Plan de la fiche sur
Je n'ai plus que les os de Ronsard :
Introduction
Ronsard aborde à maintes
reprises le thème de
la mort dans son œuvre poétique, le plus souvent pour développer
une méditation lyrique sur la fuite du temps ou sur les rapports de
la beauté et de la mort comme dans
l'Ode à Cassandre.
A la fin de sa vie, épuisé par la maladie, en proie à de
redoutables insomnies, Ronsard choisit d'évoquer dans
ses
Derniers vers, avec une émouvante
simplicité, l'approche imminente de sa propre mort.
Je n'ai plus que les os..., le sonnet liminaire de ce court recueil
publié par ses amis juste après sa disparition nous présente un tableau saisissant de la dégradation
physique du poète, tout en célébrant la valeur consolatrice
de l'amitié. Ronsard nous propose une évocation réaliste
et baroque de la mort. Il organise cependant aussi un sonnet, à la manière
des grecs et des latins, une émouvante cérémonie des adieux,
révélant ainsi son acceptation stoïque de la condition humaine.
Pierre de Ronsard
Texte du poème
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Lu par René Depasse- source : litteratureaudio.com
Je n’ai plus que les os, un squelette je semble,
Décharné, dénervé, démusclé, dépoulpé,
Que le trait de la mort sans pardon a frappé ;
Je n’ose voir mes bras que de peur je ne tremble.
Apollon et son fils, deux grands maîtres ensemble,
Ne me sauraient guérir, leur métier m’a trompé.
Adieu, plaisant soleil, mon œil est étoupé,
Mon corps s’en va descendre où tout se désassemble.
Quel ami me voyant en ce point dépouillé
Ne remporte au logis un œil triste et mouillé,
Me consolant au lit et me baisant la face,
En essuyant mes yeux par la mort endormis ?
Adieu, chers compagnons, adieu, mes chers amis,
Je m’en vais le premier vous préparer la place.
Pierre de Ronsard - Derniers Vers - 1586
Annonce des axes
I. Une évocation réaliste et baroque de la mort
1. Une description réaliste de l'altération du corps
2. Le constat douloureux de la dépossession de soi
3. L'anticipation spectaculaire de sa propre mort
II. Une émouvante cérémonie des adieux
1. Le difficile adieu au monde
2. L'hymne à l'amitié
3. La solennité de la cérémonie des adieux
III. L'acceptation stoïque de la mort
1. L'acceptation du caractère inéluctable de la mort
2. L'acceptation sereine de la mort
3. La certitude chrétienne de l'immortalité de l'âme
Commentaire littéraire
I. Une évocation réaliste et baroque de la mort
1. Une description réaliste de l'altération du corps
Evocation insistante de son corps
→ champ lexical : "os", "bras", "œil", "corps", "face", "yeux".
Ronsard nous propose une analyse clinique de la dégradation de son organisme.
Ronsard souffre en esthète
→ le quatrième vers évoque sa
réticence à se regarder.
2. Le constat douloureux de la dépossession de soi
L’ouverture du sonnet sur l'hémistiche "je n'ai plus que les
os" marque une profonde déperdition de soi.
Reprise insistante du préfixe dé qui montre la privation, ainsi
que l'obsession du poète sur cette impression.
Pas d'évocation de douleur physique
→ pudeur de Ronsard.
3. L'anticipation spectaculaire de sa propre mort
Deux occurrences de la mort + champ lexical de la mort + périphrase désignant
l'enfer ("où tout se désassemble")
Chiasme → mort dramatisée
Ronsard se décrit comme déjà mort
Ronsard dans ce poème exploite les ressources de l'esthétique baroque
qui n'hésite pas à souligner les détails macabres et qui
se plait à étudier la métamorphose des êtres, en particulier
au moment de la mort.
II. Une émouvante cérémonie des adieux
1. Le difficile adieu au monde
Le vers 7 souligne les termes "soleil" et "œil" qui rappellent
que le poète ne peut plus voir le monde qui l'entoure.
La mort lui enlève les sensations visuelles, très importantes pour
un artiste car elles procurent l'émotion esthétique.
Les sons [an] et [on] qui dominent renvoient à une certaine mélancolie.
2. L'hymne à l'amitié
Evocation de la profonde amitié qui le lie à ceux qui lui sont
chers
→ interrogation oratoire + enjambements, introduisent le registre lyrique,
montrent la fidélité des amis de Ronsard
Les amis de Ronsard sont désignés par des expressions hypocoristiques
(= terme d'affection, de tendresse).
3. La solennité de la cérémonie des adieux
Rythme binaire
→ solennité à la cérémonie des adieux.
Structure antithétique qui oppose le constat de la dégradation
de soi à la présence chaleureuse des amis.
Tout comme les stoïciens antiques, le poète met en scène sa propre mort.
Rythme 2/4//2/4 sur trois vers
→ dignité, maîtrise de soi.
III. L'acceptation stoïque de la mort
1. L'acceptation du caractère inéluctable de la mort
Philosophie épicurienne, vision anatomiste du monde : l'image du lieu
renvoie à la conception du monde par des atomes qui se désunissent à la
mort.
Le passé composé indique le caractère définitif de
la sentence.
Figures mythologiques qui montrent la condition humaine dans une perspective intemporelle.
Dimension tragique de la condition humaine.
2. L'acceptation sereine de la mort
La mort est fortement euphémisée, aucune trace de peur. Le terme "endormis" reprend
l’image classique et rassurante de la mort comparée au sommeil.
Ronsard s'en va en paix.
3. La certitude chrétienne de l'immortalité de l'âme
Idée de l'enveloppe humaine renfermant l'âme
→ "dépouillé"
Exploitation de la double consolation avec la mort : immortalité et retrouver ses amis.
Conclusion
Ce sonnet
Je n’ai plus que les os, qui inaugure un ensemble
de poèmes tous consacrés à une méditation sur la
mort, nous offre une confidence émouvante sur l'amer constat de la déchéance
physique qui accompagne les derniers jours de la vie. Ronsard, en décrivant
crûment le délabrement de son corps, choisit une forme de détachement
qui l'honore. L'écriture de Ronsard, par sa noblesse, impose l'image
d'un poète soucieux de s'affranchir "des liens du corps pour n'être
que esprit", mais un esprit ouvert à l'amitié, sentiment
qu'il célèbre avec force et émotion.