Plan de la fiche sur La fessée -
Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau :
Introduction
L'épisode de la fessée, extrait du livre premier de
Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau, se déroule après son enfance et surtout après le départ de son père qui la
envoyé à Bossey. Roussseau vécut ici des jours plutôt
heureux mais lors de la fessée, il fait un aveu honteux.
Jean-Jacques
Rousseau a été fessé et au moment où il la reçue
il a éprouvé un certain plaisir. Il va se créer alors
une rupture avec son enfance : « être traité par elle en
grand garçon ». Ceci a une influence sur son comportement futur.
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Lu par Clotilde - source : litteratureaudio.com
Comme mademoiselle Lambercier avait pour nous l'affection d'une mère, elle en avait aussi l'autorité, et la portait quelquefois jusqu'à nous infliger la punition des enfants quand nous l'avions méritée. Assez longtemps elle s'en tint à la menace, et cette menace d'un châtiment tout nouveau pour moi me semblait très effrayante ; mais après l'exécution, je la trouvai moins terrible à l'épreuve que l'attente ne l'avait été: et ce qu'il y a de plus bizarre est que ce châtiment m'affectionna davantage encore à celle qui me l'avait imposé. Il fallait même toute la vérité de cette affection et toute ma douceur naturelle pour m'empêcher de chercher le retour du même traitement en le méritant ; car j'avais trouvé dans la douleur, dans la honte même, un mélange de sensualité qui m'avait laissé plus de désir que de crainte de l'éprouver derechef par la même main. Il est vrai que, comme il se mêlait sans doute à cela quelque instinct précoce du sexe, le même châtiment reçu de son frère ne m'eût point du tout paru plaisant. Mais, de l'humeur dont il était, cette substitution n'était guère à craindre: et si je m'abstenais de mériter la correction, c'était uniquement de peur de fâcher mademoiselle Lambercier ; car tel est en moi l'empire de la bienveillance, et même de celle que les sens ont fait naître, qu'elle leur donna toujours la loi dans mon cœur.
Cette récidive, que j'éloignais sans la craindre, arriva sans qu'il y eût de ma faute, c'est-à-dire de ma volonté, et j'en profitai, je puis dire, en sûreté de conscience. Mais cette seconde fois fut aussi la dernière ; car mademoiselle Lambercier, s'étant aperçue à quelque signe que ce châtiment n'allait pas à son but, déclara qu'elle y renonçait, et qu'il la fatiguait trop. Nous avions jusque-là couché dans sa chambre, et même en hiver quelquefois dans son lit. Deux jours après on nous fit coucher dans une autre chambre, et j'eus désormais l'honneur, dont je me serais bien passé, d'être traité par elle en grand garçon.
Qui croirait que ce châtiment d'enfant, reçu à huit ans par la main d'une fille de trente, a décidé de mes goûts, de mes désirs, de mes passions, de moi pour le reste de ma vie, et cela précisément dans le sens contraire à ce qui devait s'ensuivre naturellement ? En même temps que mes sens furent allumés, mes désirs prirent si bien le change, que, bornés à ce que j'avais éprouvé, ils ne s'avisèrent point de chercher autre chose. Avec un sang brûlant de sensualité presque dès ma naissance, je me conservai pur de toute souillure jusqu'à l'âge où les tempéraments les plus froids et les plus tardifs se développent. Tourmenté longtemps sans savoir de quoi, je dévorais d'un œil ardent les belles personnes ; mon imagination me les rappelait sans cesse, uniquement pour les mettre en œuvre à ma mode, et en faire autant de demoiselles Lambercier.
