Plan de la fiche sur la
Lettre de Mme de Sévigné à Mme de Grignan (sa fille) :
Introduction
Mme de Sévigné, écrivain du 17ème siècle (période
du classicisme, organisation de la pensée) incarne un idéal classique.
Le texte que nous allons étudié est une correspondance (cœur de l'écriture de Mme
de Sévigné) réelle entre elle et sa fille. Le départ de celle-ci est
un drame pour la mère (mère en Bretagne, fille en Provence avec
son mari). Mme de Sévigné établit une forte correspondance
pour réduire d'une certaine manière l'éloignement
et l'absence de sa fille.
C'est un texte épistolaire (= c'est une lettre) et autobiographique.
La question : En quoi cette lettre s'avère-t-elle caractéristique d'une autobiographie ?
Mme de Sévigné
Texte de la lettre
De Madame de Sévigné à Mme de Grignan
A Paris, mercredi, 16 mars 1672.
Vous me parlez de mon départ. Ah ! ma chère fille ! je languis dans
cet espoir charmant. Rien ne m'arrête que ma tante, qui se meurt de douleur
et d'hydropisie. Elle me brise le cœur par l'état où elle
est, et par tout ce qu'elle dit de tendresse et de bon sens. Son courage, sa
patience, sa résignation, tout cela est admirable. M. d'Hacqueville et
moi, nous suivons son mal jour à jour. Il voit mon cœur et la douleur
que j'ai de n'être pas libre tout présentement. je me conduis par
ses avis; nous verrons entre ci et Pâques. Si son mal augmente, comme il
a fait depuis que je suis ici, elle mourra entre nos bras ; si elle reçoit
quelque soulagement et qu'elle prenne le train de languir, je partirai dès
que M. de Coulanges sera revenu. Notre pauvre abbé est au désespoir
aussi bien que moi. Nous verrons comme cet excès de mal tournera dans
le mois d'avril. je n'ai élue cela dans la tête. Vous ne sauriez
avoir tant d'envie de me voir que j'en ai de vous embrasser ; bornez votre ambition,
et ne croyez pas me pouvoir jamais égaler là-dessus.
Vous me demandez, ma chère enfant, si j'aime toujours bien la vie. je
vous avoue que j'y trouve des chagrins cuisants. Mais je suis encore plus dégoûtée
de la mort ; je me trouve si malheureuse d'avoir à finir tout ceci
par elle, que si je pouvais retourner en arrière, je ne demanderais pas mieux.
Je me trouve dans un engagement qui m'embarrasse; je suis embarquée dans
la vie sans mon consentement. Il faut que j'en sorte ; cela m'assomme. Et
comment en sortirai-je ? Par où ? Par quelle porte ? Quand sera-ce ?
En quelle disposition ? Souffrirai-je mille et mille douleurs, qui me feront
mourir désespérée ? Aurai-je un transport au cerveau ? Mourrai-je d'un accident ? Comment serai-je avec Dieu ? Qu'aurai-je à lui présenter ? La crainte, la nécessité,
feront-elles mon retour vers lue ? N'aurai-je aucun autre sentiment que
celui de la peur ? Que puis-je espérer ? Suis-je digne du paradis ? Suis-je
digne de l'enfer ? Quelle alternative ! Quel embarras ! Rien n'est si fou que
de mettre son salut dans l'incertitude, mais rien n'est si naturel, et la sotte
vie que je mène est la chose du monde la plus aisée à comprendre.
je m'abîme dans ces pensées, et je trouve la mort si terrible que
je hais plus la vie parce qu'elle m'y mène que par les épines qui
s'y rencontrent. Vous me direz que je veux vivre éternellement. Point
du tout, mais si on m'avait demandé mon avis, j'aurais bien aimé à mourir
entre les bras de ma nourrice ; cela m'aurait ôté bien des ennuis
et m'aurait donné le ciel bien sûrement et bien aisément.
Mais parlons d'autre chose.
[...]
Premier paragraphe :
Vocabulaire :
hydropisie : tuberculose
M. d'Hacqueville : mari de la tante
M. de Coullanges : l'abbé
Mme de Sévigné devait aller voir sa fille. Mais elle est retenue à Paris
car sa tante est atteinte de la maladie ce qui la contrarie doublement : par
la douleur de sa tante et par son retard.
Second paragraphe :
Mme de Sévigné à Paris opère une introspection (examen de conscience,
réflexion philosophique et morale). La maladie d'un proche en
est le prétexte mais aussi la question de sa fille sur sa vie dans sa
lettre précédente. Elle tente donc de faire le bilan mais elle
répond à la question par une suite d'autres questions.
Cela montre que Mme de Sévigné à Paris est quelque peu perdue et angoissée
au sujet de sa vie et de sa mort.
