L'An 2440, Rêve s'il n'en fût jamais

L.S. Mercier

Chapitre XXII (22) - Extrait

De "Je sortais de cette place..." à"...l'iniquité de la féroce ambition a su détruire."





Plan de la fiche sur L'An 2440, Rêve s'il n'en fût jamais - Chapitre 22 de L.S. Mercier :
Introduction
Texte étudié
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

    Le texte est un extrait de l'œuvre de Louis-Sébastien Mercier (1740 à Paris - 1814 à Paris), un des auteurs les plus prolifiques de son temps, en particulier dans le domaine du drame réaliste. Considéré comme préromantique par certains aspects, Louis-Sébastien Mercier découvre avant Chateaubriand la poésie des ruines et se fait le pittoresque conteur de la vie parisienne des années 1780.

    L'An 2440, Rêve s'il n'en fut jamais, publié en 1770, est le premier roman d'anticipation moderne. À travers cette fiction futuriste, l'auteur développe son rêve philosophique et politique : après 672 ans de sommeil, il se réveille et découvre grâce à son guide un monde de sagesse et de raison.
    Ce roman est aussi une Utopie, l’imagination d’une société parfaite, idéale. Nous sommes aussi dans une uchronie, un même lieu mais une époque différente. Le but de l'Utopie est de dénoncer ce qui ne convient pas dans la société dans laquelle on vit.
    Optimisme de Mercier : Le temps permet au progrès de rendre l’homme meilleur.


Texte étudié

L'An 2440, Rêve s'il n'en fût jamais

Chapitre XXII (extrait)


    Je sortois de cette place, lorsque vers la droite j’aperçus sur un magnifique piédestal un nègre, la tête nue, le bras tendu, l’œil fier, l’attitude noble, imposante. Autour de lui étoient les débris de vingt sceptres à ses pieds on lisoit ces mots : Au vengeur du nouveau monde !
    Je jetai un cri de surprise et de joie. - oui, me répondit-on avec une chaleur égale à mes transports ; la nature a enfin créé cet homme étonnant, cet homme immortel, qui devoit délivrer un monde de la tyrannie la plus atroce, la plus longue, la plus insultante. Son génie, son audace, sa patience, sa fermeté, sa vertueuse vengeance ont été récompensés : il a brisé les fers de ses compatriotes. Tant d’esclaves opprimés sous le plus odieux esclavage, sembloient n’attendre que son signal pour former autant de héros. Le torrent qui brise ses digues, la foudre qui tombe, ont un effet moins prompt, moins violent. Dans le même instant ils ont versé le sang de leurs tyrans. Français, Espagnols, Anglais, Hollandais, portugais, tout a été la proie du fer, du poison et de la flamme. La terre de l’Amérique a bu avec avidité ce sang qu’elle attendoit depuis longtemps, et les ossemens de leurs ancêtres lâchement égorgés ont paru s’élever alors et tressaillir de joie.
    Les naturels ont repris leurs droits imprescriptibles, puisque c’étoient ceux de la nature. Ce héroïque vengeur a rendu libre un monde dont il est le dieu, et l’autre lui a décerné des hommages et des couronnes. Il est venu comme l’orage qui s’étend sur une ville criminelle que ses foudres vont écraser. Il a été l’ange exterminateur à qui le dieu de justice avoit remis son glaive : il a donné l’exemple que tôt ou tard la cruauté sera punie, et que la providence tient en réserve de ces âmes fortes qu’elle déchaîne sur la terre pour rétablir l’équilibre que l’iniquité de la féroce ambition a su détruire.

L.S. Mercier - L'An 2440, Rêve s'il n'en fut jamais



Annonce des axes

I. La violence
II. Le progrès de la société
III. La dimension religieuse



Commentaire littéraire

I. La violence

La violence de l’auteur (colère).
La violence des rapports entre l’esclave et le colon.
En creux : La dénonciation des colons.
Idée de vengeance, d’injustice.
Rapport avec la justice : Ainsi, au chapitre XXII, les malversations et la corruption d’un officier de police brossent un portrait effrayant de la justice française.
Inversion des statuts : « Son génie, son audace, sa patience, sa fermeté, sa vertueuse vengeance ont été récompensés : il a brisé les fers de ses compatriotes »
Registre polémique utilisé, visant à dénoncer l’utilisation de la violence.
Allégorie de la vengeance : personnification de l’Amérique qui boit le sang des tyrans, et la réjouissance des esclaves déjà mort.


II. Le progrès de la société

L’esclave est magnifié, il est représenté par une statue, sur un piédestal, au-dessus de tout ; on lui décerne beaucoup de qualité, telles que : « Son génie, son audace, sa patience, sa fermeté, sa vertueuse vengeance » => l'auteur se prononce donc contre l'esclavage.
L’idée du progrès de l’humanité (statue = étape).


III. La dimension religieuse

Contrat biblique entre David et Goliath.
Gradation, esclave en vengeance dans l’ancien testament.




Conclusion

    Sous couvert d'un monde utopique, Mercier nous livre ici une critique très vive des mœurs du XVIIIème siècle. C'est un discours qui s'inscrit dans la lignée des philosophes de l'époque et tout particulièrement de Rousseau.
    L'utopie est un mode d'expression littéraire original très pratiqué par les philosophes de l'époque (voir ce qu'ont fait Voltaire dans Candide et Marivaux dans L'Ile des Esclaves).

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Merci à Valentin pour cette analyse de L'An 2440, Rêve s'il n'en fût jamais - Chapitre 22 de L.S. Mercier