Même après l'âge nubile, ce goût bizarre, toujours persistant et porté jusqu'à la dépravation, jusqu'à la folie, m'a conservé les mœurs honnêtes qu'il semblerait avoir dû m'ôter. Si jamais éducation fut modeste et chaste, c'est assurément celle que j'ai reçue. Mes trois tantes n'étaient pas seulement des personnes d'une sagesse exemplaire, mais d'une réserve que depuis longtemps les femmes ne connaissent plus. Mon père, homme de plaisir, mais galant à la vieille mode, n'a jamais tenu, près des femmes qu'il aimait le plus, des propos dont une vierge eût pu rougir ; et jamais on n'a poussé plus loin que dans ma famille et devant moi le respect qu'on doit aux enfants. Je ne trouvai pas moins d'attention chez M. Lambercier sur le même article ; et une fort bonne servante y fut mise à la porte pour un mot un peu gaillard qu'elle avait prononcé devant nous. Non seulement je n'eus jusqu'à mon adolescence aucune idée distincte de l'union des sexes, mais jamais cette idée confuse ne s'offrit à moi que sous une image odieuse et dégoûtante. J'avais pour les filles publiques une horreur qui ne s'est jamais effacée: je ne pouvais voir un débauché sans dédain, sans effroi même ; car mon aversion pour la débauche allait jusque-là, depuis qu'allant un jour au petit Sacconex par un chemin creux, je vis, des deux côtés, des cavités dans la terre, où l'on me dit que ces gens-là faisaient leurs accouplements. Ce que j'avais vu de ceux des chiennes me revenait aussi toujours à l'esprit en pensant aux autres, et le cœur me soulevait à ce seul souvenir.
Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau - Episode de la fessée
Annonce des axes
I. Un aveu difficile à faire
1. Lexique employé
2. Le vocabulaire du corps peu présent
3. Un récit mené avec embarras
II. Une expérience décisive
1. Bossey ou le paradis
2. Conscience dun trouble
3. Rupture entre les êtres
III. Influence sur sa vie future
1. Sexualité particulière
2. Critique de léducation
Commentaire littéraire
I. Un aveu difficile à faire
1. Lexique employé
Fessée : « punition des enfants ».
« menace dun châtiment »
« châtiment » répété plusieurs fois.
« correction »
« traitement »
« récidive », « seconde fois ».
Lauteur cherche à rendre vague, à rendre flou le mot : « fessée » en utilisant des euphémismes.
« je me conservais pur de toute souillure » -> Il veut dire
par cette périphrase quil est resté vierge. Il naborde
jamais le sexe par des termes directs.
« mon imagination me les rappelait sans cesse » -> Il évoque
ici un fantasme quil conservera en permanence.
Des choses telles que les motifs de la punition, le moment de la fessée
ne sont pas vraiment évoqués, ce sont des ellipses.
2. Le vocabulaire du corps peu présent
Seule la main de Mlle Lambercier est mentionnée alors que lextrait
est très physique : « la main dune fille
».
Il fait allusion à des besoins du corps : « mes désirs
», « mes sens furent allumés »
Il évoque
sa sexualité du feu : « allumés », « feu »,
ardents », « brûlants ». Ce qui est concerné
passe par limagination et le regard.
3. Un récit mené avec embarras
Il y a une gradation de termes : « effrayante, terrible, bizarre ».
Il tourne au sujet sans lévoquer explicitement. Il montre que
son style nest pas limpide. Il utilise beaucoup de coordinations qui
rendent les phrases saccadées. Il fait également des
répétitions : « même » (5 fois). Ceci traduit
son hésitation à en parler. Laveu est ralenti par ce
style : « Jai fait le premier pas et le plus pénible dans
le labyrinthe obscur et fangeux de mes confessions »
II. Une expérience décisive
1. Bossey ou le paradis
Il y a une rupture entre deux époques. Alors quau début
on a le passé simple, limparfait, dans le dernier paragraphe
qui sert de bilan on a le présent.
Rousseau est désormais traité comme un adulte ce qui provoque
une perte de linnocence. Il était auparavant traité comme
un enfant par sa mère « adoptive » Mlle Lambercier.
