Les Mémoires d'Outre-Tombe

Chateaubriand

Mes joies de l'automne (livre troisième, chapitre 12)






Plan de la fiche sur Les Mémoires d'Outre-Tombe de Chateaubriand :
Introduction
Lecture du texte
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

    Chateaubriand voulait tout d’abord nommer son œuvre Mémoires d’une vie mais il n’a pas voulu en faire une autobiographie de confidences. Ce passage des Mémoires d'outre-tombe se rattache à la période de son adolescence et il est basé sur le rapport entre ses émotions et l’aspect de la nature qui, pour l’auteur, est une invitation à méditer.


Lecture du texte

Mes joies de l’automne


    Plus la saison était triste, plus elle était en rapport avec moi : le temps des frimas, en rendant les communications moins faciles, isole les habitants des campagnes : on se sent mieux à l'abri des hommes.

    Un caractère moral s'attache aux scènes de l'automne : ces feuilles qui tombent comme nos ans, ces fleurs qui se fanent comme nos heures, ces nuages qui fuient comme nos illusions, cette lumière qui s'affaiblit comme notre intelligence, ce soleil qui se refroidit comme nos amours, ces fleuves qui se glacent comme notre vie, ont des rapports secrets avec nos destinées.

    Je voyais avec un plaisir indicible le retour de la saison des tempêtes, le passage des cygnes et des ramiers, le rassemblement des corneilles dans la prairie de l'étang, et leur perchée à l'entrée de la nuit sur les plus hauts chênes du grand Mail. Lorsque le soir élevait une vapeur bleuâtre au carrefour des forêts, que les complaintes ou les lais du vent gémissaient dans les mousses flétries, j'entrais en pleine possession des sympathies de ma nature. Rencontrais-je quelque laboureur au bout d'un guéret ? je m'arrêtais pour regarder cet homme germé à l'ombre des épis parmi lesquels il devait être moissonné, et qui retournant la terre de sa tombe avec le soc de la charrue, mêlait ses sueurs brûlantes aux pluies glacées de l'automne : le sillon qu'il creusait était le monument destiné à lui survivre. Que faisait à cela mon élégante démone ? Par sa magie, elle me transportait au bord du Nil, me montrait la pyramide égyptienne noyée dans le sable, comme un jour le sillon armoricain caché sous la bruyère : je m'applaudissais d'avoir placé les fables de ma félicité hors du cercle des réalités humaines.

    Le soir je m'embarquais sur l'étang, conduisant seul mon bateau au milieu des joncs et des larges feuilles flottantes du nénuphar. Là, se réunissaient les hirondelles prêtes à quitter nos climats. Je ne perdais pas un seul de leurs gazouillis : Tavernier enfant était moins attentif au récit d'un voyageur. Elles se jouaient sur l'eau au tomber du soleil, poursuivaient les insectes, s'élançaient ensemble dans les airs, comme pour éprouver leurs ailes, se rabattaient à la surface du lac, puis se venaient suspendre aux roseaux que leur poids courbait à peine, et qu'elles remplissaient de leur ramage confus.

    Les Mémoires d'Outre-Tombe - Chateaubriand




Annonce des axes

I. Les analogies entre le narrateur et les images de temps et de saison
II. L’impact des périodes de songe sur le narrateur



Commentaire littéraire

I. Les analogies entre le narrateur et les images de temps et de saison

Ce rapport est d’abord énoncé à la première ligne, le narrateur semble aimer la nature sûrement parce qu’elle lui ressemble (« le temps des frimas »).

Il semble également que dans sa vie il rencontre des difficultés de communication (« communications moins faciles »), cette idée est renforcée par le champ lexical de l’isolement (« isoler », « à l’abri »). C’est un homme solitaire, un peu à côté de son temps, il veut s’isoler des autres.

Cette solitude n’est pas passée mais présente: succession de verbes au présent (l.3-6) ; ces verbes inspirent un champ lexical de la solitude qui révèle la tristesse du narrateur. Cette idée d’impuissance est renforcée par la progression des verbes : « feuilles qui tombent », « fleurs qui se fanent », « nuages qui fuient »,...

Ce champ lexical se poursuit (« perchée »), il nous parle des corneilles symbolisant ses rêves, mais la morne description qu’il nous fait de ce lieu nous fait plus penser à des corbeaux qu’à des corneilles, un être cynique. Il est en parfaite harmonie avec la nature: il est aussi triste et lugubre qu’elle (« à l’entrée de la nuit », « sur les plus hauts chênes »). Cette sensation est amplifiée avec la redondance le l’idée de la mort (« tombe », « pyramide égyptienne »).


II. L’impact des périodes de songe sur le narrateur

La dernière phrase du troisième paragraphe fait du narrateur un personnage triste et isolé, mais l’idée essentielle est l’harmonie entre lui et la nature, ce plaisir qu’il ressent à s’échapper de la réalité, à se laisser emporter dans ses rêves.

Le récit du dernier paragraphe explique parfaitement cette idée de bien-être, il emploie l’imparfait. Dans ce paragraphe il utilise des métaphores, il compare ses rêves à des hirondelles.

La métaphore du « bateau seul au milieu des joncs et des larges feuilles flottantes du nénuphar » rappelle le désordre dans lequel lui parviennent ses rêves, il se sent seul au milieu de la nature tout entière tout comme il se sent seul dans la vie. En effet la relation entre l’homme et la nature est un thème prédominant du romantisme, la nature reflète les états d’âme de l’homme.
 Une succession de verbes (« jouaient », « tomber ») exprime également le désordre de ses rêves mais cela ne l’effraie pas (« je ne perdais pas un seul... »). Il enregistre tout ce qu’il pense et le justifie par le rapport avec Tavernier qui est devenu un grand voyageur malgré son manque d’intérêt pour l’aventure.





Conclusion

    On retrouve dans ce texte une littérature de l’introspection, le culte du « moi » (redondance de la première personne). Cette littérature nous apparaît un peu choquante car elle est individualiste.
    Cet extrait des Mémoires d'outre-tombe nous montre l’auteur comme un être seul et en dehors de son temps qui, de par ses caractéristiques, se retranche derrière la littérature d’introspection et surtout la nature, thème qui lui est cher comme à beaucoup d’autres auteurs du 19e siècle.

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