Plan de la fiche sur
La lettre de Gargantua à Pantagruel -
Pantagruel de François Rabelais :
Introduction
Pantagruel est le premier livre de
François Rabelais, publié en 1532. Le titre complet de l'œuvre est
Les horribles et épouvantables faits et prouesses du très renommé Pantagruel Roi des Dipsodes, fils du Grand Géant Gargantua. Rabelais poursuivra en 1534 avec le récit des aventures du père de Pantagruel,
Gargantua. Dans ces ouvrages, Rabelais relate les histoires d'une famille de géants de façon comique.
L’Humanisme est un courant de pensées qui se développe
en Europe au 15ème et au 16ème siècles. L'homme de la
Renaissance est un être à éduquer : c’est pourquoi
de nombreux ouvrages sont destinés à l’éducation,
en particulier ceux de
Rabelais, comme
Pantagruel et
Gargantua. Le texte à étudier est un extrait de
Pantagruel : Gargantua a envoyé une
lettre à son fils Pantagruel afin de l’initier à un programme humaniste.
Texte étudié
[...]
C'est pourquoi, mon fils, je t'engage à employer ta jeunesse à bien progresser en savoir et en vertu. Tu es à Paris, tu as ton précepteur Epistémon : l'un par un enseignement vivant et oral, l'autre par de louables exemples peuvent te former. J'entends et je veux que tu apprennes parfaitement les langues : premièrement le grec, comme le veut 0uintilien, deuxièmement le latin, puis l'hébreu pour l'Écriture sainte, le chaldéen et l'arabe pour la même raison, et que tu formes ton style sur celui de Platon pour le grec, sur celui de Cicéron pour le latin.
Qu'il n'y ait pas d'étude scientifique que tu ne gardes présente en ta mémoire et pour cela tu t'aideras de l'Encyclopédie universelle des auteurs qui s'en sont occupés.
Des arts libéraux : géométrie, arithmétique et musique, je t'en ai donné le goût quand tu étais encore jeune, à cinq ou six ans, continue.
De l'astronomie, apprends toutes les règles, mais laisse-moi l'astrologie et l'art de Lullius comme autant d'abus et de futilités.
Du droit civil, je veux que tu saches par cœur les beaux textes, et que tu me les mettes en parallèle avec la philosophie. Et quant à la connaissance de la nature, je veux que tu t'y donnes avec soin : qu il n'y ait mer, rivière, ni source dont tu ignores les poissons ; tous les oiseaux du ciel, tous les arbres, arbustes, et les buissons des forêts, toutes les herbes de la terre, tous les métaux cachés au ventre des abîmes, les pierreries de tous les pays de l'Orient et du midi, que rien ne te soit inconnu.
Puis relis soigneusement les livres des médecins grecs, arabes et latins, sans mépriser les Talmudistes et les Cabalistes, et, par de fréquentes dissections, acquiers une connaissance parfaite de l'autre monde qu'est l'homme.
Et quelques heures par jour commence à lire l'Écriture sainte : d'abord le Nouveau Testament et les Épîtres des apôtres, écrits en grec, puis l'Ancien Testament, écrit en hébreu.
En somme, que je voie en toi un abîme de science car, maintenant que tu deviens homme et te fais grand, il te faudra quitter la tranquillité et le repos de l'étude pour apprendre la chevalerie et les armes afin de défendre ma maison, et de secourir nos amis dans toutes leurs difficultés causées par les assauts des malfaiteurs. Et je veux que, bientôt, tu mesures tes progrès ; cela, tu ne pourras pas mieux le faire qu'en soutenant des discussions publiques, sur tous les sujets, envers et contre tous, et qu'en fréquentant les gens lettrés tant à Paris qu'ailleurs.
Mais – parce que, selon le sage Salomon, Sagesse n'entre pas en âme malveillante et que Science sans Conscience n'est que ruine de l'âme – tu dois servir, aimer et craindre Dieu, et mettre en lui toutes tes pensées et tout ton espoir ; et par une foi nourrie de charité, tu dois être uni à lui, en sorte que tu n'en sois jamais séparé par le péché.
Méfie-toi des abus du monde ; ne prends pas à cour les futilités, car cette vie est transitoire, mais la parole de Dieu demeure éternellement. Sois serviable pour tes prochains, et aime-les comme toi-même. Révère tes précepteurs. Fuis la compagnie de ceux à qui tu ne veux pas ressembler, et ne reçois pas en vain les grâces que Dieu t'a données. Et, quand tu t'apercevras que tu as acquis tout le savoir humain, reviens vers moi, afin que je te voie et que je te donne ma bénédiction avant de mourir.
