Préface du Dernier jour d'un condamné (extrait)

Victor Hugo, 1832




Plan de la fiche sur la Préface du Dernier jour d'un condamné de Victor Hugo :
Introduction
Texte étudié
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion
Autre analyse en vidéo du texte


Introduction

Le Dernier Jour d'un condamné, vigoureux plaidoyer contre la peine de mort de Victor Hugo, est tout d'abord paru de façon anonyme en 1829. Dans sa deuxième édition de 1832, Hugo ajoute une préface dans laquelle il met en avant la fonction morale et politique de son roman. L'écrivain y entreprend de passer en revue, pour mieux les dénoncer, tous les arguments des partisans de la peine capitale.

Cette préface est un plaidoyer indirect contre la peine de mort. Cette préface est un modèle d'argumentation polémique, comprenant deux parties :
- Hugo montre les horreurs de la peine de mort (il réfute les arguments des tenants de la peine de mort)
- Il émet des propositions contre cette peine de mort.

Ce texte apparaît comme un réquisitoire contre la peine de mort. Victor Hugo prend la parole avec le "nous" de modestie, pour interpeller les juges et tout ceux favorables à la peine de mort.


Texte étudié

Préface du Dernier jour d'un condamné (extrait)

Ceux qui jugent et qui condamnent disent la peine de mort nécessaire. D'abord, – parce qu'il importe de retrancher de la communauté sociale un membre qui lui a déjà nui et qui pourrait lui nuire encore. – S'il ne s'agissait que de cela, la prison perpétuelle suffirait. À quoi bon la mort ? Vous objectez qu'on peut s'échapper d'une prison ? Faites mieux votre ronde. Si vous ne croyez pas à la solidité des barreaux de fer, comment osez-vous avoir des ménageries ?
Pas de bourreau où le geôlier suffit.
Mais, reprend-on, – il faut que la société se venge, que la société punisse. – Ni l'un, ni l'autre. Se venger est de l'individu, punir est de Dieu.
La société est entre deux. Le châtiment est au-dessus d'elle, la vengeance au-dessous. Rien de si grand et de si petit ne lui sied. Elle ne doit pas "punir pour se venger" ; elle doit corriger pour améliorer. Transformez de cette façon la formule des criminalistes, nous la comprenons et nous y adhérons.
Reste la troisième et dernière raison, la théorie de l'exemple. – Il faut faire des exemples ! il faut épouvanter par le spectacle du sort réservé aux criminels ceux qui seraient tentés de les imiter ! - Voilà bien à peu près textuellement la phrase éternelle dont tous les réquisitoires des cinq cents parquets de France ne sont que des variations plus ou moins sonores. Eh bien ! nous nions d'abord qu'il y ait exemple. Nous nions que le spectacle des supplices produise l'effet qu'on en attend. Loin d'édifier le peuple, il le démoralise, et ruine en lui toute sensibilité, partant toute vertu. Les preuves abondent, et encombreraient notre raisonnement si nous voulions en citer. Nous signalerons pourtant un fait entre mille, parce qu'il est le plus récent. Au moment où nous écrivons, il n'a que dix jours de date. Il est du 5 mars, dernier jour du carnaval. À Saint- Pol, immédiatement après l'exécution d'un incendiaire nommé Louis Camus, une troupe de masques est venue danser autour de l'échafaud encore fumant. Faites donc des exemples ! le mardi gras vous rit au nez.

Victor Hugo




Annonce des axes

I. Une réfutation (argumentation) rigoureuse
1. La démarche de Hugo
2. L'examen des arguments

II. Un discours polémique
1. La mise en forme dialoguée
2. Le mélange des tons



Commentaire littéraire

I. Une réfutation (argumentation) rigoureuse

1. La démarche de Hugo

On dégage 3 parties : De la ligne 1 à la ligne 9
De la ligne 10 à la ligne 18
De la ligne 19 à la fin.

- Arguments pour la peine de mort, puis
- arguments contre la peine de mort.

Réfutation point par point.

