Plan de la fiche sur
Voyage autour du monde de Bougainville :
Introduction
Au 18
ème siècle il y a de grands progrès techniques au niveau des communications : voyages, découvertes.
Idée de voyage :
Lettres persanes de Montesquieu (fausses lettres), mais ici c'est vrai : ce voyage a permis une réflexion.
Le récit du voyage de Bougainville aura beaucoup de succès.
Diderot va écrire une réponse : "le supplément au voyage de Bougainville".
Bougainville verra Tahiti comme le paradis sur terre; il déborde d'enthousiasme : endroit magnifique; gens hospitaliers : nouvelle définition du bonheur.
Etonnement par rapport à ce qu'il connaît, par rapport au monde occidental dans lequel il vit.
Le thème du voyage est un thème littéraire très en vogue au 18
ème siècle ; il fait ressortir les critiques du monde du 18
ème siècle et ses imperfections (pays d'origine).
Les voyages se développent (ils sont quelques exceptions à pouvoir faire ces expéditions, mais ils font des récits); ils sont techniquement possibles.
Faire ressortir une réflexion sur les imperfections du pays d'origine (livre
Voyage autour du monde qui va enthousiasmer les Parisiens qui se passionnent pour la découverte de Tahiti.
Cela illustre l'enthousiasme et la surprise de Bougainville en découvrant cette île.
Ce texte met l'accent sur l'heureuse surprise des Européens qui débarquent sur cette terre ; il fait naître le mythe du paradis exotique qui remet en cause le monde occidental.
Texte étudié
Chapitre IX
Lorsque nous fûmes amarrés, je descendis à terre avec plusieurs officiers, afin de reconnaître un lieu propre à faire de l’eau. Nous fûmes reçus par une foule d’hommes et de femmes qui ne se lassaient point de nous considérer ; les plus hardis venaient nous toucher, ils écartaient même nos vêtements, comme pour vérifier si nous étions absolument faits comme eux : aucun ne portait d’armes, pas même de bâtons. Ils ne savaient comment exprimer leur joie de nous recevoir. Le chef de ce canton nous conduisit dans sa maison et nous y introduisit. Il y avait dedans cinq ou six femmes et un vieillard vénérable. Les femmes nous saluèrent en portant la main sur la poitrine, et criant plusieurs fois tayo.
Le vieillard était père de notre hôte. Il n’avait du grand âge que ce caractère respectable qu’impriment les ans sur une belle figure : sa tête ornée de cheveux blancs et d’une longue barbe, tout son corps nerveux et rempli, ne montraient aucune ride, aucun signe de décrépitude. Cet homme vénérable parut s’apercevoir à peine de notre arrivée ; il se retira même sans répondre à nos caresses, sans témoigner ni frayeur, ni étonnement, ni curiosité : fort éloigné de prendre part à l’espèce d’extase que notre vue causait à tout ce peuple, son air rêveur et soucieux semblait annoncer qu’il craignait que ces jours heureux, écoulés pour lui dans le sein du repos, ne fussent troublés par l’arrivée d’une nouvelle race.
[...]
Au vol près, tout se passait de la manière la plus aimable. Chaque jour nos gens se promenaient dans le pays sans armes, seuls ou par petites bandes. On les invitait à entrer dans les maisons, on leur y donnait à manger ; mais ce n’est pas à une collation légère que se borne ici la civilité des maîtres de maisons ; ils leur offraient des jeunes filles ; la case se remplissait à l’instant d’une foule curieuse d’hommes et de femmes qui faisaient un cercle autour de l’hôte et de la jeune victime du devoir hospitalier ; la terre se jonchait de feuillage et de fleurs, et des musiciens chantaient aux accords de la flûte un hymne de jouissance. Vénus est ici la déesse de l’hospitalité, son culte n’y admet point de mystères, et chaque jouissance est une fête pour la nation. Ils étaient surpris de l’embarras qu’on témoignait ; nos mœurs ont proscrit cette publicité. Toutefois je ne garantirais pas qu’aucun n’ait vaincu sa répugnance et ne se soit conformé aux usages du pays.
J’ai plusieurs fois été, moi second ou troisième, me promener dans l’intérieur. Je me croyais transporté dans le jardin d’Eden : nous parcourions une plaine de gazon, couverte de beaux arbres fruitiers et coupée de petites rivières qui entretiennent une fraîcheur délicieuse, sans aucun des inconvénients qu’entraîne l’humidité. Un peuple nombreux y jouit des trésors que la nature verse à pleines mains sur lui. Nous trouvions des troupes d’hommes et de femmes assises à l’ombre des vergers ; tous nous saluaient avec amitié ; ceux que nous rencontrions dans les chemins se rangeaient à côté pour nous laisser passer ; partout nous voyions régner l’hospitalité, le repos, une joie douce et toutes les apparences du bonheur.
[...]
Bougainville - Voyage autour du monde - Extrait du chapitre IX
Carte du voyage autour du monde de Bougainville
Annonce des axes
I. L'heureuse surprise des Européens/ leur étonnement
1. Un accueil animé et répété
2. Le naturel des habitants
II. Le jardin d'Eden
1. Absence de méfiance / haine
2. La nature nourricière
3. Un lieu sain
4. Le contentement des sens
III. Le mythe du paradis exotique
1. Le parti pris
2. La comparaison implicite
3. Les références explicites (à l'Europe)
4. Le mythe du bon sauvage
Commentaire littéraire
I. L'heureuse surprise des Européens/ leur étonnement
Ils sont surpris de l'accueil chaleureux fait par les Tahitiens.
1. Un accueil animé et répété
- Le texte insiste sur la gentillesse des habitants de l'île :
redondance : reçus par "une foule d'hommes et de femmes", "Le chef de ce canton", "les femmes
nous saluèrent" : utilisation du passé simple (répétition, qui dure).
