Plan de la fiche sur le chapitre 6 de
Le Rouge et le Noir de Stendhal :
Introduction
- Nature du texte : extrait du roman
Le Rouge et le Noir de
Stendhal => récit => scène de la première rencontre
- Tonalité donnée par le titre du chapitre : L’Ennui
- Signe de l’affectivité (romantisme)
-> Julien : tristesse, contrariété
-> Mme de Rênal : seule, naturelle, puis angoissée
- quiproquo et malentendu
Problématique : le jeu des points de vue.
Nous verrons comment la focalisation permet de présenter les personnages
puis de les faire vivre de l’intérieur pour que l’auteur disparaisse au profit des deux héros.
Stendhal
Texte étudié
Avec la vivacité et la grâce qui lui étaient naturelles
quand elle était loin des regards des hommes, Mme de Rênal sortait
par la porte-fenêtre du salon qui donnait sur le jardin, quand elle aperçut
près de la porte d'entrée la figure d'un jeune paysan presque
encore enfant, extrêmement pâle et qui venait de pleurer. Il était
en chemise bien blanche, et avait sous le bras une veste fort propre de ratine
violette.
Le teint de ce petit paysan était si blanc, ses yeux si doux, que l'esprit
un peu romanesque de Mme de Rênal eut d'abord l'idée que ce pouvait être
une jeune fille deguisée, qui venait demander quelque grâce à M.
le maire. Elle eut pitié de cette pauvre créature, arrêtée à la
porte d'entrée, et qui évidemment n'osait pas lever la main jusqu'à la
sonnette. Mme de Rênal s'approcha, distraite un instant de l'amer chagrin
que lui donnait l'arrivée du précepteur. Julien tourné vers
la porte, ne la voyait pas s'avancer. Il tressaillit quand une voix douce
lui dit tout près de l'oreille : – Que voulez-vous ici, mon
enfant ?
Julien se tourna vivement, et frappé du regard si rempli de grâce
de Mme de Rênal, il oublia une partie de sa timidité. Bientôt, étonné de
sa beauté, il oublia tout, même ce qu'il venait faire. Mme de Rénal
avait répété sa question.
– Je viens pour être précepteur, madame, lui dit-il enfin, tout honteux
de ses larmes qu'il essuyait de son mieux.
Mme de Rênal resta interdite; ils étaient fort près l'un
de l'autre à se regarder. Julien n'avait jamais vu un être aussi
bien vêtu et surtout une femme avec un teint si éblouissant, lui
parler d'un air doux. Mme de Rênal regardait les grosses larmes, qui s'étaient
arrêtées sur les joues si pâles d'abord et maintenant si
roses de ce jeune paysan. Bientôt elle se mit à rire, avec toute
la gaieté folle d'une jeune fille ; elle se moquait d'elle-même
et ne pouvait se figurer tout son bonheur. Quoi, c'était là ce
précepteur qu'elle s'était figuré comme un prêtre
sale et mal vêtu, qui viendrait gronder et fouetter ses enfants !
– Quoi, monsieur, lui dit-elle enfin, vous savez le latin ?
Début du chapitre 6 - Le Rouge et le noir - Stendhal
Annonce des axes
I. Le jeu des points de vue
1. Portrait de Julien par Mme de Rênal
2. Portrait de Julien par Mme de Rênal
3. Parallélisme de la focalisation interne
II. Un exercice d'écriture
1. Le jeu des temps verbaux
2. Le jeu de l’écriture
Commentaire littéraire
I. Le jeu des points de vue
Première phrase :
focalisation zéro => le narrateur est omniscient.
1. Portrait de Julien par Mme de Rênal
- Focalisation.
- Indétermination de Julien « une jeune fille déguisée ».
- Julien asexué (« cette pauvre créature ») => l’adjectif
pauvre a une double valeur hypocoristique (= qui exprime l’affection) : physique et morale.
- « l’esprit romanesque » => sentimentale => l’affectivité l’emporte
sur l’affection.
- Subjectivité de Mme de Rênal :
-> intensif « si »
-> adverbe « évidemment » => jugement
-> vocabulaire à dominante féminine « teint… yeux… chemise
propre… jeune fille déguisée »
- Méprise :
Personnage imagé, préjugé du précepteur |
Julien |
Précepteur sale |
bien propre |
Mal vêtu |
Chemise bien blanche |
Méchant |
Yeux doux, vient de pleurer |
Vieux |
Jeune |
Tombée des préjugés => surprise => quiproquos
=> discours => fin de la focalisation interne.
2. Portrait de Julien par Mme de Rênal
- Progression dans détermination de Mme de Rênal :
-> d’abord une voix (« voix douce »)
-> un regard (« frappé… étonné »)
donc progression : la voix devient une femme.
- Double image de la femme :
-> féminité éblouissante
-> mère (sublimation de l’image de la mère)
- « grâce »
=> perfection physique et morale
=> sens religieux (religiosité romantique)
Conclusion : effets de la focalisation interne :
- économie du récit (peu de discours),
- récit des aventures intérieures.
3. Parallélisme de la focalisation interne
Le texte unit déjà les deux personnages => correspondances
affectives.
Julien / Mme de Rênal
Pleure / Amer chagrin
Joie / Soulagement
Joues roses / Gaieté folle d’une jeune fille
Jeune fille déguisée / Rire
Métamorphose commune : chagrin qui devient joie.
II. Un exercice d'écriture
1. Le jeu des temps verbaux
- Passé simple : prise de conscience
-> les personnages
prennent conscience l’un de l’autre (« elle
se mit a rire », « il oublia tout »)
-> verbes => expression du choc, libération
- Imparfait : temps de la durée
-> Description (« elle sortait » : arrêt sur image)
-> Habitude
But : créer illusion romanesque => le personnage existe en dehors
du texte => donner de l’épaisseur, de la vie
- Alternance
-> surprise, rupture avec le quotidien
-> « elle
resta… ils étaient »
(réaction) (durée : fascination)
- Plus-que-parfait :
-> référence au passé du personnage
-> effet de réel
2. Le jeu de l’écriture
Syntaxe : construction des phrases
- Première phrase :
=> style impressionniste : on donne d’abord les impressions => l’émotion
ou sensation avant l’identification (deux indications : « vivacité », « grâce » => crée
un horizon d’attente)
- Hyperbole => subjectivité du personnage
- Subordonnées (qui… que…) => amplification du nom
=> complète les éléments du portrait
- Effet d’harmonie initiative : Mme de Rênal se débarrasse du poids du préjugé.
Syntaxe => émotion => les événements intérieurs préparent la relation amoureuse.
Conclusion
Stendhal présente ses personnages selon la technique du réalisme
subjectif. Il crée un horizon d’attente et un pacte de lecture (auteur => lecteur).