Plan de la fiche sur
A New York de Senghor :
Introduction
Léopold Sédar Senghor (Sénégal, 9 octobre 1906 - France, 20 décembre 2001) était un poète, écrivain et homme politique sénégalais naturalisé français. Symbole de la coopération française en Afrique pour les uns ou du néo-colonialisme français pour les autres. Il a été le premier président du Sénégal (de 1960 à 1980). Senghor fut aussi le premier Africain à siéger à l'Académie française et le premier Africain titulaire de l'agrégation. Leopold Sédar Senghor a lutté pour défendre la négritude (culture noire) avec Aimé Césaire.
Le poème "A New York" est issu de Ethiopiques (1956).
New York est la ville phare, typique du XXème siècle, les gratte-ciel apparaissent, la ville a changé.
Fascination / répulsion
Léopold Sédar Senghor
Texte du poème A New York
A New York (extrait)
I
New York ! D'abord j'ai été confondu par ta beauté, ces grandes filles d'or aux jambes longues.
Si timide d'abord devant tes yeux de métal bleu, ton sourire de givre
Si timide. Et l'angoisse au fond des rues à gratte-ciel
Levant des yeux de chouette parmi l'éclipse du soleil.
Sulfureuse ta lumière et les fûts livides, dont les têtes foudroient le ciel
Les gratte-ciel qui défient les cyclones sur leurs muscles d'acier et leur peau patinée de pierres.
Mais quinze jours sur les trottoirs chauves de Manhattan
– C'est au bout de la troisième semaine que vous saisit la fièvre en un bond de jaguar
Quinze jours sans un puits ni pâturage, tous les oiseaux de l'air
Tombant soudain et morts sous les hautes cendres des terrasses.
Pas un rire d'enfant en fleur, sa main dans ma main fraîche
Pas un sein maternel, des jambes de nylon. Des jambes et des seins sans sueur ni odeur.
Pas un mot tendre en l'absence de lèvres, rien que des cœurs artificiels payés en monnaie forte
Et pas un livre où lire la sagesse. La palette du peintre fleurit des cristaux de corail.
Nuits d'insomnie ô nuits de Manhattan ! si agitées de feux follets, tandis que les klaxons hurlent des heures vides
Et que les eaux obscures charrient des amours hygiéniques, tels des fleuves en crue des cadavres d'enfants.
[...]
Extrait de A New York - Léopold Sédar Senghor
Vue aérienne de New-York vers 1950
Annonce des axes
I. La fascination de l'auteur pour cette ville
II. La dénonciation de New York
Commentaire littéraire
I. La fascination de l'auteur pour cette ville
Personnification de la ville : le poème commence par une apostrophe : "New York !".
La ville est tutoyée "ta beauté", "tes yeux" ; aspect d'un corps humain : "sourire de givre", "muscles d'acier", "peau patinée" -> personnification, la ville était paraît presque humaine.
"beauté" : premier mot qui décrit la ville "ta beauté" -> renvoie à la beauté des femmes new-yorkaise.
Apposition : ambiguïté entre la beauté de la ville et la beauté d'une femme "ces grandes filles" /
métonymie : mélioratif "d'or" pour blondes.
Champ lexical du froid : "métal bleu", "beauté froide" => le premier abord de la ville est froid, et impressionnant (
anaphore de "Si timide" montrant que le poète est impressionné par New York).
L'auteur a des "yeux de chouette" => idée de grands yeux grands ouverts => curiosité et étonnement du poète face à New York.
Puissance de New York : "dont les têtes foudroient le ciel", "Les gratte-ciel qui défient les cyclones" -> New York est capable de défier les forces de la nature. Orgueil de la ville qui défie la nature.
"D'abord" (ligne 1) laisse penser qu'il y aura un ensuite, donc ce mot annonce un changement qui aura lieu plus loin dans le poème. Ebloui par le choc du gigantisme, Senghor ressent un sentiment d'angoisse : "angoisse", "timide", sensation d'écrasement ("Levant les yeux").
L'étonnement et la fascination pour la ville cède la place à un sentiment négatif : "Mais".
II. La dénonciation de New York
Anaphore de « Pas un » suivi d'élément rassurant ("rire d'enfant", "sein maternel", "mot tendre") montrant qu'il manque la chaleur humaine à cette ville. Cela était déjà pressenti dans le début du poème avec le champ lexical du froid.
"jambes de nylon", "Des jambes et des seins sans sueur ni odeur" => ces éléments sensuels du corps perdent ici toute leur composante érotique.
"cœurs artificiels" => les humains de cette ville paraissent artificiel, non humain, alors que la ville était personnifiée dans la première partie du poème et presque humaine ("muscles d'acier", "peau patinée de pierres").
La tendresse paraît exclue de la ville "métal", "froid", "acier". L'amour y est "hygiénique"
plus de confiance "Pas un [...] sa main dans ma main".
Pas d'enfant dans la ville => contraste avec l'Afrique de Senghor où les enfants sont nombreux.
La nature qui n'est plus dans la ville : " Quinze jours sans un puits ni pâturage, tous les oiseaux de l'air / Tombant soudain et morts sous les hautes cendres des terrasses." (puits, pâturage : importants en Afrique).
Plus de contact humain, plus de tendresse, plus de vie dans cette ville. Absence d'éléments naturels : "éclipse de soleil", "sans un puits ni pâturage " (double négation) : l'eau, la terre, le soleil y sont absents. L'eau présente dans la ville est sale ("eaux obscures" : les égouts). La nature n'a pas sa place dans la ville et nous avons vu que dans la première partie du poème, la ville semblait défier la nature.
Une ville sans culture : "pas un livre où lire la sagesse".
Agitation de la ville : "agitées", "les klaxons hurlent". Le verbe "hurlent" confère une connotation négative à cette agitation.
Champ lexical de la mort : "morts", "cendres", "feux follets", "cadavres". D'ailleurs, le poème se termine par une allusion directe à la mort : "cadavres d'enfants".
Conclusion
La fascination du début du poème laisse place à une révolte contre cet univers artificiel, ou tout est inhumain, où la nature, l'amour et le désir de l'enfant n'y ont plus leur place. Dans cette poésie, la ville est personnifiée et les humains sont déshumanisés.