- Quantité de personnes énumérée favorables à leur arrivée ; gentillesse générale.
- Gentillesse et beaucoup d'hospitalité : on leur donne à manger et
même des femmes !
- Thèmes qui généralisent ("une foule d'hommes et de femmes").
- Ils sont frappés par les règles de l'hospitalité : rîtes observés "tayo" (cris).
- Joie de recevoir (accueil franc, "Ils ne savaient comment exprimer leur joie de nous recevoir"), hospitalité totale/absolue : on les
introduit dans les maisons, on leur donne à manger et ils leurs offrent des
jeunes filles : fête de tous les sens (musique, chants...) : rîtes
- L'hospitalité a l'air d'être le maître mot (partout on voyait régner l'hospitalité, le repos…)
- Thème de l'hospitalité utilisé en premier : étonnement : ils sont
étonnés (les Européens) par la nature (beauté) et la simplicité des
habitants.
2. Le naturel des habitants
- La curiosité : ils sont très naturels : curiosité naïve : ne se lassaient
pas de nous considérer, écarter leurs vêtements, les hardis qui viennent
les toucher (au début) ; ils ne savent pas comment exprimer leur joie de les
recevoir : ils ne cachent rien.
- Un peuple qui n'a pas de manières, qui est curieux et qui le montre
- Simplicité des mœurs : Ils ne s'embarrassent pas, montrent
ouvertement leurs sentiments (démonstration très forte : femmes qui crient
"tayo") ; offrande des jeunes filles (plaisir des hommes) ; simplicité
du décor (la fête, la terre, feuillage et fleurs) : simplicité, ils
sont frappés par l'absence de méfiance (pas de port d'armes), ils
vivent en paix (pacifistes) "aucun ne portait d’armes, pas même de bâtons". Ils se promènent seuls et par petites bandes et sans armes. Ils vivent
dans la nature ; toute la journée ils jouissent des trésors de la nature.
- Il n'y a pas de place pour le travail (nourriture, eau...), tout
est à portée de main => idée du paradis.
II. Le jardin d'Eden
Image du jardin d'Eden.
1. Absence de méfiance / haine
- Une vie en groupe ; Tahiti au quotidien
- Union, partage, pas de jalousie, hommes et femmes égaux (sauf image du
vieillard), vie en harmonie.
- On voit sous la vision de Bougainville (selon sa construction
d'esprit) : il décrit une réalité en l'embellissant.
2. La nature nourricière
- Abondance "la terre se jonchait de feuillage et de fleurs", "des trésors que la nature verse à pleines mains sur lui" : les Tahitiens jouissent de ce que la nature leur donne.
- Tout est au pluriel.
- Perfection absolue (tout est mélioratif) : "une fraîcheur délicieuse, sans aucun des inconvénients qu’entraîne l’humidité".
- A la fois de la chaleur, mais pas de sécheresse.
- Age d'or : la nature procure tout, l'homme n'a plus rien à faire.
3. Un lieu sain
- On vit longtemps, on ne travaille pas trop, on a tout ce qu'on veut.
- Exemple du vieillard qui n'a de la vieillesse que sa couleur de
cheveux et pas d'autres trait de son caractère, respectable ; aucun
signe de décrépitude : dans ce climat heureux, la vieillesse ne laisse pas
de traces, différent de l'Europe ; cheveux blancs
qui ornent ("a tête ornée de cheveux blancs et d’une longue barbe")...
- Idée peu religieuse du jardin d'éden.
4. Le contentement des sens
- Paradis = beauté, musique, chant, beauté du paysage, Vénus déesse de l'hospitalité.
- Tous les composants du jardin d'éden (toutes les apparences du
bonheur), trop beau pour être vrai, trop extraordinaire pour l'homme.
- Mythe du paradis exotique.
- Il prend le parti de tout ce qu'il y a de beau.
III. Le mythe du paradis exotique
1. Le parti pris
- Il y a un parti pris : devoir hospitalier, offrande des jeunes filles…
- Vocabulaire mélioratif : tout est merveilleux, parfait, délicieux...
- Vieillard vénérable.
- Hymne de jouissances.
- Bougainville compare implicitement à l'Europe.
2. La comparaison implicite
- Toute cette description est en défaveur de l'Europe ; série de
négations (par oppositions aux Européens) : comparaison implicite ("ni
frayeur, ni étonnement", différence : les Européens sont heureux de cet
accueil).
- Pour le vieillard, une différence avec l'Europe : une homme de son
âge paraîtrait très âgé.
- Vision de l'Europe où il y a beaucoup de méfiance, mauvaise hospitalité.
- Climat différent.
3. Les références explicites (à l'Europe)
- "nos mœurs..." : constatation, personne n'a vaincu sa répugnance.
- Vieillard : "arrivée d'une nouvelle race" : il soulève le poids de l'arrivé des Européens, qui auront une attitude négative sur les habitants.
4. Le mythe du bon sauvage
- Mythe quoi va être développé au 18ème siècle.
- Les Tahitiens et le vieillard vivent dans un bonheur naturel (dans la nature).
- Le vieillard est présenté comme sage (la vieillesse = signe de la sagesse), mais aucun signe de décrépitude, il se distingue des autres par son calme, avec
un certain détachement (série de négations), il est au dessus de tout : air rêveur et soucieux (focalisation sur ce personnage).
Conclusion
Ce texte est intéressant par l'enthousiasme de l'ouverture sur le monde.
L'intérêt pour d'autres civilisations permet l'amorce de réflexion sur leur propre civilisation (occidentale).
Cf.
Supplément au voyage de Bougainville de
Diderot.
Cf. le mythe du bon sauvage.