Pour Contre
Partie I Il faut retrancher de la communauté un membre qui lui a nui. La prison perpétuelle suffirait.
Partie II Idée de vengeance, de châtiment, loi du Talion. -> Ce n'est pas le rôle de la société.
-> autre conception de la peine.
Partie III Impressionner la population pour qu'elle ne soit pas violente. Le spectacle du châtiment démoralise (perte de tout sentiment).


2. L'examen des arguments

Trois arguments différents contre la peine de mort sont présentés :

- La réclusion à perpétuité (argument peu développé) ; d'ailleurs, plus tard, Les Misérables, Valjean s'échappe du bagne de Toulon.
- Victor Hugo dénonce la peine de mort comme inadéquate. Insistance sur l'école,…
- Il nie avec vigueur l'exemplarité de la peine de mort. Elle ne peut pas servir d'exemple, elle ne sert pas à empêcher d'autres crimes (idée plus développée).


II. Un discours polémique

1. La mise en forme dialoguée

a) Victor Hugo rend son argumentation vivante en lui donnant la forme d'une discussion : il interpelle ses adversaires en utilisant "vous", puis prend ses distances en employant "on" pour les désigner ("reprend-on"), tout en continuant d'utiliser la deuxième personne à l'impératif ; mais au delà des "criminalistes" (juristes spécialisés dans le droit criminel), ses destinataires sont les lecteurs potentiellement séduits par la peine de mort. Il leur répond, en son nom propre, en usant du "nous" de modestie (courant dans un discours d'une certaine tenue). On observe de nombreux points d'interrogation et d'exclamation qui soulignent la vivacité du débat.

b) Mais ce dialogue est largement faussé, car il sert surtout à mettre en valeur l'argumentation de l'auteur qui réduit les arguments de ses adversaires à leur plus simple expression et sous la forme de préceptes impersonnels ("il importe", "il faut"). De plus, il tourne en ridicule d'abord l'objection de l'évasion possible, puis "la théorie de l'exemple" en rapprochant deux formules : "faire des exemples" et "épouvanter".

2. Le mélange des tons

a) L'ironie est utilisée pour déprécier les arguments qu'il réfute, mais aussi les magistrat qui les utilise ("Voilà bien à peu près textuellement la phrase éternelle dont tous les réquisitoires des 500 parquets de France ne sont que des variations sonores" : l'auteur suggère que la peine de mort est requise par routine, dans des plaidoiries vides de sens à force d'être répétées). La "chute" du dernier paragraphe, "faites donc des exemples, le mardi gras vous rit au nez", apparaît comme un pied de nez de l'auteur qui se moque de l'exécution capitale comme les masques dont il parle.

b) La solennité domine cependant cet extrait ; en effet, l'auteur a recours à des maximes qui transmettent son message comme des vérités reconnues, ce qui a plus de poids que l'expression d'une opinion personnelle : "Pas de bourreau où le geôlier suffit", "Se venger est de l'individu, punir est de Dieu" ; cette dernière formule a les accents d'un nouveau commandement qui s'oppose à celui du talion : "Œil pour œil, dent pour dent.". En outre, aux formules d'obligation impersonnelles et presque vidées de leur sens ("Il faut"), Victor Hugo répond par le verbe "devoir", comme si le devoir de justice qui fonde le droit, devait s'opposer à une loi perverse qui ordonne la mise à mort. Dans l'ensemble du texte, le ton est grave, impérieux, et, sous l'ironie, se fait sentir l'indignation.





Conclusion

    On insistera sur la qualité des arguments de Victor Hugo issus à la fois de Beccaria, homme des Lumières (1er et 3e arguments), et du courant progressiste chrétien (2e argument développé) : cette même ligne sera reprise par Jean Jaurès au début du XXème siècle. On soulignera également l'efficacité de ce discours clair et convaincant dans lequel l'auteur part en guerre contre la peine de mort.




Autre analyse en vidéo du texte

Autre proposition d'étude de la Préface du Dernier jour d'un condamné - Victor Hugo :
(texte étudié jusqu'à "Voilà qui est horrible, mais qui est terrible").


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Merci à celui ou celle qui m'a envoyé cette analyse sur la Préface du Dernier jour d'un condamné de Victor Hugo