Le Rouge et le noir

Stendhal

Extrait du chapitre 1 : Le portrait de Mr de Rênal

De "Si, en entrant à Verrières..." à "...dans le commerce du fer."




Plan de la fiche sur le chapitre 1 de Le Rouge et le Noir de Stendhal :
Introduction
Texte étudié
Annonce des axes
Commentaire littéraire




Introduction

Stendhal :
- Auteur du début du réalisme.
Inventeur du réalisme subjectif : Rend  compte de la réalité du point de vue limité soit du narrateur, soit du personnage.
Différent de la définition du réalisme : vise à rendre compte à la manière d'une encyclopédie.
Réalisme chez Stendhal = vision d'ensemble.
- Stendhal  utilise souvent le portrait satirique (critique de la société).

-> Biographie de Stendhal

L'œuvre : Le Rouge et le Noir
Selon l'auteur : le roman est comparable à un « miroir » qui se promène sur une grande route.
Miroir de la vie, fidélité à l'image de la réalité.
Ce roman est un exercice de transposition : le roman relate ce que reflète le miroir.
Le narrateur = promeneur qui traverse le monde au gré de ses envies, il tient dans ses mains un miroir qui reflète les lieux et les personnes qu'il rencontre. 

L'extrait :
Description de Verrières : ville de Franche-Comté (Verrières est une ville imaginaire, qui pourrait s'apparenter à la ville de Dole).
Portrait de Mr de Rênal (personnage représentatif : le maire)
Point de vue d'un voyageur fictif qui découvrirait la ville pour la première fois.

Le romancier réaliste est un illusionniste : il crée l'illusion du vrai\réel.  Ici, il s'agit de présenter pour la première fois un personnage secondaire, Mr de Rênal.
Le roman est comparable à un miroir qui se promène sur une grande route, le portrait de Mr de Rênal va être indissociable du portrait de la ville de Verrières.

Projet de lecture : En quoi la progression et le lieu des points de vue permettent-ils de proposer un portrait ambivalent de Mr de Rênal ?

Stendhal
Stendhal




Texte étudié


    Si, en entrant à Verrières, le voyageur demande à qui appartient cette belle fabrique de clous qui assourdit les gens qui montent la grande rue, on lui répond avec un accent traînard : Eh ! elle est à M. le maire.

    Pour peu que le voyageur s'arrête quelques instants dans cette grande rue de Verrières, qui va en montant depuis la rive du Doubs jusque vers le sommet de la colline, il y a cent à parier contre un qu'il verra paraître un grand homme à l'air affairé et important.

    À son aspect tous les chapeaux se lèvent rapidement. Ses cheveux sont grisonnants, et il est vêtu de gris. Il est chevalier de plusieurs ordres, il a un grand front, un nez aquilin, et au total sa figure ne manque pas d'une certaine régularité : on trouve même, au premier aspect, qu'elle réunit à la dignité du maire de village cette sorte d'agrément qui peut encore se rencontrer avec quarante-huit ou cinquante ans. Mais bientôt le voyageur parisien est choqué d'un certain air de contentement de soi et de suffisance mêlé à je ne sais quoi de borné et de peu inventif. On sent enfin que le talent de cet homme-là se borne à se faire payer bien exactement ce qu'on lui doit, et à payer lui-même le plus tard possible quand il doit.

    Tel est le maire de Verrières, M. de Rênal. Après avoir traversé la rue d'un pas grave, il entre à la mairie et disparaît aux yeux du voyageur. Mais, cent pas plus haut, si celui-ci continue sa promenade, il aperçoit une maison d'assez belle apparence, et, à travers une grille de fer attenante à la maison, des jardins magnifiques. Au-delà c'est une ligne d'horizon formée par les collines de la Bourgogne, et qui semble faite à souhait pour le plaisir des yeux. Cette vue fait oublier au voyageur l'atmosphère empestée des petits intérêts d'argent dont il commence à être asphyxié.

    On lui apprend que cette maison appartient à M. de Rênal. C'est aux bénéfices qu'il a faits sur sa grande fabrique de clous, que le maire de Verrières doit cette belle habitation en pierres de taille qu'il achève en ce moment. Sa famille, dit-on, est espagnole, antique, et, à ce qu'on prétend, établie dans le pays bien avant la conquête de Louis XIV.

