("désespoir"). On est dans le registre de la passion. C'est une souffrance rédemptrice.
Lui qui est un homme d'argent, dur et impitoyable, renonce d'un coup à ce qui a fait le but de sa vie. Cet homme aux nombreuses aventures affronte le refus.
Denise accepte de réviser ses préjugés et de voir enfin dans son patron un homme.
Le malentendu est levé. Ils s'aiment sans arrières pensées ("flot de larmes", "avec une impétuosité d'enfant").





Conclusion

     Ce texte clôturant Au Bonheur des Dames est un des rares dénouements heureux de Zola aux termes d'un affrontement où forces et faiblesses ne sont pas forcément du côté que l'on croit. Les deux personnages se retrouvent à égalité. L'amour est possible même si tout les séparait.

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Merci à David pour cette analyse sur un extrait de Au Bonheur des Dames de Zola