Il insiste bien quil ny a pas eu de faute de sa part. Il est
dans son paradis enfantin : « sûreté de conscience ».
2. Conscience dun trouble
« quelque instinct précoce du sexe » signifie bien que rousseau
a ressenti sa spécificité de plaisir lors de la fessée.
Il se rend compte quil y a quelque chose qui le porte vers les femmes : « sang brûlant de sensualité », le plaisir prime
sur la punition : « plus de désir que de crainte ».
Ce passage difficile à dire a été longtemps incompris
par Rousseau : « Tourmenté longtemps sans savoir de quoi ».
Il sest demandé ce quil y avait de mal et cela a modifié sa personnalité.
3. Rupture entre les êtres
Alors quil sest senti longtemps un petit enfant « 8 ans
». Le changement brutal de chambre est mal vécu par rousseau
qui nest pas satisfait de cette perte : « lhonneur dont
je me serais bien passé ». Il ironise sur cette privation quil
na pas souhaité. Il perd une seconde fois sa mère, ici
de substitution, et de manière brutale.
La rupture nest pas expliquée par Rousseau , car il ne comprend
pas son changement brutal de statut. Il a ressenti le trouble auprès
de Mlle Lambercier sans comprendre. Il ressent bien lhypocrisie des
adultes, lidée de prétexte : « fatiguée de
le fesser » alors que ceci nest pas suffisant à ce changement.
Ce mensonge est une rupture de conscience avec les adultes. Mlle Lambercier
à la fin du passage est ressentie comme une « femme de 30 ans
» et non plus comme une mère. Ceci est rendu décisif par
le fait que cela va avoir des conséquences sur sa vie future.
III. Influence sur sa vie future
1. Sexualité particulière
Ceci explique sa sexualité au cours de sa vie. Il a une sexualité
primitive : masochisme. Ceci provoque chez lui, des réactions de plaisir
lors des fessées de Mlle Lambercier. Ce besoin a pour effet chez rousseau
de voir rendre toutes les femmes comme Mlle Lambercier : « faire autant
de demoiselles Lambercier ». Sa sexualité particulière
a provoqué cette chasteté.
Rousseau qui ne pouvait pas vivre ce quil voulait, a longtemps
été frustré par lincompréhension de sa
sexualité particulière mais compensé par des histoires
damour. Il a toujours un besoin brutal damour maternel quil
retrouvera auprès de Mme de Warens.
2. Critique de léducation
Cest le comportement adulte qui a entraîné une perversion
sexuelle. Il met en cause le silence des adultes qui nexpliquent rien.
Son éducation ne repose pas sur léchange mais que est
contre nature. Ceci permet à rousseau de se déculpabiliser.
Rousseau tire parti de son expérience quil analyse dans «
lEmile ou de léducation ».
Conclusion
Nous retrouvons dans ce passage des Confessions la confirmation de tout dire. Cette évocation
de la sexualité est novatrice. Rousseau a pressenti la sexualité
infantile telle que Freud la présentera.
Rousseau explique limportance de lenfance. Il tire, de son existence,
parti quil analyse. Il accuse léducation des adultes qui
ont accentué sa sexualité particulière. Ses goûts
sont les conséquences des châtiments quil a reçus.
Lécriture de ses événements a peut-être
provoqué auprès de Rousseau un certain plaisir, bonheur.
Annexe
Ce texte sinscrit dans une série daveux :
livre I La fessée.
livre II Le ruban volé (il dénonce Marion alors quil
est coupable).
livre III Labandon de M. Lemaitre (crise dépilepsie de M. Lemaitre quil abandonne à Lyon).
Les expériences sexuelles
livre II Le maure à Turin (avances homosexuelles).
livre III Lexhibitionnisme (il offusque des lavandières).
Les fessées
livre I La fessée.
livre I Le peigne cassé.
Livre III Le fessier de Mlle Lambercier.
Le thème est traité de différentes manières.