Plan de la fiche sur
la scène 3 de l'acte II de Hernani de Victor Hugo :
Compétences nécessaires
- Savoir parler de la Bataille d'
Hernani.
- Connaître les caractéristiques du drame romantique.
- Pouvoir définir les notions de sublime et de grotesque employées par Hugo dans la
Préface de Cromwell, véritable manifeste du drame romantique.
- Titre envisagé:
Très para una qui renvoie au vaudeville.
- Hernani est le nom d'un village espagnol.
- Personnages types de la commedia dell'arte : le vieux barbon amoureux d'une jeune fille innocente et pure, le jeune amoureux qui contrecarre les plans du vieux barbon aidé dans les comédies ou les farces par le valet. Ici c'est Don Carlos qui contrarie les projets de Don Ruy Gomez.
- On retrouve des intrigues similaires dans
L'Ecole des femmes de
Molière, ou
Le Barbier de Séville de
Beaumarchais.
- Le personnage de Don Carlos, séducteur libertin qui semble dénué de scrupules durant les trois premiers actes fait penser à Don Juan ou au comte Almaviva du
Mariage de Figaro qui veut user de son pouvoir pour séduire la future femme de Figaro, Suzanne. Les trois hommes sont d'ailleurs des Grands d'Espagne.
- Charles Quint est le fils de Philippe le beau, archiduc d'Autriche et de Jeanne de Castille, fille d'Isabelle la Catholique, dite Jeanne la folle. D'abord roi d'Espagne sous le nom de Charles Premier, il est élu empereur du saint empire romain germanique en 1519 à l'âge de 19 ans. La dynastie des Habsbourg ne règnera plus en Espagne après le décès de Charles II qui meurt sans descendant. Ce sera alors le petit-fils de Louis XIV qui deviendra roi d'Espagne.
- Pouvoir préciser ce qu'est le Saint empire romain germanique.
- Définition de duègne : femme âgée qui veille sur la vertu des jeunes filles nobles. Ici Doña Josefa joue plutôt le rôle de l'entremetteuse.
- Savoir où se situent Saragosse et Aix-la-chapelle.
- Connaître les caractéristiques du
Romantisme.
- Lire le résumé ou les œuvres :
Mithridate de Racine et
Othello de Shakespeare.
Composition de la scène
Première partie : coup de théâtre pour le roi, arrivée subite d'Hernani qui se présente en sauveur, affrontement verbal très ironique et violent entre Hernani et Don Carlos.
Deuxième partie : Hernani provoque le roi en duel. Celui-ci refuse car il ne veut pas se battre avec un roturier et un bandit, et défie Hernani de l'assassiner.
Troisième partie : Hernani recule devant l'assassinat et donne son manteau à Don Carlos pour qu'il puisse partir sans être inquiété par ses hommes.
Doña Sol assiste à la scène et se tait mais c'est elle qui conduit les deux hommes à s'affronter violemment : devant elle, ils veulent donner une représentation de leur courage.
Introduction
Situer la scène : L'acte II, dont le titre est le "Bandit" met l'accent sur le conflit politique et se présente comme une antithèse au titre de l'acte précédent. Ainsi, l'amant de Doña Sol sauvé par Don Carlos dans l'acte précédent face à un Don Gomez berné par le roi qui révèle enfin son identité, est désigné lui aussi par son statut, celui de paria et la rivalité semble prendre alors une autre dimension. En écho avec les scènes 1 et 2 de l'acte I, on retrouve le roi qui va tromper Doña Sol en se faisant passer pour Hernani, mais cette fois-ci, le spectateur sait qui il est, a compris que Doña Sol et Hernani s'aiment profondément et ne sont pas des personnages grotesques. La conduite du roi apparaît donc d'autant plus indigne qu'il se rend à un rendez-vous que Doña Sol a donné à Hernani et qu'il a surpris. Ainsi nous comprenons que ses intentions sont des plus malhonnêtes. Dans la scène précédente, la résistance acharnée et désespérée de Doña Sol à ses avances le conduit à user de la violence et il décide d'enlever la jeune femme. C'est à ce moment-là que les didascalies indiquent qu'Hernani entre sur scène en silence alors que Doña Sol l'appelle à son secours.
Annonce problématique et plan : on se demandera comment dans ce face à face, écho inversé (chiasme) des scènes 2 et 3 de l'acte I (ici c'est Hernani qui surprend le roi, et c'est Hernani qui va lui laisser la vie sauve), Hugo met en scène une nouvelle manifestation de l'honneur castillan à travers la représentation d' un affrontement beaucoup plus violent entre les deux jeunes hommes mais aussi en représentant la gémellité paradoxale qui les unit dans leur haine réciproque.
