Les Mémoires d'Outre-Tombe

Chateaubriand

Préface






Plan de la fiche sur la préface de Les Mémoires d'Outre-Tombe de Chateaubriand :
Introduction
Lecture du texte
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

    Le texte étudié est la préface aux Mémoires d’Outre-Tombe : écrite par François-René de Chateaubriand  en 1809.

    Les Mémoires d’Outre-Tombe ont été écrites après une déception amoureuse (Mme de Beaumont). La préface éclaire les différentes motivations de l’écriture autobiographique en un texte d’idée qui prend la forme d'un discours argumenté lucide, lyrique, polémique et grandiloquent.


Lecture du texte

Les Mémoires d'Outre-Tombe

Préface


     Je me suis souvent dit : « Je n'écrirai point les mémoires de ma vie; je ne veux point imiter ces hommes qui, conduits par la vanité et le plaisir qu'on trouve naturellement à parler de soi, révèlent au monde des secrets inutiles, des faiblesses qui ne sont pas les leurs et compromettent la paix des familles ». Après ces belles réflexions, me voilà écrivant les premières lignes de mes mémoires. Pour ne pas rougir à mes propres yeux, et pour me faire illusion, voici comment je pallie mon inconséquence.

     D'abord, je n'entreprends ces mémoires qu'avec le dessein formel de ne disposer d'aucun nom que du mien propre dans tout ce qui concernera ma vie privée ; j'écris principalement pour rendre compte de moi à moi-même. Je n'ai jamais été heureux; je n'ai jamais atteint le bonheur que j'ai poursuivi avec une persévérance qui tient à l'ardeur naturelle de m'on âme. Personne ne sait quel était le bonheur que je cherchais ; personne n'a connu entièrement le fond de mon cœur. La plupart des sentiments y sont restés ensevelis, ou ne se sont montrés dans mes ouvrages que comme appliqués à des êtres imaginaires. Aujourd'hui que je regrette encore mes chimères sans les poursuivre, que parvenu au sommet de la vie je descends vers la tombe, je veux avant de mourir remonter vers mes belles années, expliquer mon inexplicable cœur, voir enfin ce que je pourrai dire lorsque ma plume, sans contrainte s'abandonnera à tous mes souvenirs. En rentrant au sein de ma famille qui n'est plus; en rappelant des illusions passées, des amitiés évanouies, j'oublierai le monde au milieu duquel je vis et auquel je suis si parfaitement étranger. Ce sera de plus un moyen agréable pour moi d'interrompre des études pénibles ; et quand je me sentirai las de tracer les tristes vérités de l'histoire des hommes, je me reposerai en écrivant l'histoire de mes songes.

     Je considère ensuite que ma vie appartenant au public par un côté, je n'aurais pas échappé à tous ces faiseurs de mémoires, à tous ces biographes marchands qui couchent le soir sur le papier ce qu'ils ont entendu dire le matin dans les antichambres. J'ai eu des succès littéraires ; j'ai attaqué toutes les erreurs de mon temps ; j'ai démasqué les hommes, blessé une multitude d'intérêts, je dois donc bien avoir réuni contre moi la double phalange des ennemis littéraires et politiques ; ils ne manqueront de me peindre à leur manière. Et ne l'ont-ils pas déjà fait ? Dans un siècle où les plus grands crimes commis ont dû faire naître les haines les plus violentes, dans un siècle corrompu où les bourreaux ont un intérêt à noircir les victimes, où les plus grossières calomnies sont celles que l'on répand avec le plus de légèreté, tout homme qui a joué un rôle dans la société doit pour la défense de sa mémoire, laisser un monument par lequel on puisse le juger. Mais avec cette idée je vais me montrer meilleur que je ne suis ? J'en serai peut-être tenté : à présent je ne le crois pas; je suis résolu à dire toute la vérité. Comme j'entreprends d'ailleurs l'histoire de mes idées et de mes sentiments plutôt que l'histoire de ma vie, je n'aurai pas autant de raisons de mentir. Au reste si je me fais illusion sur moi, ce sera de bonne foi, et par cela même on verra encore la vérité au fond de mes préventions personnelles.