    Depuis 1815 il rougit d'être industriel : 1815 l'a fait maire de Verrières. Les murs en terrasse qui soutiennent les diverses parties de ce magnifique jardin, qui, d'étage en étage, descend jusqu'au Doubs, sont aussi la récompense de la science de M. de Rênal dans le commerce du fer.

Extrait du chapitre 1 - Le Rouge et le noir - Stendhal




Annonce des axes

I. Une présentation progressive annonciatrice du réalisme
1. Un portrait indissociable de la ville de Verrières
2. Le point de vue d'un voyageur fictif découvrant la ville et ses habitants pour la première fois
3. Un type social : une figure de l'autorité politique et financière

II. La satire du riche provincial
1. Le voyageur parisien, un double narrateur au service de la critique
2. Un personnage vaniteux, cupide et mesquin
3. Un paysage borné pour une réussite limitée à la Bourgogne



Commentaire littéraire

I. Une présentation progressive annonciatrice du réalisme

1. Un portrait indissociable de la ville de Verrières

* Construction progressive du portrait de Mr de Rênal à travers la description de la ville de Verrières :
- Premier paragraphe : Description de « cette belle fabrique de clous », à l'entrée de la fameuse manufacture de Mr le maire.
- Second paragraphe : Focalisation sur la « grand rue » de Verrières associée à l'évocation d'un « grand homme ».
- Troisième paragraphe : Pause narrative, portrait de Mr le maire.
- Quatrième paragraphe : Description de la maison de « Mr de Rênal » + première évocation du nom de famille.
- Cinquième et sixième paragraphes : Informations complémentaires sur Mr de Rênal.

* Le portrait de Mr de Rênal  tient une place relative en comparaison de la description de la ville. Rappel de la technique des Balzaciens, la théorie des milieux : le personnage est indissociable du lieu.


2. Le point de vue d'un voyageur fictif découvrant la ville et ses habitants pour la première fois

* Réalisme subjectif : personnage encré dans son milieu.
* Vision d'ensemble, reflétée par un miroir promené sur « le long de la grand rue de Verrières ».
* Portrait progressif fait d'un voyageur fictif qui découvre la ville en même temps que le lecteur.
* Focalisation interne :
- Eléments visuels : « belle fabrique de clous », « cette grand roue qui va en montant », « Un grand homme à l'air... »…
- Portrait physique : « cheveux grisonnants », « vêtu de gris », « grand front », « nez aquilin » (signe de distinction aristocratique).
- Modalisateurs (marque de subjectivité) + Champ lexical de la vue :
« au premier aspect », « un certain air de contentement de soi et de suffisance », « je ne sais quoi »…

* Passage de l'induction (démarche d'observation de la physionomie pour délivrer un portrait moral) du narrateur au « on » désignant tout voyageur = Point de vue subjectif qui ambitionne de dire le réel à valeur universelle.
* Discours rapportés : participation au réalisme (accent typique de la Bourgogne) + hiérarchisation faits certains\ rumeurs.
Informations sûres délivrées par des habitants : « on lui apprend que… »
Rumeur, racontars distinguables par des « dit-on », « à ce qu'on prétend »
* Le personnage a une psychologie indissociable de son apparence physique.


3. Un type social : une figure de l'autorité politique et financière

* Mr de Rênal = riche bourgeois.
* Mise en évidence de certaines lois de ce type social, son rôle dans la société (comédie humaine : cherche à dénombrer les « espèces humaines » pour dégager les lois du système social).
* Autorité politique :
- On ne prononce pas son nom, il est appelé « Mr le Maire »
- Dignité du maire de village, noblesse aux yeux des habitants de la ville.
- Autorité sociale, supériorité hiérarchique.

* Autorité financière : richesse et ambition.
- Nombreuses possessions, donc réussite économique : « fabrique de clous »
- Maison de maitre : « sa maison d'assez belle apparence », « grille de fer », « jardins magnifiques », (fonction ornementative), « vue sur ligne d'horizon » (espace + vue, emplacement privilégié).