Annonce des axes
I. Une lettre attachante
1. Mise en place des éléments d'une communication épistolaire
2. La mise en scène de l'affectivité
3. La tonalité tragique
II. Une méditation sur l'existence
1. L'expression de l'incertitude
2. L'entrelacement des thèmes de la vie et de la mort
Commentaire littéraire
I. Une lettre attachante
1. Mise en place des éléments d'une communication épistolaire
Genre épistolaire : Bipolarisation : Narrateur – Narrataire
Commence par les marques de l'énonciation, d'échange de paroles.
Dès la première phrase, on a un échange de propos : « Vous
me parlez »
• Les pronoms personnels renvoyant à Mme de Sévigné « je … me » sont
répétés de façon récurrente. L'importance
de ces marques traduit la volonté de parler avant tout d'elle.
• En même temps, « vous » narrataire. Elle parle à quelqu'un
de précis : sa fille Françoise qu'elle aime énormément.
Elle envoie ses nombreuses lettres pour combler la distance entre elle et sa
fille. « ma chère fille ».
• Echange de propos, impression de discours oral, dialogue écrit. « Vous
me demandez » qui renvoie à une lettre précédente. « Ah ! » interjection
orale qui donne l'impression de parole, il donne
de la vivacité au récit, il exprime les sentiments.
2. La mise en scène de l'affectivité
La tonalité exprimée par le vocabulaire affectif donne l'impression
que la personne qui s'exprime est touchée. En effet, elle devait
partir voir sa fille mais elle est retardée, elle est donc dans l'impatience
de voir sa fille. Cette impatience est une souffrance. « Il voit mon
cœur et la douleur que j'ai de n'être pas libre tout
présentement. », « je languis », « Vous
ne sauriez avoir tant d'envie de me voir que j'en ai de vous embrassez ». Ces expressions soulignent l'amour qu'elle porte à sa
fille. On a une tonalité lyrique qui exprime l'impuissance et
une tonalité pathétique qui exprime la douleur de ne pas être
là. Les mots qui traduisent l'amour et la tendresse qu'elle
porte pour sa fille : « chère… espoir charmant » et « vous embrassez » sont renforcés par le point
d'exclamation.
3. La tonalité tragique
Le fait que sa tante se trouve à l'agonie rajoute le tragique,
idées de maladie, de la mort, de la séparation. Cette dernière
idée rappelle la séparation mère/fille en moins tragique.
Vocabulaire de la maladie « brise le cœur » l'
hyperbole souligne la détresse face à la mort, « au désespoir
aussi bien que moi » sentiments liés au tragique.
Elle est obsédée, une double obsession entre la guérison
impensable de sa tante et le désir de revoir sa fille. C'est un « je » qui
exprime ses sentiments : marque de l'autobiographie.
Conclusion : l'ensemble est donc une mise en scène autobiographique des sentiments d'une mère angoissée (peur et impuissance face à la mort) et épleurée (traversée par des événements tragiques).
II. Une méditation sur l'existence
C'est une partie métaphysique (réflexion sur la vie et
le mort) et philosophique (forme de sagesse).
C'est une épicurienne : « dégoûtée
par la mort ».
Malgré son amour pour sa religion, son amour pour sa fille est plus
fort ce qui l'entraîne à cette sincérité autobiographique.
Sa fille la questionne sur sa vie, elle répond en parlant directement
de sa mort, le sujet qui l'intéresse. Elle est obnubilée
par la mort => la vie n'a plus grand intérêt.
1. L'expression de l'incertitude
Le passage des interrogations (« Et comment en sortirai-je ?... ») souligne encore une fois l'aspect
obsessionnel de cette réflexion sur la mort. C'est un monologue
intérieur introspectif, elle s'interroge sur l'existence,
c'est une interrogation lyrique.
2. L'entrelacement des thèmes de la vie et de la mort
Cet entrelacement traduit l'angoisse et l'inquiétude « Je
trouve la mort si terrible que je hais plus la vie » car la vie mène à la mort. Questionnement sur le sens de l'existence.
Expression de regrets sur sa « sotte vie ». L'incohérence
de la vie relevée par Mme de Sévigné : Elle n'a
pas demandé à vivre, elle ne demande pas à mourir. C'est à ses
yeux une fatalité inacceptable.
Conclusion : Il s'agit d'un journal égotique (réflexion
sur le « soi ») qui est une véritable introspection.
Conclusion
C'est une lettre autobiographique, il y a expression de l'auteur
de ses sentiments à la première personne. C'est une introspection
car Madame de Sévigné se livre sincèrement à sa
fille, elle est le sujet et l'objet de sa réflexion.