Pamphile

Les Caractères - La Bruyère





Plan de la fiche sur Pamphile - Les Caractères de La Bruyère :
Introduction
Texte de Pamphile
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion




Introduction

    Au XVIIème siècle, La Bruyère veut faire réfléchir, dans Les Caractères, publiés entre 1688 et 1696, sur le comportement « Des Grands », « De la cour », « De l’Homme » à son époque.

    Comment le portraitiste-moraliste La Bruyère fait-il un passage du type de « Pamphile » à l’écriture d’un genre bien particulier qui est celle du caractère ?
    Pamphile représente un type de mondain particulièrement centré sur l’image qu’il s’attache à donner de lui-même aux autres mondains du milieu de la cour dans lequel il évolue.

Jean de la La Bruyère
Jean de La Bruyère




Texte de Pamphile


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Lu par M.-G. Séré - source : litteratureaudio.com


Les Caractères, La Bruyère (1688-1696)
Chapitre IX, « Des Grands »
« Pamphile »


    Pamphile ne s'entretient pas avec les gens qu'il rencontre dans les salles ou dans les cours : si l'on en croit sa gravité et l'élévation de sa voix, il les reçoit, leur donne audience, les congédie ; il a des termes tout à la fois civils et hautains, une honnêteté impérieuse et qu'il emploie sans discernement ; il a une fausse grandeur qui l'abaisse, et qui embarrasse fort ceux qui sont ses amis, et qui ne veulent pas le mépriser.

    Un Pamphile est plein de lui-même, ne se perd pas de vue, ne sort point de l'idée de sa grandeur, de ses alliances, de sa charge, de sa dignité ; il ramasse, pour ainsi dire, toutes ses pièces, s'en enveloppe pour se faire valoir ; il dit : Mon ordre, mon cordon bleu ; il l'étale ou il le cache par ostentation. Un Pamphile en un mot veut être grand, il croit l'être ; il ne l'est pas, il est d'après un grand. Si quelquefois il sourit à un homme du dernier ordre, à un homme d'esprit, il choisit son temps si juste, qu'il n'est jamais pris sur le fait : aussi la rougeur lui monterait-elle au visage s'il était malheureusement surpris dans la moindre familiarité avec quelqu'un qui n'est ni opulent, ni puissant, ni ami d'un ministre, ni son allié, ni son domestique. Il est sévère et inexorable à qui n'a point encore fait sa fortune. Il vous aperçoit un jour dans une galerie, et il vous fuit ; et le lendemain, s'il vous trouve en un endroit moins public, ou s'il est public, en la compagnie d'un grand, il prend courage, il vient à vous, et il vous dit : Vous ne faisiez pas hier semblant de nous voir. Tantôt il vous quitte brusquement pour joindre un seigneur ou un premier commis ; et tantôt s'il les trouve avec vous en conversation, il vous coupe et vous les enlève. Vous l'abordez une autre fois, et il ne s'arrête pas ; il se fait suivre, vous parle si haut que c'est une scène pour ceux qui passent. Aussi les Pamphiles sont-ils toujours comme sur un théâtre : gens nourris dans le faux, et qui ne haïssent rien tant que d'être naturels ; vrais personnages de comédie, des Floridors, des Mondoris.

    On ne tarit point sur les Pamphiles : ils sont bas et timides devant les princes et les ministres ; pleins de hauteur et de confiance avec ceux qui n'ont que de la vertu ; muets et embarrassés avec les savants ; vifs, hardis et décisifs avec ceux qui ne savent rien. Ils parlent de guerre à un homme de robe, et de politique à un financier ; ils savent l'histoire avec les femmes ; ils sont poètes avec un docteur, et géomètres avec un poète. De maximes, ils ne s'en chargent pas ; de principes, encore moins : ils vivent à l'aventure, poussés et entraînés par le vent de la faveur et par l'attrait des richesses. Ils n'ont point d'opinion qui soit à eux, qui leur soit propre ; ils en empruntent à mesure qu'ils en ont besoin ; et celui à qui ils ont recours n'est guère un homme sage, ou habile, ou vertueux : c'est un homme à la mode.