Autres problématiques possibles
- La représentation de la haine
- Hernani : héros romantique
- Don Carlos : héros grotesque ou sublime ?
Texte de la scène
Hernani - Victor Hugo
ACTE II
SCÈNE 3
DON CARLOS, DONA SOL, HERNANI
HERNANI immobile, les bras toujours croisés, et ses yeux étincelants fixés sur le roi.
Ah ! le ciel m'est témoin
Que volontiers je l'eusse été chercher plus loin !
DONA SOL
Hernani, sauvez-moi de lui !
HERNANI
Soyez tranquille,
Mon amour !
DON CARLOS
Que font donc mes amis par la ville ?
Avoir laissé passer ce chef de bohémiens !
Appelant.
Monterey !
HERNANI
Vos amis sont au pouvoir des miens.
Et ne réclamez pas leur épée impuissante,
Pour trois qui vous viendraient, il m'en viendrait soixante.
Soixante dont un seul vous vaut tous quatre. Ainsi
Vidons entre nous deux notre querelle ici.
Quoi ! vous portiez la main sur cette jeune fille !
C'était d'un imprudent, seigneur roi de Castille,
Et d'un lâche !
DON CARLOS, souriant avec dédain.
Seigneur bandit, de vous à moi
Pas de reproche !
HERNANI
Il raille ! Oh! je ne suis pas roi ;
Mais quand un roi m'insulte et pour surcroît me raille,
Ma colère va haut et me monte à sa taille,
Et, prenez garde, on craint, quand on me fait affront,
Plus qu'un cimier de roi la rougeur de mon front !
Vous êtes insensé si quelque espoir vous leurre.
Il lui saisit le bras.
Savez-vous quelle main vous étreint à cette heure ?
Ecoutez : votre père a fait mourir le mien, je vous hais.
Vous avez pris mon titre et mon bien, je vous hais.
Nous aimons tous deux la même femme,
Je vous hais, je vous hais, - oui, je te hais dans l'âme !
DON CARLOS
C'est bien.
HERNANI
Ce soir pourtant ma haine était bien loin. Je n'avais qu'un désir, qu'une ardeur, qu'un besoin,
Doña Sol ! - Plein d'amour, j'accourais... Sur mon âme !
Je vous trouve essayant sur elle un rapt infâme !
Quoi, vous que j'oubliais, sur ma route placé !
Seigneur, je vous le dis, vous êtes insensé !
Don Carlos, te voilà pris à ton propre piège.
Ni fuite, ni secours ! je te tiens et t'assiège !
Seul, entouré partout d'ennemis acharnés,
Que vas-tu faire ?
DON CARLOS, fièrement.
Allons ! vous me questionnez !
HERNANI
Va, va, je ne veux pas qu'un bras obscur te frappe.
Il ne sied pas qu'ainsi ma vengeance m'échappe.
Tu ne seras touché par un autre que moi.
Défends-toi donc.
Il tire son épée.
DON CARLOS
Je suis votre seigneur le roi.
Frappez. Mais pas de duel.
HERNANI
Seigneur, qu'il te souvienne
Qu'hier encor ta dague a rencontré la mienne.
DON CARLOS
Je le pouvais hier. J'ignorais votre nom,
Vous ignoriez mon titre. Aujourd'hui, compagnon,
Vous savez qui je suis et je sais qui vous êtes.
HERNANI
Peut-être.
DON CARLOS
Pas de duel. Assassinez-moi : faites !
HERNANI
Crois-tu donc que les rois à moi me sont sacrés ? Çà, te défendras-tu ?
DON CARLOS
Vous m'assassinerez !
Hernani recule. Don Carlos fixe des yeux d'aigle sur lui.
Ah ! vous croyez, bandits, que vos brigades viles
Pourront impunément s'épandre dans les villes ?
Que teints de sang, chargés de meurtres, malheureux !
Vous pourrez après tout faire les généreux,
Et que nous daignerons, nous, victimes trompées,
Anoblir vos poignards du choc de nos épées !
Non, le crime vous tient. Partout vous le traînez.
Nous, des duels avec vous ! arrière ! assassinez.
Hernani, sombre et pensif, tourmente quelques instants de la main la poignée de son épée, puis se retourne brusquement vers le roi, et brise la lame sur le pavé.
HERNANI
Va-t'en donc !
Le roi se tourne à demi vers lui et le regarde avec dédain.
Nous aurons des rencontres meilleures.
Va-t'en.
