Le Mariage de Figaro - BeaumarchaisScène 1
SUZANNE, LA COMTESSE entrent par la porte à droite
LA COMTESSE se jette dans une bergère. Ferme la porte, Suzanne, et conte-moi tout dans le plus grand détail. SUZANNE. Je n'ai rien Caché à Madame. LA COMTESSE. Quoi ! Suzon, il voulait te séduire ? SUZANNE. Oh ! que non ! Monseigneur n'y met pas tant de façon avec sa servante : il voulait m'acheter. LA COMTESSE. Et le petit page était présent ? SUZANNE. C'est-à-dire caché derrière le grand fauteuil. Il venait me prier de vous demander sa grâce. LA COMTESSE. Eh, pourquoi ne pas s'adresser à moi-même ? est-Ce que je l'aurais refusé, Suzon ? SUZANNE. C'est ce que j'ai dit : mais ses regrets de partir, et surtout de quitter Madame ! Ah ! Suzon, qu'elle est noble et belle ! mais qu'elle est imposante ! LA COMTESSE. Est-ce que j'ai cet air-là, Suzon ? Moi qui l'ai toujours protégé. SUZANNE. Puis il. a vu votre ruban de nuit que je tenais : il s'est jeté dessus... LA COMTESSE, souriant. Mon ruban ?... Quelle enfance ! SUZANNE. J'ai voulu le lui ôter ; madame, C'était un lion ; ses yeux brillaient... Tu ne l'auras qu'avec ma vie, disait-il en formant sa petite voix douce et grêle. LA COMTESSE, rêvant. Eh bien, Suzon ? SUZANNE. Eh bien, madame, est-ce qu'on peut titre finir ce petit démon-là ? Ma marraine par-ci ; je voudrais bien par l'autre ; et parce qu'il n'oserait seulement baiser la robe de Madame, il voudrait toujours m'embrasser, moi. LA COMTESSE, rêvant. Laissons... laissons ces folies... Enfin, ma pauvre Suzanne, mon époux a fini par te dire ?... SUZANNE. Que si je ne voulais pas l'entendre, il allait protéger Marceline. LA COMTESSE se lève et se promène en se servant fortement de l'éventail. Il ne m'aime plus du tout. SUZANNE. Pourquoi tant de jalousie ? LA COMTESSE. Comme tous les maris, ma Chère ! uniquement par orgueil. Ah ? je l'ai trop aimé l'je l'ai lassé de mes tendresses et fatigué de mon amour ; voilà mon seul tort avec lui : mais je n'entends pas que cet honnête aveu te nuise, et tu épouseras Figaro. Lui seul peut nous y aider : viendra-t-il ? SUZANNE. Dés qu'il verra partir la Chasse. LA COMTESSE, se servant de l'éventail. Ouvre un peu la croisée sur le jardin. Il fait une Chaleur ici ! ... SUZANNE. C'est que Madame parle et marche avec action. Elle va ouvrir la croisée du fond. LA COMTESSE, rêvant longtemps. sans cette Constance à me fuir... Les hommes sont bien Coupables ! SUZANNE crie de la fenêtre. Ah ! voilà Monseigneur qui traverse à cheval le grand potager, suivi de PÉDRILLE, avec deux, trois, quatre lévriers. LA COMTESSE. Nous avons du temps devant nous. (Elle s'assied.) On frappe, Suzon ? SUZANNE court ouvrir en chantant. Ah ! C'est mon Figaro ! ah ! C'est mon Figaro ! |
- Comtesse connaît les intentions du Comte et décide d’aider Suzanne.
- Marque son futur rôle actif dans l’intrigue.
- Comtesse aide Suzanne par amour pour elle mais non par amour pour le Comte.
Elément important : la croisée est ouverte par Suzanne.
- Première fois que la Comtesse est seule avec Suzanne : permet une meilleure connaissance de sa personnalité.
- Comtesse parle de Chérubin et du Comte : elle parle à Suzanne du Comte puis de Chérubin lorsque celle-ci lui donne des précisions sur les actions du Comte. Cela témoigne de l’intérêt de la Comtesse pour Chérubin et elle apparaît comme préoccupée, alors elle fait revenir la conversation sur le Comte.
- 2 pôles de discussion et d’intérêt de la Comtesse : ils sont contraires mais la Comtesse n’est pas résignée.
- La Comtesse paraît nerveuse, selon les didascalies.
A propos de Chérubin : la Comtesse prend Suzanne à témoin et affirme son rôle protecteur légitime envers le page (moralement, psychologiquement...)
- Ruban : la Comtesse paraît amusée et attendrie quand Suzanne lui raconte la scène.
La Comtesse se met à rêver comme par passion puis marque une rupture : " Laissons ces folies ". Elle se rappelle qu’elle est mariée et que Chérubin est trop jeune.
- La Comtesse est désespérée de l’absence d’amour du Comte : " Il ne m’aime plus du tout ". Ce passage s’oppose à son rêve mais elle bouillonne de l’intérieur. Elle agit par orgueil car le Comte est " lassé de son amour ".
La Comtesse garde de la combativité pour aider Suzanne et ramener le Comte à elle.
- Relation classique, traditionnelle de subordination
- La Comtesse donne des ordres à Suzanne (utilisation de l’impératif)
- La Comtesse tutoie Suzanne mais Suzanne vouvoie la Comtesse.
- Suzanne sait et admet qu’elle est inférieure socialement et est consciente du mépris du Comte (situation humiliante).
- Il existe une vraie complicité entre les deux femmes qui sont rapprochées à cause du Comte.
- La Comtesse ne cache rien à sa suivante et lui donne même des conseils pour son mariage.
Il s’agit d’une scène qui rend la Comtesse attachante par le fait qu’elle est partagée par deux sentiments. Il reste une part de rêve à interpréter. On peut remarquer les relations entre la Comtesse et sa suivante.
Merci à Stéphanie (stephae@libertysurf.fr) qui m'a envoyé cette fiche...