Plan de la fiche sur
le chapitre 4 de la première partie de Germinal de Zola :
Introduction
Le texte que nous allons étudier se trouve au début du chapitre 4 de la 1ère partie de
Germinal, de
Zola, consacrée à l'exposition des personnages et de leur situation. Etienne Lantier est engagé à la mine et y remplace Fleurance, ancienne hercheuse. Il y fait donc un travail de femme.
Le texte décrit les conditions de travail des mineurs. Le lieu est vécu comme un monde infernal à cause de la chaleur et de l'obscurité. Le texte, également, montre le "supplice" du mineur dominé par les éléments. La structure du texte en deux paragraphes évoque, premièrement, la souffrance de Maheu et, deuxièmement, une terrible description des lieux.
Nous ferons une
étude linéaire de ce texte.
Lecture du texte
Télécharger l'extrait étudié du chapitre 4 de la première partie de Germinal de Zola en version audio (clic droit - "enregistrer sous...")
Lu par Pomme - source : litteratureaudio.com
C'était Maheu qui souffrait le plus. En haut, la température montait jusqu'à trente-cinq degrés, l'air ne circulait pas, l'étouffement à la longue devenait mortel. Il avait dû, pour voir clair, fixer sa lampe à un clou, près de sa tête ; et cette lampe, qui chauffait son crâne, achevait de lui brûler le sang. Mais son supplice s'aggravait surtout de l'humidité. La roche, au-dessus de lui, à quelques centimètres de son visage, ruisselait d'eau, de grosses gouttes continues et rapides, tombant sur une sorte de rythme entêté, toujours à la même place.
Il avait beau tordre le cou, renverser la nuque : elles battaient sa face, s'écrasaient, claquaient sans relâche. Au bout d'un quart d'heure, il était trempé, couvert de sueur lui-même, fumant d'une chaude buée de lessive. Ce matin-là, une goutte, s'acharnant dans son oeil, le faisait jurer. Il ne voulait pas lâcher son havage, il donnait de grands coups, qui le secouaient violemment entre les deux roches, ainsi qu'un puceron pris entre deux feuillets d'un livre, sous la menace d'un aplatissement complet.
Pas une parole n'était échangée. Ils tapaient tous, on n'entendait que ces coups irréguliers, voilés et comme lointains. Les bruits prenaient une sonorité rauque, sans un écho dans l'air mort. Et il semblait que les ténèbres fussent d'un noir inconnu, épaissi par les poussières volantes du charbon, alourdi par des gaz qui pesaient sur les yeux. Les mèches des lampes, sous leurs chapeaux de toile métallique, n'y mettaient que des points rougeâtres. On ne distinguait rien, la taille s'ouvrait, montait ainsi qu'une large cheminée, plate et oblique, où la suie de dix hivers aurait amassé une nuit profonde. Des formes spectrales s'y agitaient, les lueurs perdues laissaient entrevoir une rondeur de hanche, un bras noueux, une tête violente, barbouillée comme pour un crime. Parfois, en se détachant, luisaient des blocs de houille, des pans et des arêtes, brusquement allumés d'un reflet de cristal. Puis, tout retombait au noir, les rivelaines tapaient à grands coups sourds, il n'y avait plus que le halètement des poitrines, le grognement de gêne et de fatigue, sous la pesanteur de l'air et la pluie des sources.
Germinal - Zola - Extrait de la première partie chapitre 4
Etude linéaire
I. Un personnage anonyme
- "C'était Maheu qui souffrait le plus" : "C'était… qui" + "le plus" : phrase présentative et superlatif, mise en valeur de la souffrance du personnage.
- "En haut, la température montait jusqu'à trente-cinq degrés, l'air ne circulait pas, l'étouffement à la longue devenait mortel."
- rythme ternaire qui martèle la souffrance du personnage.
- "En haut" : indication réaliste géographique.
- "trente-cinq degrés" : indication réaliste de la chaleur.
- "étouffement" et "mortel" : renforce l'idée de la mort.
- "Il avait dû, pour voir clair, fixer sa lampe à un clou, près de sa tête; et cette lampe, qui chauffait son crâne, achevait de lui brûler le sang."
- Le texte est à l'imparfait ; il évoque les actions des mineurs : "avait dû", "chauffait" et "achevait".
- "brûler le sang" : métaphore qui renforce l'idée de la souffrance.
- "Mais son supplice s'aggravait surtout de l'humidité. La roche, au-dessus de lui, à quelques centimètres de son visage, ruisselait d'eau, de grosses gouttes continues et rapides, tombant sur une sorte de rythme entêté, toujours à la même place."
- "Mais" + "aggravait" : ce mot de liaison et ce verbe traduisent l'exagération et indiquent un nouveau supplice : l'humidité.
- "La roche" : sujet de la phrase. Maheu n'est plus le sujet, il subit l'action.
- Champ lexical de l'eau : "ruisselait d'eau", "gouttes" (2 fois), "trempé", "chaude buée de lessive".
- "grosses gouttes", "continues", "tombant", "rythme entêté", "toujours", "écrasaient", "claquaient" et "relâches" : sons durs (allitérations) en [g], [t], [r] et [k].
- "Il avait beau tordre le cou, renverser la nuque : elles battaient sa face, s'écrasaient, claquaient sans relâche."
