Nous étudierons tout d'abord le jeu en abîme,
puis l'espace scénique et enfin nous verrons son apport à l'existentialité des
personnages.
Etude méthodique :
I/ Le jeu en abîme
1- L'apparition du jeu en abîme
- Dans la scène précédente, Vladimir et Estragon ont
commencé à jouer avec le chapeau oublié par Pozzo.
- Dès le début de l'extrait, il est proposé de « jouer à Pozzo
et Lucky », la polysémie du verbe jouer prête a confusion
entre un jeu (enfantin) et le jeu propre aux acteurs.
- Enfin, on observe des effets de mimétisme, l'imitation de Lucky par
Vladimir « Vladimir ployé ».
=> On est donc rentré dans une mise en abîme, les personnages joués par des acteurs jouent eux-mêmes d'autres personnages.
2- Vladimir, metteur en scène ?
- Vladimir semble diriger la mise en scène
- Il emploie de nombreux impératifs et de
nombreuses phrases nominales.
- On observe l'absence de didascalies pendant la mise en abîme, comme
si Beckett s'effaçait au profit d'une autre mise en scène.
- Estragon obéit aux consignes de Vladimir.
- Estragon ne rentrant pas vraiment dans le jeu en abîme, tous les rôles
finissent par être assumés par le même personnage.
=> On assiste donc à une dégradation du spectacle théâtrale puisque la mise en scène est confiée à un personnage et que tous les rôles finissent par être assumés par lui.
3- Les évocations du regard
- Estragon « regarde avec stupéfaction » car il est spectateur
du jeu de Vladimir.
à Mise
en abîme du statut de spectateur.
- Coïncidence entre le moment où Vladimir ne voit plus Estragon
(en coulisse) et la fin du jeu en abîme.
- « Je ne peux pas » lorsque Estragon est hors scène, il
y a donc impossibilité de jouer sans le regard d'Estragon.
=> Il n'y a pas de théâtre sans regard.
II/ L'espace scénique
1- Les limites de l'espace scénique
- Le jeu des entrées et sorties d'Estragon est souligné d'abord
par ses effets d'annonce, puis par les cris de Vladimir.
- Les commentaires d'Estragon sur son hors-scène et l'anaphore du mot
courir conduisent à la mise en évidence du système scène/coulisses.
=> A travers la mise en évidence des limites de l'espace scénique, Beckett rompt l'illusion théâtrale, suivant ainsi la théorie de la distanciation de Bertolt Brecht.
2- Le Hors-Scène
- Estragon paraît effrayé lorsqu'il revient de son hors-scène, à l'inverse,
Vladimir qui n'est pas sorti, semble lui beaucoup plus enthousiaste.
- Estragon n'existe pas hors scène sauf par Vladimir qui ne peut jouer
sans Estragon.
- Parallélisme entre le jeu de Vladimir et celui d'Estragon, ils sont
liés.
=> Les personnages sont contraints de rester sur l'espace scénique
(cf. Pirandello, 6 personnages en quête d'auteur).
III/ Existentialité des personnages
1- L'identité des personnages
- Echange des rôles, les personnages n'interprètent pas le rôle
le plus proche de leur personnalité.
- Estragon n'arrive pas à rentrer vraiment dans la mise en abîme,
mais Vladimir arrive quand même à se fondre sans difficulté dans
un rôle loin de sa personnalité.
=> L'identité des personnages semble fortuite, comme si les individus étaient modelés par l'extérieur, par des choses qui échappent à leur conscience.
2- Possibilité d'agir
- Double jeu (mise en scène).
- Accélération du rythme, action qui se précipite, mise
en évidence par les points d'exclamation, la présence de beaucoup
de verbes de mouvement, notamment la verbe courir, répété trois
fois.
=> La possibilité d'agir, qui leur avait été refusée jusque là, donne une existence aux personnages.
3- Dégradation du jeu théâtral
- La représentation faite de Pozzo et Lucky est caricaturale, mettant
l'accent sur le lien dominant dominé, et retire toutes les nuances du
jeu initial. La mise en abîme apparaît donc ici comme le pâle
reflet d'une scène déjà vue.
- Les personnages se sont agités, comme le montre les indications spatiales
figurant le désordre du mouvement, mais pour rien, montrant ainsi la
vanité de l'action.
- Il avait été dit (page 51) « danser puis penser, c'est
l'ordre naturel », ici on a pensé (chapeau) puis dansé,
d'où une dégradation de l'action humaine par rapport à la
pièce originale.
- Enfin, lorsque Lucky avait pensé, il avait dit la tirade la plus longue
de toute la pièce tandis que lorsque Vladimir s'y essaye, rien ne se
passe.
=> Etant donné que la pensée est le fondement de l'action,
Beckett annihile ici tout ce qui fait l'essence de l'être humain.
Conclusion
A travers la mise en abîme, la mise en évidence
de l'espace scénique, Beckett souligne l'existentialisme des personnages,
pour finalement annihiler tout ce qui fait l'essence de l'être humain.
Merci à celui ou celle qui m'a envoyé cette
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