DON CARLOS
C'est bien, monsieur. Je vais dans quelques heures
Rentrer, moi votre roi, dans le palais ducal.
Mon premier soin sera de mander le fiscal
A-t-on fait mettre à prix votre tête ?
HERNANI
Oui.
DON CARLOS
Mon maître,
Je vous tiens de ce jour sujet rebelle et traître.
Je vous en avertis, partout je vous poursuis.
Je vous fais mettre au ban du royaume.
HERNANI
J'y suis
Déjà.
DON CARLOS
Bien.
HERNANI
Mais la France est auprès de l'Espagne.
C'est un port.
DON CARLOS
Je vais être empereur d'Allemagne.
Je vous fais mettre au ban de l'empire.
HERNANI
A ton gré.
J'ai le reste du monde où je te braverai.
Il est plus d'un asile où ta puissance tombe.
DON CARLOS
Et quand j'aurai le monde ?
HERNANI
Alors, j'aurai la tombe.
DON CARLOS
Je saurai déjouer vos complots insolents.
HERNANI
La vengeance est boiteuse, elle vient à pas lents,
Mais elle vient.
DON CARLOS, riant à demi, avec dédain.
Toucher à la dame qu'adore
Ce bandit !
HERNANI, dont les yeux se rallument.
Songes-tu que je tiens encore ?
Ne me rappelle pas, futur césar romain,
Que je t'ai là, chétif et petit dans ma main,
Et que si je serrais cette main trop loyale
J'écraserais dans l'œuf ton aigle impériale !
DON CARLOS
Faites.
HERNANI
Va-t'en ! Va-t'en !
Il ôte son manteau et le jette sur les épaules du roi.
Fuis, et prends ce manteau,
Car dans nos rangs pour toi je crains quelque couteau.
Le roi s'enveloppe du manteau.
Pars tranquille à présent ! Ma vengeance altérée
Pour tout autre que moi fait la tête sacrée.
DON CARLOS
Monsieur, vous qui venez de me parler ainsi,
Ne demandez un jour ni grâce ni merci !
Il sort.
Annonce des axes
Eléments de commentaire littéraire de la scène 3 de l'Acte II de Hernani
L'imbrication de la haine d'Hernani vis-à-vis de l'homme qui veut faire violence à la femme qu'il adore et la déshonore et sa haine envers le fils de celui qui a tué son père :
- Propos de Hernani remplis d'amour : "Mon amour". Récurrence du terme. "je n'avais qu'un désir, qu'une ardeur, qu'un besoin/ Doña Sol…." avec le rythme ternaire la gradation, le rejet qui met le nom de l'aimée en relief, la négation restrictive, expriment avec un grand lyrisme la passion d' Hernani.
- Par opposition l'utilisation de l'imparfait suggère le choc subi par Hernani quand il surprend le roi qui veut abuser de Doña Sol.
- Les accusations sont d'abord portées contre le vil suborneur "je vous trouve essayant sur elle un rapt infâme".
- C'est donc le héros sublime et romantique qui se porte au secours de celle qu'il aime et qui affirme sa position de force dès sa première réplique "Soyez tranquille/ mon amour".
- Tirade d' Hernani (
chiasme "Pour trois qui vous viendraient, il m'en viendrait soixante.") où il révèle à un Don Carlos qui se croit protégé par ses hommes qu'en fait il est totalement à sa merci. Ainsi le roi n'a plus aucun pouvoir.
- Hernani provoque le suborneur en duel.
- L'ironie de Don Carlos vis-à-vis de Doña Sol : "Toucher à la dame qu'adore/ Ce bandit", la didascalie "riant à demi, avec dédain", la dévalorisation de Doña Sol et de l'amour qu'éprouvent les deux jeunes gens ne peuvent qu'attiser la haine d'Hernani ce qui est montré par la didascalie "dont les yeux se rallument".
- Mais la haine d'Hernani remonte à loin : "Savez-vous quelle main vous étreint à cette heure ?…" la question rhétorique, est renforcée par la didascalie "Il lui saisit le bras". La
métonymie "la main" suggère la force vengeresse d'Hernani. Les différents griefs énumérés par Hernani (l'affront familial, la rivalité autour de Doña Sol) aboutissent à l'
anaphore de "je vous hais" renforcée par le rejet de chaque "je vous hais". La phrase est doublée et amplifiée par le passage du vouvoiement au tutoiement qui souligne combien Hernani rejette la personne du roi à qui il dénie son rang.
