Palabre sur la pendaison

Samuel Beckett, En attendant Godot

De "ESTRAGON. - Si on se pendait ?" à "VLADIMIR. - A moi aussi."
Pages 21 à 24 (Les éditions de minuit)






Introduction

     D'une guerre mondiale à l'autre, les sociétés encaissent chocs et bouleversements et se transforment dans une volonté de s'éloigner de la violence et des barbaries commises. Ces changements se traduisent dans le théâtre du XXème siècle par un emprunt à la tradition mais l'accession à une forme de modernité.
     En attendant Godot, publié en 1952 par Samuel Beckett (prix Nobel 1969), narre l'attente de deux personnages étranges : Vladimir et Estragon. La scène que nous allons étudier fait suite à une succession d'actions inachevées ou avortées (rêve, dispute, réconciliation) qui débouche sur une scène où les personnages cherchent à tromper leur ennui.
     Comment Samuel Beckett aborde-t-il les grands thèmes de l'existence de façon comique et distrayante ?



Lecture du texte


Annonce des axes d'étude

    Nous étudierons d'abord le rapport à la mort et la prise de conscience de l'essence de la condition humaine, puis le rapport à la religion.


Etude méthodique :

I/ Le rapport à la mort

1- Le désir de mort

- « Et si on se pendait » : le désir de mort est un thème récurent de la pièce (Tour Effel dans la scène d'exposition, suicide dans la Durance, scène finale)
- Impératifs associés au lexique de la mort « pendons-nous », expression de la volonté, de l'aspiration à la mort, comme une invitation à l'action.
- Demande pressante « tout de suite », imploration « on peut toujours ».

=> L'extrait met en scène deux personnages qui cherchent à se suicider.

2- La mort, un choix tragique ?

- Caractère désespéré de la situation des personnages.
      à Elément tragique, la mort est là pour les soustraire au vide de l'existence.
- Néanmoins dans la philosophie stoïcienne, se donner la mort peut être un acte de courage, de prise en main de soi-même.
- Le vrai tragique, c'est de ne jamais arriver à se pendre : la mort se dérobe devant Vladimir et Estragon de façon récurrente.

=> Ce n'est donc pas le choix de la mort qui est tragique dans cet extrait, mais le renoncement.

3- Le renoncement et la dérision

- Renoncement pour des causes matérielles (évocation insistante de la branche).
      à dérision
- Mais l'obstacle matériel ne fait que traduire un obstacle d'ordre psychologique : la peur de vivre seul, et plus encore la peur de mourir seul.

=> Prise de conscience de la condition humaine et de la solitude fondamentale de l'homme.

Beckett aborde dans cet extrait le rapport des hommes à la mort. Cette mort est parfois désirée et parfois redoutée. Beckett met ainsi en scène, tragiquement et comiquement, la prise de conscience de l'essence de la condition humaine.


II/ Le rapport à la religion

1- Qui est Godot ?

- Godot est, selon l'expression française, « attendu comme le messie », d'autre part, le sens étymologique de Godot pourrait venir de l'anglais « god » qui signifie Dieu.
- Présence d'un lexique à forte connotation religieuse, d'autre part Vladimir se définit comme suppliant.
- A cela s'ajoute la position dominante dans laquelle semble être Godot, signalée par l'énumération de ses possessions.

=> Godot semble donc être Dieu ou un de ses représentants.

2- Godot tourné en dérision

- Godot semble très attaché au matériel, comme semble l'indiquer l'énumération de ses possessions.
- En argot, le verbe goder signifie bander.
- « qu'il verrait, qu'il ne pouvait rien promettre » = impuissance ? incertitude ?

=> Beckett tourne donc en dérision Godot, et à travers lui la religion.

3- La parole

La parole est un des points phare de la religion (prières, messes, suppliques), mais ici le pouvoir de la parole est remis en cause :
- La fin de l'extrait est constituée de répliques proches de la stichomythie (répliques courtes et dénuées de sens).
- A cela s'ajoutent des formules toutes faites « qui peut le plus peut le moins » « réfléchir à tête reposée », « battre le fer » qui sont le moteur du dialogue.

=> Le pouvoir de la parole est donc remis en cause dans sa capacité à exprimer la complexité des Hommes.

     Dans notre extrait, Samuel Beckett met en scène le rapport des hommes à la religion, en plaçant Dieu dans la peau de Godot, un personnage attendu mais toujours absent et tourné en dérision, il y ajoute la remise en cause d'un des fondements de la religion.


Conclusion

     A travers Vladimir et Estragon, Samuel Beckett réussit à aborder les thèmes majeurs de la vie humaine. Ces thèmes touchent à l'essence même de l'existence : la mort, si présente au cours du siècle et la religion dont le rôle a été si ambiguë, par une réflexion commune aux Hommes, à caractère universel, et à tourner ces thèmes en dérision, s'inscrivant bien ainsi dans le théâtre de l'absurde.



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