Annonce des axes

I. Un portrait
II. Les visées de La Bruyère
III. L'art du portraitiste-moraliste



Commentaire littéraire

I. Un portrait

- Un portrait
Le portrait n'est pas porté sur le physique : le physique du personnage est vague.
Le personnage est à la mode mais La Bruyère ne nous parle pas de sa tenue vestimentaire => ce n'est pas l'aspect extérieur qui est important dans le portrait.
C'est surtout un portrait moral : une éthopée (= Figure de pensée qui a pour objet la peinture des mœurs et du caractère d'un personnage).
Etymologie (=origine du mot) de Pamphile : qui aime autrui et les autres.
Pamphile  serait donc un personnage altruiste qui veille à adopter un comportement en conséquence. Un comportement d’un grand de la cour, d’un « honnête homme », c’est-à-dire un homme aux manières distinguées, au langage distingué qui « ne sort point de l'idée de sa grandeur, de ses alliances, de sa charge, de sa dignité », « mon ordre, mon cordon bleu ».

- Un  portrait péjoratif
« si l’on en croit sa gravité et l’élévation de sa voix » : l'emploi du verbe croire montre que La Bruyère remet en question cette gravité et cette élévation de voix.
Déconstruction par l’emploi de contradictions concernant le personnage : « il a des termes tout à la fois civils et hautains » (civils = de bonne éducation et hautains, ce qui contredit cette bonne éducation).
« il a une fausse grandeur qui l'abaisse » : termes péjoratifs.
Le personnage est particulièrement déconstruit dès la fin du premier paragraphe lorsque La Bruyère dit de lui qu’il « embarrasse fort ceux qui sont ses amis, et qui ne veulent pas le mépriser ».
« c’est un homme à la mode » = c’est un homme qui vit dans l’éphémère et dans le paraître.


II. Les visées de La Bruyère

- Un portrait à valeur polémique
- Un portrait didactique et moraliste.

- Le moraliste la Bruyère veut souligner l’artifice du personnage : « s’il on en croit… », sous-entendu qu'il ne faut pas croire ce que le personnage de Pamphile veut laisser croire de lui.
- Le personnage ne sort pas de l’idée de sa grandeur. « Un Pamphile en un mot veut être grand, il croit l'être ; il ne l'est pas, il est d'après un grand ». Le Pamphile ne serait donc qu'une mauvaise copie d'un grand homme.
 - Un portrait qui se généralise pour devenir une description d'un caractère
Pamphile est un nom propre au début du texte, puis perd toute originalité par la suite puisque son prénom est transformé en nom commun précédé du déterminant « un » : c’est ce que l’on appelle une antonomase ou synecdoque de l’individu. Enfin au troisième paragraphe, La Bruyère parle de « les Pamphiles » = généralisation. On n’a donc ici plus un individu mais à un type de personnage auquel on a prêté des traits collectifs.
- Le temps utilisé pour ce portrait est le présent de vérité générale => portée universelle de ce portrait qui peut être généralisé à tous les hommes ayant les traits moraux de ce Pamphile.
- La Bruyère dénonce l’artifice du Pamphile. La thématique de l’artifice opposé au naturel apparaît souvent au XVIIème siècle.


III. L'art du portraitiste-moraliste

- La Bruyère fait preuve d’une esthétique de la concision, condensation. Tout est déduit de l’implicite.
- Portrait dynamique, en mouvement. Le portrait est dynamique par la construction paratactique des phrases (mode de juxtaposition de phrases, sans mot de liaison expliquant leur relation). Ici, parataxe asyndétique (pas de mots subordonnants) => accélère le rythme des phrases du texte. Exemple : « il les reçoit, leur donne audience, les congédie ».
- Art de l’accumulation et de l’oxymore.
- Pamphile est dépeint comme un acteur le serait, un acteur du theatrum mundi de la Bruyère.
- Art de la chute (que l’on retrouve dans de très nombreux caractères) : une petite formule en clausule qui entraine à tout relire.





Conclusion





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Merci à Cyril pour cette analyse sur Pamphile - Les Caractères de La Bruyère