Pozzo et Lucky

Samuel Beckett, En attendant Godot

De "POZZO (d'un geste large). – Ne parlons plus de ça." à "Il dépose la bouteille et se met à manger."
Pages 31 à 33 (Les éditions de minuit)






Introduction

     D'une guerre mondiale à l'autre, les sociétés encaissent chocs et bouleversements et se transforment dans une volonté de s'éloigner de la violence et des barbaries commises. Ces changements se traduisent dans le théâtre du XXème siècle par un emprunt à la tradition mais l'accession à une forme de modernité.
     En attendant Godot, publié en 1952 par Samuel Beckett (prix Nobel 1969), narre l'attente de deux personnages étranges : Vladimir et Estragon. Dans la scène que nous étudierons, ils viennent d'être rejoints par deux nouveau personnages : Pozzo et Lucky, et sortent ainsi pour la première fois de leur isolement.
     Comment cette scène montre-t-elle la puissance de Pozzo ?


Lecture du texte


Représentation de En attendant Godot

Annonce des axes d'étude

    Nous étudierons d'abord les marques de la puissance de Pozzo dans sa tirade, puis sa relation à Lucky et enfin, nous verrons en quoi la mise en scène met en relief cette puissance.


Etude méthodique :

I/ La puissance de Pozzo dans sa tirade

1- Le langage de Pozzo

- La réplique de Pozzo ressemble à une tirade, ce qui est en totale opposition avec le langage de Vladimir et Estragon, plus proche de la stichomythie.
- Pozzo utilise beaucoup les injonctions.
- Pozzo capte l'attention des spectateurs « voyez-vous ».
- Même lorsqu'il marque des silences, les autres personnages n'osent pas prendre la parole.

=> Pozzo s'impose comme dominant par le langage qu'il emploie.

2- Sa relation aux autres personnages

- Pozzo est imbu de lui-même et méprisant envers Vladimir et Estragon « mes semblables [...] même s'il ne me ressemblent qu'imparfaitement ».
- Pozzo a besoin des autres pour exister et pour marquer sa puissance « Je ne peux pas me passer longtemps de la compagnie de mes semblables ».
- Une des forces de Pozzo par rapport aux autres personnages, c'est qu'il a la capacité d'initier l'action.

=> Paradoxe entre l'arrogance du personnage et le fait qu'il ne peut exister sans les autres.

3- Pozzo et le temps

- Il dispose d'une montre.
- Le discours de Pozzo est peu entrecoupé par des silences et des points de suspension.

=> Contrairement aux autres personnages qui vivent dans un temps cyclique et confus (voir scène d'exposition), Pozzo est maître de son temps.

     A travers sa tirade, on perçoit déjà la puissance de Pozzo et sa supériorité sur Vladimir et Estragon, marquée par son langage, sa relation de dominant et ses capacités à maîtriser le temps et à initier l'action, capacités manquantes aux autres personnages.


II/ La relation entre Pozzo et Lucky

1- Lucky, un animal

- Lucky est retenu par Pozzo au bout d'une corde, son nom pourrait être assimilé à celui d'un animal domestique, d'autant plus que Pozzo se considère, cheminant avec Lucky, comme seul et loin de ses « semblables ».
- Lucky est décrit, extrêmement chargé, l'échine courbée sous la charge, ce qui correspond à l'expression française « être chargé comme une mule », Lucky est donc visuellement animalisé.
- Il agit de façon automatique sur les ordres de Pozzo : « manteau » « Lucky donne le manteau ».
- A cela s'ajoute l'absence de volonté et de révolte, tenant le fouet, symbole du pouvoir de son maître, Lucky ne pense pas même à s'en servir.

=> Aristote défini l'être humain comme un être doué de pensée, ou de parole, ce qui ne semble pas le cas de Lucky, il y a donc réification du personnage.

2- Le rapport entre Pozzo et Lucky

- Lucky n'a d'autre langage que celui du corps, lorsque Pozzo ne lui donne pas d'ordre, il s'endort et donc n'existe plus, est annihilé, symboliquement mort. Or Pozzo refuse qu'il s'endorme de même que Vladimir n'avait pas laissé Estragon s'endormir, on peut donc penser que Pozzo a besoin de Lucky pour exister.
- Le rapport Pozzo Lucky est un rapport dominant dominé.
- Finalement, Lucky apparaît comme le bras de Pozzo, qui exécute simplement les ordres qui lui parviennent.

=> Pozzo a besoin de Lucky pour définir sa puissance.

     En faisant de Lucky un être déshumanisé, totalement soumis à Pozzo, Samuel Beckett en fait le plus grand symbole de la puissance de Pozzo.


III/ La puissance de Pozzo mise en relief par la mise en scène

- Contrairement aux passages qui précèdent, cette scène est l'occasion d'une profusion d'accessoire qui accentuent la puissance de Pozzo :
        - Le pliant qui figure un trône
        - Le manteau, symbole de confort, de richesse, du souci de son apparence
        - Le panier et la valise symboles de richesse, de possession, idée de « coffre au trésor »
        - Le fouet et la corde qui figurent sa position dominante
- Ces objets vont limiter l'espace de pouvoir de Pozzo et donner du volume à la scène.
- Grâce au très grand nombre de didascalies, contrairement aux scènes qui précèdent, Pozzo prend autant de place visuellement qu'auditivement.

=> On peut donc dire que tout et tous gravitent autour de Pozzo qui organise l'espace scénique.


Conclusion

     Cette scène met donc en valeur la puissance de Pozzo à travers sa domination du langage, qui apparaît dans sa tirade, son rapport aux autres, et plus particulièrement Lucky, et une mise en scène centrée sur sa personne. A travers ceci, c'est une vision de la condition sociale que cherche à nous transmettre Samuel Beckett.


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