Nox - VI

Victor Hugo

Les Châtiments









Introduction

    Nous sommes dans la sixième partie de Nox, poème de Les Châtiments de Victor Hugo reposant sur une structure négative. Il se passe après le coup d’Etat. Napoléon se rend à Notre-Dame pour légitimer sa tuerie.

Victor Hugo
Victor Hugo



Texte étudié

Nox - VI



Un mois après, cet homme allait à Notre-Dame.

Il entra le front haut ; la myrrhe et le cinname
Brûlaient : les tours vibraient sous le bourdon sonnant ;
L'archevêque était là, de gloire rayonnant ;
Sa chape avait été taillée en un suaire ;
Sur une croix dressée au fond du sanctuaire
Jésus avait été cloué pour qu'il restât.
Cet infâme apportait à Dieu son attentat.
Comme un loup qui se lèche après qu'il vient de mordre
Caressant sa moustache, il dit : - J'ai sauvé l'ordre !
Anges, recevez-moi dans votre légion !
J'ai sauvé la famille et la religion !
Et dans son œil féroce où Satan se contemple,
On vit luire une larme. . . - Ô colonnes du temple !
Abîmes qu'à Patmos vit s'entrouvrir saint Jean.
Cieux qui vîtes Néron, soleil qui vit Séjan,
Vents qui jadis meniez Tibère vers Caprée,
Et poussiez sur les flots sa galère dorée,
Ô souffles de l'aurore et du septentrion,
Dites si l'assassin dépasse l'histrion.

Victor Hugo - Les Châtiments



Annonce des axes

I. La structure du passage
II. Les procédés de la satire
III. Les nuances d’ironie



Commentaire littéraire

I. La structure du passage

Il y a d’abord une subdivision formelle, très inégale (trois parties), séparées par une ligne sautée et des points de suspension suivis d’un tiret. Le premier vers sert à faire transition avec le poème précédent. Il sert à planter le décor de l’action : l’imparfait (« cet homme allait à Notre Dame ») a une valeur durative. Cette manière d’aller à Notre Dame prend une dimension symbolique.

Deuxième partie avec beaucoup de passé simple mais aussi de l’imparfait. Elle se termine par des points de suspension => le récit n’est pas continué mais l’action continue, Victor Hugo peut vouloir arrêter son récit car il ne veut pas raconter la suite, il nous laisse imaginer le caractère ineffable (indicible) de l’attitude scandaleuse. La troisième partie est fortement dégagée par le tiret. Ceci signifie une cassure (un hiatus). C’est une invocation lyrique => antithèse. On est passé de l’abjection (du loup qui se lèche) aux valeurs les plus sacrées : participation émotionnelle, admiration. Elle est de l’ordre d’une prière. La dernière partie serait consacrée au dernier vers, où l’on retombe dans la satire. Ceci traduit une chute. On passe de l’invocation lyrique (la plus solennelle) à la tonalité satirique (la plus basse).


II. Les procédés de la satire

Le premier procédé est une mise en scène qui utilise le décor de la cathédrale pour montrer une entrée solennelle. Le poète sollicite l’odorat et l’ouïe (la myrrhe et la cinname => l’odorat, le bourdon => l’ouïe). Impression de gravité => l’église organise une mise en scène pour les croyants. Elle vise à une séduction trompeuse. La lumière qui émane de l’archevêque montre qu’il est au plus haut de sa gloire et qu’il prétend être le Christ. C’est une satire car il prétend être le Christ mais en mal. L’archevêque se supplante à Christ. Au vers 2-3 : allitération de lettre « r » qui montre le bourdon. « Ou » est grave et montre la solennité de la scène. Procédé de satire qui repose sur l’antithèse entre « chape » (position ecclésiastique) et « suaire ».
Sujet de la richesse en antithèse avec la mort. L’antithèse repose sur un parallélisme. Dénonciation explicite de ce que l’on pourrait appeler « l’Antéchrist ». Nous sommes en pleine satire : le Christ ne peut rien faire. Impuissance de la morale chrétienne. Renversement des valeurs par une violence satirique.

Toute cette mise en scène est faite mise pour un homme que l’on ne connaît pas : « cet homme », « cet infâme ». Progression dans la désignation péjorative. Ces deux désignations explicitent l’intention du poète. Le reste du temps, il est représenté par le pronom « il ». Il ne mérite pas qu’on le nomme. Il faut qu’il reste anonyme. Rapprochement entre la sauvagerie et la distinction du personnage. Le loup qui se lèche après avoir mordu => sauvage, il se caresse la moustache => distinction, il est entre la bête et l’homme => c’est un monstre. Rencontre entre la dimension symbolique de l’œil féroce et la larme qui montre l’hypocrisie. A tous ces procédés s’ajoute une entité d’ironie.


III. Les nuances d’ironie

Différents dispositifs ironiques dont l’antiphrase. On le voit en œuvre dans les citations au discours direct utilisées à des fins d’antiphrases. Ce sont les paroles du tyran (dites dans les différentes parties de Les Châtiments). Il est puissant car il se double d’un raccourci. « J’ai sauvé l’ordre » => contraste entre « mordre » et « sauver ». Il faut comprendre « J’ai sauvé l’ordre » de manière antiphrastique.

- Renversement des valeurs christiques : si Jésus n’était pas cloué sur sa croix, il serait parti.
- Le lyrisme : utilisation antiphrastique (« Ô colonnes du temple » => invocation lyrique) => haut style => cosmos => « vents », « cieux », « souffles de l’aurore ».
- Procédés rhétoriques tels que le vocatif « Ô », exclamations ainsi que les références antiques et évangéliques. Le tout entrant dans un puissant contraste avec le dernier vers.
Passage de l’invocation lyrique à un dispositif amère et ironique. C’est une chute.
Il y a une ampleur rythmique qui accompagne l’invocation lyrique alors que la chute se fait brève. Tout ceci relève du dispositif ironique.





Conclusion

    Bon exemple de la veine satirique. Ceci va être développé dans Les Châtiments.

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Merci à celui ou celle qui a réalisé cette analyse de Nox de Victor Hugo