Mon fils, que la paix et la grâce de Notre Seigneur soient avec toi. Amen.
D'Utopie, ce dix-sept mars,
Ton père, Gargantua.
Rabelais - Pantagruel chapitre 8.
Annonce des axes
I. La lettre et son objectif
1. Les indices de l'énonciation
2. Le ton de la lettre
3. L'objectif de la lettre
II. Un programme intellectuel
1. Définition
2. Le littéraire
3. Le scientifique
III. Idéal social, moral et religieux
1. Un idéal social et moral
2. Un idéal religieux
Commentaire littéraire
I. La lettre et son objectif
1. Les indices de l’énonciation
• Emetteur / destinataire : mon fils, mon père.
• Pronoms personnels : « je » et « tu ».
• La date et le lieu : « D'Utopie, ce dix-sept mars ».
• Formule de politesse finale.
2. Le ton de la lettre
• Fermeté et autorité avec des répétitions de « je
veux ».
• Phrase injonctive (expression d’un ordre) : « qu’il n’y ait pas… », « que je vois en toi… ».
• Emploi du subjonctif (qui exprime l’obligation) : « il te faudra » et
l’impératif : « relis soigneusement ».
3. L’objectif de la lettre
• Invitation à l’étude : vaste programme très ambitieux,
très humaniste. Gargantua pousse son fils à l’étude.
• Importance du mot Utopie à la fin du texte qui fait référence à l’éducation
idéale. Rappel de Thomas More qui a écrit l’œuvre
Utopia (ville parfaite avec des organisations sociale et politique idéale)
qui a inspiré Rabelais.
Quel est ce programme ?
II. Un programme intellectuel
1. Définition
• Goûts du savoir et accumulation des connaissances.
2. Le littéraire
• Les langues : importance de l’adverbe « parfaitement ».
Retour aux langues anciennes : retour à l’antiquité (grec,
latin, hébreu, chaldéen et arabe)
• Référence : Platon et Cicéron
• Fait appel à une large culture : encyclopédie, droit civil, philosophie,
histoire naturelle (géographie).
3. Le scientifique
• Arithmétique et géométrie. Il l’a déjà étudié car
il dit « achève le cycle ».
• Astronomie « apprend toutes les règles »
• Médecine : en particulier la dissection. Rabelais a pratiqué la dissection
• Biologie (passage où il parle de la flore. Gargantua doit connaître
en détail cela même si s’est peu important).
-> On constate que l’enseignement artistique n’a pas beaucoup
d’importance, à l’exception
de la musique.
III. Idéal social, moral et religieux
1. Un idéal social et moral
• L’homme du 16ème siècle est tourné vers les autres
(= solidarité). C’est l’esprit humaniste. Solidarité entre
les hommes. L’auteur parle d’une assistance envers les amis : « secourir
nos amis dans toutes leurs difficultés ».
• Rôle du chevalier : « défendre ma maison »
• Pantagruel doit établir des liens de communication, participer aux débats,
fréquenter des lettrés : « en soutenant des discussions
publiques sur tous les sujets ».
2. Un idéal religieux
• L’homme est au service de Dieu : « servir, aimer et craindre Dieu »
• Champ lexical de la religion : la foi, l’âme, la charité, le pêché
• Connaissance des textes sacrés : nouveaux et anciens testaments
• L’idéal religieux est en harmonie avec un idéal moral
• Inculquer des règles morales : « sois serviables pour tout tes proches » = solidarité
• Refus des futilités, respect des autres, l’amour du prochain, respect des maîtres.
Les idéaux social, moral et religieux sont complémentaires de l’idéal intellectuel.
Conclusion
Les caractéristiques de cette lettre montrent la détermination
de Gargantua à voir son fils suivre un programme humaniste. Ce programme
est très utopique. Il est impossible à traiter car trop vaste.
Il s’appuie sur de nombreux domaines comme le littéraire et
la science. Nous pouvons remarquer une brève référence
au domaine artistique avec la musique mais cela n’est pas le plus
important pour Rabelais. Rabelais exprime son éducation idéale à travers
ce récit. Il démontre que l’idéal social, moral
et religieux sont complémentaires de l’idéal intellectuel.
Le programme intellectuel est un apprentissage alors que l’idéal
social, moral et religieux sont l’application de ce dernier.