Chateaubriand




Annonce des axes

I. Une argumentation structurée
1. Premier paragraphe
2. Second paragraphe
3. Troisième paragraphe

II. Les arguments avancés
1. Les raisons d’ordre intime
2. Les raisons d’ordre personnel
3. Les raisons d’ordre public



Commentaire littéraire

I. Une argumentation structurée

1. Premier paragraphe

Mise en relief de la contradiction apparente : « inconséquence », absence de logique. « souvent » : aspect constant de cette pensée. Expression catégorique du refus dans une auto-citation. Une prise de position ferme sur un acte vaniteux et préjudiciable à « la paix des familles ». « belles » : ironie, autodérision.
Opposition passé composé/ participe présent. (action en cours) : la suite va invoquer les raisons de l’écriture, un débat ouvert à lui-même (« mes propres, me faire illusions »).


2. Second paragraphe

Justification par des raisons personnelles : confidentialité, dialogue avec lui-même : d’abord un acte intime, pour lui (Montaigne)…


3. Troisième paragraphe

« Mais avec cette idée... » (vers la fin de l'extrait) : rupture. D’abord Chateaubriand donne des raisons concernant sa vie publique (littéraire et politique), puis un désir de réhabilitation d’une image altérée par les ennemis.
« mais » : interrogation sur l’authenticité de l’autobiographie, une réponse optimiste.


II. Les arguments avancés

1. Les raisons d’ordre intime

De « D'abord, je n'entreprends ces mémoires qu'avec le dessein formel » à « des êtres imaginaires. »

« mien propre, vie privée », « de moi à moi-même » : dimension intime. « je n’ai jamais été heureux » : affirmation catégorique, illustre un idéal inaccessible.
La clause de confidentialité : « aucun nom »
Exclusion d’autrui (« Personne ne sait quel... »…), chacun est une énigme pour les autres.
« le fond de mon cœur » : introspection.

Chateaubriand veut mettre à jour le refoulé, l’occulté, une démarche personnelle, confidentielle, « de soi à soi » qui exclut le lecteur, révélation du Moi profond.


2. Les raisons d’ordre personnel

De « Aujourd'hui que je regrette encore mes chimères » à « je me reposerai en écrivant l'histoire de mes songes. »

- « je veux » : affirmation catégorique d’une tentative pour rendre compte des mystères du cœur humain, exploration du moi profond : paradoxe « expliquer mon inexplicable cœur »
- «Aujourd'hui que je regrette encore mes chimères sans les poursuivre,... » : rythme binaire, oppositions, rupture passé (« chimères, illusions, songes ») et présent. Le temps de la maturité : déclin fatal. Point du rupture : Chateaubriand est conscient d’être à un point crucial de sa vie et entreprend de se révéler « sans contrainte ».
- « en rentrant, en rappelant » : plonger au cœur du passé regretté : opposition entre une réalité hostile et le paradis perdu de ses souvenirs.
- « les tristes vérités de l'histoire des hommes, je me reposerai en écrivant l'histoire de mes songes » : toujours oppositions : des deux champs lexicaux « vérité de l’histoire et histoire de mes songes » : plus de vérité dans ses songes.
Il veut s’évader du présent, souligner l’importance des chimères, faire le point.


3. Les raisons d’ordre public

De « Je considère ensuite que ma vie appartenant au public par un côté » à la fin

- Le constat d’être un homme publique : « mémoires ». Proie de biographes de métier : description ironique très péjorative, « biographes marchands » : aspect pécunier. Chateaubriand critique leurs méthodes : retranscrire des ragots sans souci de vérité, « le soir/le matin » : absence de recul critique => du coup, il se charge lui-même de cette tâche.
- Le succès amène des ennemis (politiques et littéraires). Hyperboles (« les hommes, toutes.. ») : justicier de son temps : vision qui dénote l’orgueil… dimension narcissique de l’entreprise.
- Dénonciation vigoureuse de son siècle « corrompu » … : procédé constant hyperboles.
- « un monument » pour être jugé. Chateaubriand soulève les difficultés inhérentes au genre : « mais » introduit une réflexion. Modalisateurs : objections qui amènent le pacte autobiographique => il opte pour la vérité.





Conclusion

C'est le romantique qui parle, submergé par les émotions.
L’emploi de la première personne = lyrisme = débordement du moi.
Thème romantique :
         - quête de l'impossible bonheur
         - héros solitaire, passionné

Elargir sur Rousseau : l’un veut être jugé sur sa vie privée, l’autre sur sa vie publique.

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Merci à celui ou celle qui m'a envoyé cette analyse sur la préface de Les Mémoires d'Outre-Tombe de Chateaubriand