- Ironie d'Hernani vis-à-vis du pouvoir royal : "futur césar romain" "aigle impériale", question rhétorique "Crois-tu que les rois à moi me sont sacrés ?", l'
assonance en "oi", insistent sur la rébellion, sacrilège pour l'époque.
Le dédain du roi et son courage face à la mort :
- Don Carlos face à son ennemi ne se départit jamais dans la scène de son ironie et de sa morgue. Il utilise à plusieurs reprises des expressions qui soulignent qu'Hernani n'est pur lui qu'un renégat "sujet rebelle et traitre" et le terme bandit est récurrent. Il continue à le menacer et à le condamner "Je vous fais mettre au ban du royaume". Ses dernières paroles dans la scène sont empreintes d'un inexorable désir de vengeance, ni grâce, ni pardon alors même qu'il revêt le manteau d'Hernani.
- Il refuse avec hauteur le duel car ce serait indigne de son statut (il l'avait accepté dans l'acte précédent, car Hernani ne connaissait pas son identité). D'ailleurs à plusieurs reprises, il rappelle qu'il est le roi "je suis votre seigneur le roi" et ce d'autant plus qu' Hernani le bafoue.
- Il défie Hernani et le provoque en répétant à plusieurs reprises "Assassinez". En utilisant l'impératif, il semble ainsi choisir sa mort tout en transformant Hernani en assassin. C'est ainsi invalider son acte politique.
- Il utilise tout au long de la scène l'ironie, alors même qu'il risque sa vie :
oxymore "seigneur bandit", antiphrase "Mon maître" "compagnon". Ironie vis-à-vis de Doña Sol "Toucher à la dame." Nombreuses didascalies "Souriant avec dédain", "le regarde avec dédain" "riant à demi, avec dédain". Récurrence du terme "dédain"
- Il insulte son adversaire : "chef des bohémiens" "vos brigades viles". Il accuse implicitement Hernani de lâcheté quand il riposte à Hernani qui l'a traité de lâche "de vous à moi/ Pas de reproche" en faisant référence à l'acte I dans lequel Hernani était prêt à se cacher ou à fuir à l'arrivée de Don Ruy Gomez.
- Son mépris transparaît quand il blâme Hernani et ses partisans et met en relief leur vilénie : "faire les généreux". Question rhétorique qui utilise une
synecdoque "Anoblir vos poignards du choc de nos épées ?" avec l'antithèse entre "poignards" et "épées" qui mettent en relief le dédain de l'aristocrate pour ces hommes qui ne sont pour lui que des assassins.
Du duel avorté à la joute verbale :
- Un duel avorté malgré la volonté d'Hernani : champ lexical du combat omniprésent "épée" "querelle" "ennemi" "frappe". Didascalie d'Hernani "Il tire son épée", mais plus loin "Hernani sombre et pensif… et brise la lame sur le pavé".
- Hernani veut que le roi se batte et le provoque en réitérant les références à sa vulnérabilité "Don Carlos te voilà pris à ton propre piège/ Ni fuite, ni secours !".
Allitération en t "je te tiens, et t'assiège" qui met en relief le tutoiement et sa puissance, questions rhétorique "Que vas-tu faire ?".
- Il insiste sur la solitude du roi par opposition au nombre de ses ennemis, à leur détermination "entouré partout d'ennemis acharnés". L'adjectif "seul" se détache en début de vers. L'adverbe "partout" et l'adjectif hyperbolique "acharnés" soulignent combien Don Carlos n'est plus rien. La rime piège/ assiège accentue encore l'effet.
- L'hypallage "épée impuissante", le
chiasme "Pour trois qui vous viendraient, il m'en viendrait soixante.", l'exagération numéraire ("Vos amis sont au pouvoir des miens/ Et ne réclamez pas leur épée impuissante/ Pour trois qui vous viendraient, il m'en viendrait soixante…") mettent en relief le déséquilibre des forces et cherchent à annihiler la superbe du roi.
- Mais le roi refuse le duel : opposition entre l'imparfait "j'ignorais votre nom/ Vous ignoriez mon titre" et le présent "Aujourd'hui, compagnon/ Vous savez qui je suis". Antithèse entre "hier" et "aujourd'hui", répétition d'ignorer, différence entre le terme "nom" qui renvoie à l'identité et le terme "titre" qui renvoie à la hiérarchie, parallélisme de construction qui mettent en relief combien Don Carlos méprise la force d'Hernani.
- A quatre reprises, le roi défie Hernani de le tuer et refuse le duel "Frappez. Mais pas de duel", "pas de duel, Assassinez-moi"…
- Il utilise 3 fois le terme "duel" er trois fois le verbe "assassiner", des phrases exclamatives, des phrases sans verbe "arrière" "pas de duel", qui soulignent son mépris.