* Autres personnages :
- Anonymat : « On »
- Groupe désigné par le biais des vêtements « tous les chapeaux » => Synecdoque (procédé consistant à désigner le tout par une de ses parties).

* Mr de Rênal :
- seul à avoir une personnalité évoquée,
- seul qui possède un nom (qui contient même une particule de noblesse).



II. La satire du riche provincial

L'ensemble de l'extrait mentionne la ville de Verrières et effectue sa description, en même temps que celle du personnage qui occupe la position sociale la plus important de la ville : Mr de Rênal.
C'est l'occasion pour le narrateur de faire la satire du riche provincial, type social représentatif de la société française de son époque (donc réalisme).


1. Le voyageur parisien, un double narrateur au service de la critique

* Satire de Mr de Rênal.
* Le « Voyageur » est «Parisien » : mise en évidence de la distance qui le sépare des provinciaux rencontrés.
* Tout surprend le voyageur : « accent trainard » des habitants. Accent parisien = accent de référence, donc supériorité.
* Dans le temps : Parisiens supérieurs aux Provinciaux.
* Autorité politique et sociale de Mr de Rênal se limitant uniquement à la ville de Verrières.
* Série de jugement évoluant au cours de l'extrait : « un grand homme », « borné ».
* Souvent dans les romans réalistes, on voit des provinciaux qui vont à Paris pour devenir riche : opposition Paris\ Province.
* Paris = lieu de tous les possibles.


2. Un personnage vaniteux, cupide et mesquin

* Mr de Rênal présenté comme un personnage important :
Content de régner sur ses concitoyens comme un petit roi local
« Au premier aspect » (Jugement du narrateur). Sa physionomie « réunit à la dignité du maire de village cette sorte d'agrément qui peut encore se rencontrer avec quarante-huit ou cinquante ans. »
* Personnage vaniteux, autosatisfaction :
« Mais » apporte une restriction : juxtaposition de quatre défauts
« contentement de soi », « suffisance » (sentiment de supériorité), « borné » (entêté, peu ouvert\ adaptable) , « peu inventif » = personnage très conservateur surement peu capable de s'adapter : ce n'est pas un entrepreneur né.
* Impressions négatives sur la ville :
« atmosphère empestée des petits intérêts d'argent dont il commence à être asphyxié ».
 « asphyxié », « empestée » et « petits intérêts d'argent » renvoient à la mesquinerie des habitants de Verrières.
* Cupidité et mesquinerie de Mr de Rênal. Puissance financière soulignée à travers l'emploi de « payer » (X2) : « se payer », « payer lui-même ». Met le voyageur mal à l'aise.
* Les modalisateurs (« dit-on », « à ce qu'on prétend ») suggèrent que Mr de Rênal pour se donner plus de respectabilité a changé son nom (ajout de la marque de noblesse « de »).
Mr de Rênal = bourgeois industriel, frustré de ne pas être noble et d'avoir fait sa richesse dans l'industrie.
* Critique classique des artistes du XIXème siècle pensant que la bourgeoisie est utilitariste car elle ne recherche que le profit personnel, quel qu'en  soit les moyens.
C'est une dénonciation : le bourgeois n'existe pas par ce qu'il est mais par ce qu'il possède.


3. Un paysage borné pour une réussite limitée à la Bourgogne

* L'univers représenté semble étriqué, borné, tout comme l'est Mr de Rênal (malgré ses possessions et son autorité). « Borne », « Borné».
* Le paysage parait étroit : après la description de Verrières « jusque vers le sommet de la colline », description de la maison de Mr de Rênal : Jardins avec vue limitée « par des collines de la Bourgogne » + Descente jusqu'au Doubs (rivière): « ce magnifique jardin  qui, d'étage en étage, descend jusqu'au Doubs. »
* Le riche provincial est parvenu au faite de sa réussite qui se limite à la Bourgogne. Ses possessions se limitent à la Bourgogne de même, le seul endroit où il est un personnage important demeure la ville de Verrières.


Conclusion








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Merci à celui ou celle qui m'a envoyé cette analyse sur le chapitre 1 de Le Rouge et le Noir de Stendhal