Lorenzaccio

Alfred de Musset - 1834

Acte III, scène 3, deuxième tirade de Lorenzo

De "LORENZO — Tu me demandes pourquoi je tue Alexandre ?" à "...le tribunal de ma volonté."





Plan de la fiche sur la scène 3 de l'acte III de Lorenzaccio de Alfred de Musset :
Introduction
Texte de l'extrait
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

     Dans cette tirade, extraite de l'Acte III scène 3 de Lorenzaccio de Alfred de Musset, Lorenzo précise sa pensée sur les hommes et les Républicains. C'est un « rufian » qui a pris goût au vice. Les Républicains ne feront rien si le duc est tué. Lorenzo a fait une affaire personnelle de l’assassinat.
     C'est une tirade longue et mouvementée, elle justifie l'assassinat.

Musset
Alfred de Musset



Texte de l'extrait

ACTE III, SCENE 3
Extrait

LORENZO
Tu me demandes pourquoi je tue Alexandre ? Veux-tu donc que je m'empoisonne, ou que je saute dans l'Arno ? veux-tu donc que je sois un spectre, et qu'en frappant sur ce squelette (Il frappe sa poitrine), il n'en sorte aucun son ? Si je suis l'ombre de moi-même, veux-tu donc que je m'arrache le seul fil qui rattache aujourd'hui mon coeur à quelques fibres de mon coeur d'autrefois ? Songes-tu que ce meurtre, c'est tout ce qui me reste de ma vertu ? Songes-tu que je glisse depuis deux ans sur un mur taillé à pic, et que ce meurtre est le seul brin d'herbe où j'aie pu cramponner mes ongles ? Crois-tu donc que je n'aie plus d'orgueil, parce que je n'ai plus de honte ? et veux-tu que je laisse mourir en silence l'énigme de ma vie ? Oui, cela est certain, si je pouvais revenir à la vertu, si mon apprentissage du vice pouvait s'évanouir, j'épargnerais peut-être ce conducteur de boeufs. Mais j'aime le vin, le jeu et les filles ; comprends-tu cela ? Si tu honores en moi quelque chose, toi qui me parles, c'est mon meurtre que tu honores, peut-être justement parce que tu ne le ferais pas. Voilà assez longtemps, vois-tu, que les républicains me couvrent de boue et d'infamie ; voilà assez longtemps que les oreilles me tintent, et que l'exécration des hommes empoisonne le pain que je mâche ; j'en ai assez d'entendre brailler en plein vent le bavardage humain ; il faut que le monde sache un peu qui je suis et qui il est. Dieu merci ! c'est peut-être demain que je tue Alexandre ; dans deux jours j'aurai fini. Ceux qui tournent autour de moi avec des yeux louches, comme autour d'une curiosité monstrueuse apportée d'Amérique, pourront satisfaire leur gosier et vider leur sac à paroles. Que les hommes me comprennent ou non, qu'ils agissent ou n'agissent pas, j'aurai dit tout ce que j'ai à dire ; je leur ferai tailler leur plume, si je ne leur fais pas nettoyer leurs piques, et l'humanité gardera sur sa joue le soufflet de mon épée marqué en traits de sang. Qu'ils m'appellent comme ils voudront, Brutus ou Erostrate, il ne me plaît pas qu'ils m'oublient. Ma vie entière est au bout de ma dague, et que la Providence retourne ou non la tête, en m'entendant frapper, je jette la nature humaine à pile ou face sur la tombe d'Alexandre ; dans deux jours, les hommes comparaîtront devant le tribunal de ma volonté.

Extrait de l'acte III, scène 3 de Lorenzaccio - Alfred de Musset





Annonce des axes

I. Les questions qui poussent aux justifications
II. Le sens de l'assassinat



Commentaire littéraire

I. Les questions qui poussent aux justifications

Le lien avec le passé renoué : en tuant le duc, Lorenzo révèlera alors qui il est. S'il ne le tue pas, la pureté originale de Lorenzo sera à jamais morte.
Le meurtre est présenté comme un acte vertueux « C'est tout ce qui me reste de ma vertu ? » -> Lien entre Lorenzo actuel et son fantôme du passé -> « revenir à la vertu ».
Ce lien est fragile, c'est un « brin d'herbe ».

La tourmente : répétition de « veux-tu » (3 fois) : il interpelle Philippe « songes-tu ? », « crois-tu ».
Ces répétitions donnent la mesure aux conjonctions.
Tourmente de Lorenzo : il est dans l'impossibilité d'accomplir son acte mais mourir sans tuer le duc est un suicide sans intérêt.

« si je pouvais revenir à la vertu, si mon apprentissage du vice pouvait s'évanouir, j'épargnerais peut-être ce conducteur de boeufs. » La vertu et l’assassinat ne sont pas compatibles. La haine est exprimé par un vocabulaire péjoratif : « conducteur de bœuf ».

Lorenzo indique donc ses idées dans son discours.


II. Le sens de l'assassinat

Solitude : opposition entre « je » et « il » (le monde) : révélation à faire aux autres « j'aurai dit tout ce que j'ai à dire »
-> Lorenzo veut régler des comptes avec les Florentins dont il n'attend rien.

L’anaphore de « Voilà assez longtemps » montre la colère de Lorenzo.
Les images qu’il utilise indiquent les jugements qu'on lui porte : « on me couvre de boue et d’infamie », « l'exécration des hommes empoisonne le pain que je mâche ».

Orgueil : Lorenzo se pose en homme qui agit. « c'est peut être demain que je tue Alexandre » le présent accentue la réalité de son acte.
C'est une forme d'orgueil : il veut laisser son nom dans l'histoire (métaphore du soufflet « et l'humanité gardera sur sa joue le soufflet de mon épée marqué en traits de sang ») -> violence du moyen utilisé.
« il ne me plaît pas qu'ils m'oublient » : l'acte est vain, nourri d'orgueil qui révèle le besoin de célébrité posthume.

Lorenzo lance un défi à l'Humanité entière « Je jette la nature humaine à pile ou face sur la tombe d'Alexandre ».





Conclusion

Cette dernière tirade révèle a Philippe Strozzi les justifications de l'acte de Lorenzo
-> tristesse et lassitude absolues.

Le meurtre est la seule possibilité de retrouver son unité : à la fois l'orgueil (vice) et purification (Lorenzo d'autrefois).

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Merci à celui ou celle qui m'a envoyé cette analyse de la scène 3 de l'acte III de Lorenzaccio de Musset