Plan de la fiche sur un extrait de
La Confession d'un enfant du siècle de Alfred de Musset :
Introduction
Ce texte est tiré de
La Confession d'un enfant du siècle
de
Alfred de Musset (1836). L'auteur se met en scène et tente, entre
autres, d'analyser le mal du siècle qui s'est emparé de toute une génération.
Alfred de Musset
Texte étudié
PREMIÈRE PARTIE
CHAPITRE II
[…]
Trois éléments partageaient donc la vie qui s’offrait alors aux jeunes gens : derrière eux un passé à jamais détruit, s’agitant encore sur ses ruines, avec tous les fossiles des siècles de l’absolutisme ; devant eux l’aurore d’un immense horizon, les premières clartés de l’avenir ; et entre ces deux mondes… quelque chose de semblable à l’Océan qui sépare le vieux continent de la jeune Amérique, je ne sais quoi de vague et de flottant, une mer houleuse et pleine de naufrages, traversée de temps en temps par quelque blanche voile lointaine ou par quelque navire soufflant une lourde vapeur ; le siècle présent, en un mot, qui sépare le passé de l’avenir, qui n’est ni l’un ni l’autre et qui ressemble à tous deux à la fois, et où l’on ne sait, à chaque pas qu’on fait, si l’on marche sur une semence ou sur un débris.
Voilà dans quel chaos il fallut choisir alors ; voilà ce qui se présentait à des enfants pleins de force et d’audace, fils de l’Empire et petits-fils de la Révolution.
Or, du passé, ils n’en voulaient plus, car la foi en rien ne se donne ; l’avenir, ils l’aimaient, mais quoi ? comme Pygmalion Galathée ; c’était pour eux comme une amante de marbre, et ils attendaient qu’elle s’animât, que le sang colorât ses veines.
Il leur restait donc le présent, l’esprit du siècle, ange du crépuscule, qui n’est ni la nuit ni le jour ; ils le trouvèrent assis sur un sac de chaux plein d’ossements, serré dans le manteau des égoïstes, et grelottant d’un froid terrible. L’angoisse de la mort leur entra dans l’âme à la vue de ce spectre moitié momie et moitié fœtus ; ils s’en approchèrent comme le voyageur à qui l’on montre à Strasbourg la fille d’un vieux comte de Sarverden, embaumée dans sa parure de fiancée. Ce squelette enfantin fait frémir, car ses mains fluettes et livides portent l’anneau des épousées, et sa tête tombe en poussière au milieu des fleurs d’oranger.
La Confession d'un enfant du siècle - Alfred de Musset
Plan du texte
1er, 2ème et 3ème paragraphes : la nouvelle génération prise entre un passé disparu et un avenir imprécis
Dernier paragraphe : le présent : une époque invivable
Annonce des axes
I. Une incapacité à être dans le temps
1. Le refus du passé
2. L'incertitude de l'avenir
3. Le dégoût du présent
II. La présence de la mort
1. Des états successifs répétés
2. Un désir de mort
Commentaire littéraire
I. Une incapacité à être dans le temps
1. Le refus du passé
Le passé est sans valeur pour une génération qui ne s'y retrouve pas.
"Fossile des siècles de l'absolutisme" : Vision du passé négative, il rappelle
la tyrannie des anciens rois. Musset fait parti de sa génération. Il a des idées
libérales. Champ lexical de la vieillesse : "fossile, débris...".
Refus de la modération, du passé.
2. L'incertitude de l'avenir
Avenir décrit par des termes extrêmement vagues qui connotent l'immensité et la lumière. L'avenir est une promesse, un rêve.
Pensées banales de l'avenir. L'excès de rêverie amène à la déception.
3. Le dégoût du présent
Le présent est lui aussi marqué par l'incertitude. Il est vu de manière hyperbolique : "une mer houleuse et pleine de naufrage".
Métonymie : "quelque blanche voile lointaine". Vocabulaire de l'incertitude, négation : "je ne sais quoi...". Adjectifs : "vague, flottant".
Incapacité à être dans l'action. Ils sont contemplatifs, loin de l'action. La fin du texte est marquée par le dégoût.
Métaphore filée : "l'ange du crépuscule". Champ lexical de la mort très important : "ossements, spectres, momies".
Vocabulaire marqué par la gradation, de la momie au fœtus : symbole de la mort à la représentation la plus horrible. Le présent est source d'angoisse, c'est une société bourgeoise. La société exclus l'art, les excès. C'est une société où les artistes n'ont par leur place. Epoque de l'ordre moral.
II. La présence de la mort
1. Des états successifs répétés
Le mal du siècle est une maladie morale. Par leur hérédité, ils sont pleins d'énergie : fils de l'Empire, petits-fils de la Révolution. Synecdoque qui crée un raccourci et qui associe une personne à un événement historique. Filiation frappante. Ils sont pleins de force et d'audace. Rien ne les prédestine à être mélancoliques. Une énergie débordante est inemployée. Explication morale et physique à cette maladie.
"Le présent [est] serré dans le manteau des égoïstes". "Serré" : étouffement
car ils n'ont pas leur place. "égoïstes": société avide d'argent
et de réussite. "Manteau" : avarice.
L'auteur critique le goût de l'argent de sa société.
Champ lexical de l'éloignement, l'action n'est plus pour eux.
2. Un désir de mort
La mort se lit dans plusieurs choses : refus de tout, esprit négatif. Multiplicité de la négation : "la foi en rien ne se donne, ils n'en voulaient plus...". Champ lexical de la destruction : "détruit", "ruines", "fossiles". Cette destruction donne l'impression qu'il y a eu une catastrophe.
Allusions à la mort très nombreuses : chrétienne avec l'ange, l'idée de la mort avec le spectre, la décomposition, réalisme avec les ossements.
Conclusion
Ce texte est une analyse sous forme de discours argumentatif sur les caractéristiques du mal du siècle. Musset l'envisage comme une maladie morale avec des causes sociales et historiques. Il conclut sur cette maladie par ces mots : "Tout ce qui était n'est plus. Tout ce qui sera n'est pas encore. Ne cherchez pas ailleurs le secret de nos maux".