Document A - Théophile Gautier, Émaux et Camées1, « La Bonne Soirée », 1872. LA BONNE SOIRÉE Quel temps de chien ! — il pleut, il neige ; À l’angle de la cheminée Un papier rose à découpures, On n’entend rien dans le silence C’est bal à l’ambassade anglaise ; Les brodequins6 à pointe étroite Il faut sortir ! — quelle corvée ! […] 1 Émaux et Camées : titre du recueil qui évoque des objets d'orfèvrerie recouverts d'émail et des pierres fines sculptées. 2 Transis : glacés par le froid. 3 Chauffeuse capitonnée : chaise rembourrée et piquée, qui offre un confort douillet près du feu. 4 Guipures : dentelles fines et ajourées. 5 Globe laiteux : de forme ronde, et qui a la couleur du lait. 6 Brodequins : chaussures couvrant le pied et une partie de la jambe. 7 Au feu placés : placés près du feu. 8 Coupés : véhicules fermés généralement élégants, tirés par un ou deux chevaux. 9 Beautés altières : femmes belles et fières. 10 Blasons : armoiries d'une famille de la noblesse. 11 Appas : attraits, charmes. |
Document B - Max Jacob, Le Cornet à dés, Deuxième partie, « Petit poème », 1917. PETIT POÈME Je me souviens de ma chambre d’enfant. La mousseline des rideaux sur la vitre était griffonnée de passementeries1 blanches, je m’efforçais d’y retrouver l’alphabet et quand je tenais les lettres, je les transformais en dessins que j’imaginais. H, un homme assis ; B, l’arche d’un pont sur un fleuve. Il y avait dans la chambre plusieurs coffres et des fleurs ouvertes sculptées légèrement sur le bois. Mais ce que je préférais, c’était deux boules de pilastres2 qu’on apercevait derrière les rideaux et que je considérais comme des têtes de pantins avec lesquels il était défendu de jouer. 1 Passementeries : festons ou galons tissés et brodés. 2 Pilastres : piliers ou montants utilisés dans une décoration intérieure. |
Document C - Joë Bousquet, La Connaissance du Soir, « Pensefables et Dansemuses », « A cette ronde d'enfants… », 1947. A cette ronde d’enfants1 Vous dont je fus la clarté Possédant ce que je suis 1 Le texte du poème est imprimé en italique dans l'édition du recueil. 2 Enclose : enfermée. |
Document D - Vincent Van Gogh, Lettres à son frère Théo, 1873-1890. Le peintre Vincent Van Gogh après s’être rendu en Angleterre, en Belgique, dans plusieurs provinces des Pays-Bas ainsi qu’à Paris, s’installe dans la ville d’Arles dont il apprécie la lumière qu’il cherche à capter sur ses toiles. Dans la correspondance qu’il entretient avec son frère Théo tout au long de ses voyages, il rend compte de sa vie quotidienne comme de ses recherches artistiques et de ses motifs d’inspiration, qu’il illustre et transcrit au moyen de nombreux croquis. Mon cher Théo, t. à t.5
Vincent Arles, 16 octobre 1888.
Croquis inséré par Vincent Van Gogh dans sa lettre pour donner à son frère Théo « au moins une idée de la tournure que prend le travail ». 1 Du repos ou du sommeil : expressions soulignées par l'auteur. 2 La référence au « repos forcé » s'explique par le fait que la semaine précédente, Vincent Van Gogh s'est épuisé à peindre cinq grandes toiles, et qu'il lui a été par ailleurs impossible de sortir pour travailler en raison du mistral. 3 Crépons : papiers fins gaufrés utilisés en décoration. 4 La Diligence de Tarascon et le Café de nuit : titres de deux toiles célèbres du peintre. 5 T. à t : tout à toi. |