- Le duel est donc surtout verbal : insultes, ironie réciproque, jeu des pronoms (vouvoiement et tutoiement), politesse affectée (vouvoiement de Don Carlos) mais on remarque aussi que les personnages pourtant face à face parlent parfois de l'autre à la troisième personne "il raille !", "Toucher à la dame qu'adore/ ce bandit", ce qui est ici une marque de mépris et de colère.
- L'alexandrin brisé, les stichomythies, la ponctuation expressive, coupes fortes ("Pas de duel. Assassinez-moi : faites") restituent la violence de l'affrontement et de la tension qui existe entre les deux hommes, d'autant plus grande qu'ils combattent devant la femme que l'un aime et l'autre convoite.
- Mais aussi souffrance de Hernani en proie à un dilemme : venger son père en tuant le roi mais faire preuve de vilénie en tuant un homme désarmé, ce qui le salirait et salirait aussi la mémoire de son père.
- Leitmotiv de Hernani qui veut chasser Don Carlos qu'il ne peut se résoudre à tuer : "va-t-en donc", "Fuis"… et répliques agressives et menaçantes du roi "A-t-on fait mettre à prix votre tête ?", "Je vous fais mettre au ban du royaume".
-
Métaphore filée et personnification, présent de vérité générale utilisés par Hernani qui laisse la vie sauve au roi mais est toujours aussi déterminé à se venger "la vengeance est boiteuse, elle vient à pas lents/ Mais elle vient".
- Didascalies qui mettent au jour la violence de l'affrontement et le déchirement d'Hernani : gestes d'Hernani (il attrape le bras du roi, il brise son épée), mimiques méprisantes du roi.
La manifestation de l'honneur castillan :
- Don Carlos se révèle ci sous un autre jour : sous le mépris et le sang-froid se profile l'empereur qui ne craint pas la mort et sort grandi de cet affrontement. Sa stature royale apparaît dans les didascalies "Don Carlos fixe des yeux d'aigle sur lui", ce qui fait reculer Hernani. Son orgueil est présent dans toutes ses répliques "Alors vous me questionnez !". Son ambition se révèle aussi "je vais être empereur d'Allemagne". Il est notable qu'ici le futur proche indique une certitude (bien opposé au doute qu'il exprime dans l'acte IV). Désir de venger son honneur bafoué "Ne me demandez jamais un jour ni grâce, ni pardon".
- Honneur d'Hernani : ses répliques sont plus longues et empreintes de grandeur, et mues par le sens de sa dignité (important réseau lexicale de l'outrage). Il ne se laisse pas démonter par l'ironie royale et refuse de tuer un homme désarmé. En outre, il sauve la vie du roi en lui donnant son manteau et ainsi il paye sa dette envers lui.
- Ils se sont donc sauvés à tour de rôle.
- Tous les deux sont des héritiers : Don Carlos est le descendant illustre des Habsbourg et d'Isabelle la Catholique, Hernani celui d'un père dont il veut venger la mémoire.
- Vision prophétique. Hernani revendique même un destin tragique face à la puissance de Don Carlos "Et quand j'aurai le monde ?" "Alors j'aurai la tombe" cette symétrie parfaite entre les deux hémistiches, la rime intérieure "monde" tombe" mettent en relief combien le destin des deux hommes semble scellé dès cette scène. Le futur de l'indicatif présente cet avenir comme probable.
- Courage similaire face à la mort : même superbe, même mépris de la mort…
Conclusion
Ainsi, cette scène 3 de l'acte II de
Hernani mêle l'intrigue amoureuse et politique, mais l'affrontement donne à voir deux hommes habités par un sens de l'honneur qui les rend sublimes et qui préfigurent la suite. Don Carlos deviendra bien César et reconnaîtra la grandeur de son adversaire. En éclairant la personnalités des deux rivaux, cette scène représente un roi plus complexe qu'il n'en avait l'air et un héros qui se révèle déjà emblématique du héros romantique, à la fois banni et homme d'honneur, ce qu'il exprimera dans un lyrisme tragique dans l'acte III, scène 4. En outre, la gémellité des deux hommes préfigure la clémence de Don Carlos qui reconnaîtra en Hernani son égal, lui rendra son titre et lui offrira le bonheur. La dimension polémique est aussi présente avec la remise en cause de la personne royale par Hernani (qui fait écho à celle de Doña Sol), porte-parole ici des idées libérales de Victor Hugo vis-à-vis d'une Restauration en pleine décadence (Charles X).