Plan de la fiche sur un extrait de
Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir :
Introduction
Philosophe et romancière, compagne de
Jean-Paul Sartre,
Simone de Beauvoir (1908 - 1986) a beaucoup contribué à la lutte pour la reconnaissance des femmes.
Le deuxième sexe est un essai dans lequel elle analyse toutes les formes d’assujettissement dont les femmes ont été et sont encore l’objet à son époque. Elle répond dans ce passage à ceux qui s’étonnent du petit nombre de génies artistes féminins, en définissant les données d’un problème sociologique.
Texte étudié
Comment les femmes auraient-elles jamais eu du génie alors que toute possibilité d’accomplir une œuvre géniale – ou même une œuvre tout court – leur était refusée ? La vieille Europe a naguère accablé de son mépris les Américains barbares qui ne possédaient ni artistes ni écrivains : « Laissez-nous exister avant de nous demander de justifier notre existence », répondit en substance Jefferson. Les Noirs font les mêmes réponses aux racistes qui leur reprochent de n’avoir produit ni un Whitman ni un Melville. Le prolétariat français ne peut non plus opposer aucun nom à ceux de Racine ou de Mallarmé. La femme libre est seulement en train de naître ; quand elle se sera conquise, peut-être justifiera-t-elle la prophétie de Rimbaud : « Les poètes seront ! Quand sera brisé l’infini servage de la femme, quand elle vivra pour elle et par elle, l’homme – jusqu’ici abominable – lui ayant donné son renvoi, elle sera poète elle aussi ! La femme trouvera l’inconnu ! Ses mondes d’idées différeront-ils des nôtres ? Elle trouvera des choses étranges, insondables, repoussantes, délicieuses, nous les prendrons, nous les comprendrons ». Il n’’est pas sûr que ces « mondes d’idées » soient différents de ceux des hommes puisque c’est en s’assimilant à eux qu’elle s’affranchira ; pour savoir dans quelle mesure elle demeurera singulière, dans quelle mesure ces singularités garderont de l’importance, il faudrait se hasarder à des anticipations bien hardies. Ce qui est certain, c’est que jusqu’ici les possibilités de la femme ont été étouffées et perdues pour l’humanité et qu’il est grand temps dans son intérêt et dans celui de tous qu’on lui laisse enfin courir toutes ses chances.
Simone de Beauvoir - Le Deuxième Sexe - 1949 - extrait
Annonce des axes
L’étude suivra le mouvement du texte.
I. La femme assujettie (dominée)
1. La demande argumentative
2. Les conditions de la création
II. L’avenir de la femme
1. La prophétie de Rimbaud
2. Attitude de Simone de Beauvoir face à cette déclaration
Commentaire littéraire
I. La femme assujettie (dominée)
1. La demande argumentative
Simone de Beauvoir a un constat : peu de femmes sont des génies artistiques et elle propose une explication : c’est parce qu’elles sont dominées.
Pour soutenir (étayer) sa thèse elle utilise trois exemples :
- Les Américains colonisés par les Anglais (18ème siècle)
- Les noirs esclaves des Etats-Unis
- Le prolétariat
Ces groupes n’ont pas été en mesure de créer parce qu’ils étaient assujettis.
Elle énonce une loi générale à partir d’exemples.
2. Les conditions de la création
Elle répète cette idée à plusieurs reprises, l’
idée de libération : « la femme libre est seulement en train de naître », « Laissez-nous exister ».
Tout cela demandera du temps.
II. L’avenir de la femme
1. La prophétie de Rimbaud
Simone de Beauvoir annonce la fin de « l’infini servage de la femme » dans un futur non précisé, son avenir de poète, et affirme que la femme « trouvera l’inconnu », idée soulignée par le la série d’adjectifs (« étranges, insondables, repoussantes, délicieuses »). Les points d'exclamation montrent la détermination de l'auteur. La forme de la question rhétorique (« Ses mondes d’idées différeront-ils des nôtres ? ») semble attendre une réponse affirmative.
2. Attitude de Simone de Beauvoir face à cette déclaration
Elle est ambiguë : elle choisit cette déclaration de
Rimbaud car elle va dans son sens et parce que Rimbaud est un poète reconnu et incontesté,
c’est une sorte d’argument d’autorité. Mais en même temps
elle exprime des réticences et ne reprend pas complètement la citation à son compte. Elle se montre réservée sur l’idée que les mondes d’idée féminins différeront de
ceux des hommes : modalisateur « il n’est pas sûr que », la nuance « dans quelle mesure », l’expression « des anticipations biens tandis ».
Ces trois derniers montrent qu’elle n’adhère pas complètement à la thèse de Rimbaud sans toutefois la rejeter.
En revanche, Simone de Beauvoir termine en réaffirmant que la libération
de la femme est nécessaire pour elle mais aussi pour tout le monde.
Conclusion
Si Simone de Beauvoir est sûre que parmi les femmes libérées naîtront des artistes, comme chez les hommes, elle reste plus réservée sur les formes de leur production. Le texte a été écrit en 1949, on peut maintenant se demander si le demi-siècle qui s’est écoulé depuis lui a donné raison.