Le Misanthrope
Acte I, Scène I : L’exposition.
Introduction
Lorsque Molière écrit le Misanthrope, il est dans une situation difficile sur plusieurs plans :
• familial : problèmes avec sa femme Armande Béjard qui s’est
mise à aimer un comédien que Molière a engagé, difficultés
avec sa fille
• santé : il est malade (forte toux) et les médecins ne trouvent
pas ce qu’il a
• professionnel : il a rencontré des échecs avec ses dernière
pièces (notamment Tartuffe).
-> Il n’arrive plus à supporter les gens autour de lui :
• médecins : il les trouve incompétents
• courtisans : hypocrites, intéressés (il critique les précieux et les bourgeois qui veulent égaler les allures et les privilèges de la noblesse)
• Eglise : « faux dévots », directeurs de conscience
(cf. Tartuffe).
-> Il est en pleine dépression, il se fait de la bile (cf. L’Atrabilaire
amoureux…). Le regard qu’il porte sur son siècle est un peu
plus dur que celui de la Bruyère, Boileau…, mais il lui reproche,
comme eux, son hypocrisie.
-> Le Misanthrope (= celui qui hait les hommes, différent du philanthrope) est l’expression de cette période.
C’est une comédie spéciale, qui ne respecte pas les règles de la comédie habituelle mais qui se rapproche plutôt de la tragédie.
Axes : L’exposition, l’hypocrisie, les caractères d’Alceste et de Philinte.
L'étude
I - L’exposition :
Nous entrons dans une dispute entre Alceste et Philinte : le premier
cherche le conflit alors que le second est bien plus conciliant. Ils sont amis
(leur
amitié est plus solide que la simple politesse), mais Alceste refuse
ce mot.
« Reprochant à son ami Philinte de se livrer à la flatterie, Alceste
condamne les faux-semblants de la société mondaine. Refusant
l’esprit de conciliation invoqué par Philinte, il déclare
tous les hommes haïssables. »
II - L’hypocrisie :
- Le thème de la pièce est l’hypocrisie au XVIIème siècle :
• hypocrisie à la Cour du Roi
• le paraître : il faut se montrer sous son meilleur jour, être
accepté par le plus de gens possible, briller aux premiers rangs
• tout est codé : langage, rapports sociaux
• d’autres auteurs se sont fâchés avec ces mœurs : La Fontaine, Boileau, La Fayette…
Problèmes posés :
Hypocrisie et amitié :
• Alceste explose : il refuse l’hypocrisie dans l’amitié -> il s’en prend aux conventions très chargées du XVIIème
siècle (l’hypocrisie est un jeu pour les courtisans, mais pas
pour Alceste ; pour lui, l’amitié touche à la sincérité).
•
Alceste et Philinte se parlent à cœur ouvert, ils sont amis.
Hypocrisie et politesse :
•
Une certaine retenue doit toujours limiter les rapports sociaux (le respect ?).
III - Les caractères :
Alceste :
- emporté, excessif, colérique : il s’énerve, il râle toujours ; il ne peut faire preuve de modération
- têtu : il ne démord pas de ce qu’il dit et il ne change jamais d’avis
- donneur de leçon
- pessimiste, mais moins que Philinte : ce dernier pense que les hommes sont incorrigibles, alors qu’Alceste les houspille pour les corriger (il est
plus optimiste sur la nature humaine que son ami)
- il refuse les défauts des hommes à l’excès (morale d’Alceste : « Qui veut faire l’ange fait la bête. »,
Pascal), à la différence de Philinte (morale de Philinte : « La parfaite raison fuit toute extrémité, et veut que l’on
soit sage avec sobriété. »). C’est un Misanthrope
(l’expression de sa misanthropie est très explicite : « l’ami
du genre humain n’est point du tout mon fait »).
• Il est ridicule : il est toujours dans l’excès avec ses propos extrêmes ; il jure et il a des gestes brusques (différent de la Cour = paysans, rustres). Le spectateur aurait presque pitié pour lui ; c'est
un vrai personnage de comédie.
• Alceste dit des sottises qui le rendent comiques -> comédie. Mais il a aussi parfois raison et on se moque de lui -> tragédie.
• Alceste croit qu’il a raison : « je veux qu’on me distingue » (mais
pas de manière ridicule !).
• Il sait très bien que l’hypocrisie est une mode de son siècle
et qu’elle est donc passagère, mais il s’emporte quand même.
• La Vieille Emilie qui est ridicule à se maquiller à son âge
mais à qui on ne dit rien par politesse : voici un exemple de ce qu’Alceste
n’accepte pas.
• Alceste a un caractère « gamin » : goût de provoquer
les autres, de dire non à tout, de dire le contraire de tout le monde ; son retrait de ce monde était donc inévitable...
Philinte :
- modéré, calme, conciliant
- plus pessimiste qu’Alceste
Ce qu’il pense d’Alceste :
• Alceste ne peut corriger le monde à lui seul. La bile noire que se fait son ami et sa mauvaise humeur sont les caractéristiques de sa maladie,
selon lui, et c’est ce qui le rend comique (mais on ne peut tout de même
pas croire Philinte à ce point).
• S’il n’avait pas cet absolu dans ses propos, le ridicule d’Alceste
serait vraiment explicite vis-à-vis des autres personnages et tout le
monde se moquerait de lui (ce qui n’est pas du tout le cas).
Conclusion
Cette exposition nous présente donc les caractères très différents d’Alceste et de Philinte, mais nous fait aussi comprendre le sujet de la pièce, c’est-à-dire une dénonciation de l’hypocrisie au XVIIème siècle par Molière.