- "Il avait beau" => impuissance de Maheu.
- "tordre le coup, renverser la nuque" : situation physique difficile du personnage, position physique très inconfortable.
- "battaient", "s'écrasaient" et "claquaient" : personnification des gouttes, les adversaires de Maheu. Rythme ternaire de la phrase pour renforcer l'action inéluctable des gouttes.
- "Au bout d'un quart d'heure, il était trempé, couvert de sueur lui-même, fumant d'une chaude buée de lessive.
- "un quart d'heure" : la situation des mineurs est terrible dès un quart d'heure de travail.
- "Ce matin-là, une goutte, s'acharnant dans son oeil, le faisait jurer."
"goutte" / " s'acharnant" : opposition entre la faiblesse de la goutte et la dureté du participe. Personnification de la goutte. Tous les éléments ont un effet sur Maheu.
- "Il ne voulait pas lâcher son havage, il donnait de grands coups, qui le secouaient violemment entre les deux roches, ainsi qu'un puceron pris entre deux feuillets d'un livre, sous la menace d'un aplatissement complet."
- "Il ne… havage" + "grands coups" : résistance de l'homme, motivation du travail.
- Comparaison avec un "puceron" : image montrant la fragilité physique d'un homme eface aux dangers de la mine.
Nous avons vu le supplice de Maheu qui est comparé à un "puceron". Il
est relégué au rang d'animal, écrasé (portée symbolique et référence au boisage).
Tout cela est synonyme de la condition des mineurs. Nous allons maintenant observer
le second paragraphe qui s'intéresse davantage à la description des lieux.
II. La description des lieux
- "Pas une parole n'était échangée. Ils tapaient tous, on n'entendait que ces coups irréguliers, voilés et comme lointains. Les bruits prenaient une sonorité rauque, sans un écho dans l'air mort."
- "Pas une parole... que ces coups irréguliers" phrases négatives et restrictives. La parole humaine disparaît.
- "irréguliers", "voilés" et " lointains" : atmosphère sonore étrange où on entend seulement les bruits dus au travail des mineurs. Il n'y a plus d'humanité.
- "air mort" : monde infernal.
- "Et il semblait que les ténèbres fussent d'un noir inconnu, épaissi par les poussières volantes du charbon, alourdi par des gaz qui pesaient sur les yeux."
- "semblait que" et "noir inconnu" : pas de repérage géographique possible.
- "épaissi", "alourdi" et "pesaient" : champ lexical du poids qui traduit les conditions difficiles.
- "Les mèches des lampes, sous leurs chapeaux de toile métallique, n'y mettaient que des points rougeâtres. On ne distinguait rien, la taille s'ouvrait, montait ainsi qu'une large cheminée, plate et oblique, où la suie de dix hivers aurait amassé une nuit profonde."
- "n'y mettait que des points rougeâtres" : construction restrictive. Le suffixe -âtre est péjoratif. Les perceptions visuelles de la mine sont très mauvaises. "on ne distinguait rien" : "on" = pronom indéfini, aucun nom de personnage n'est évoqué.
- "nuit profonde" : comparaison de la mine -> évocation de ce que le public connaît.
- "Des formes spectrales s'y agitaient, les lueurs perdues laissaient entrevoir une rondeur de hanche, un bras noueux, une tête violente, barbouillée comme pour un crime."
- "spectrales" : les hommes apparaissent sous forme de fantômes. Le verbe "s'y agitaient" renforce l'idée de fantôme -> les hommes ne s'agitent pas normalement.
- "lueurs perdues" : absence de vraie lumière dans la mine.
- "une rondeur de hanche, un bras noueux, une tête violente, barbouillée comme pour un crime" : les corps des mineurs sont désarticulés, démantelés. La suie est évoquée par l'adjectif "barbouillée".
- "violente" et "crime" : une certaine forme de violence.
- "Parfois, en se détachant, luisaient des blocs de houille, des pans et des arêtes, brusquement allumés d'un reflet de cristal."
- "luisaient", "allumés" et "reflet de cristal" : la roche devient lumineuse, ce qui met la mine en valeur. On remarque une opposition avec la condition des mineurs.
- La lumière est très éphémère : "Parfois", "brusquement".
- "Puis, tout retombait au noir, les rivelaines tapaient à grands coups sourds, il n'y avait plus que le halètement des poitrines, le grognement de gêne et de fatigue, sous la pesanteur de l'air et la pluie des sources."
- "halètement" et "grognement" : les mineurs sont réduits à deux souffles. On voit aussi une image de l'animal derrière ces deux bruits.
- "tout" : accentue l'anonymat des mineurs. On remarque aussi que les mineurs ne sont quasiment jamais sujet d'énonciation dans cette seconde partie.
- "poitrines", "pesanteur" et "pluie" : labiale sourde -> gêne du mineur.
Conclusion
Dans cet extrait de
Germinal, Zola, après avoir évoqué le supplice d'un homme, Maheu, choisit de décrire l'étrangeté du puits, en l'assimilant à l'enfer. Ce texte, comme souvent dans le roman, même s'il montre la volonté de l'écrivain de décrire une réalité terrible, comporte aussi une portée symbolique. Cette image laisse présager la fin du Voreux aux yeux du lecteur.