Mais si faut-il mourir...

Jean de Sponde - 1588







Jean de Sponde (1557 - 1595)

    Né dans le pays basque, d’un père calviniste. Jeune, il traduit Homère en latin, et compose des Amours, sonnets qui ne paraîtront qu’après sa mort.
    Puis il se tourne résolument vers la foi, et compose des Méditations sur les Pseaumes qu’accompagnent un Essay de quelques Poemes Chrestiens, ensemble de stances et de sonnets d’inspiration religieuse, publié en 1588, puis oublié pendant deux siècles et demi (réédité en 1949).


Introduction

    Le poème « Mais si faut-il mourir » est paru en 1588. C’est un sonnet issu du mouvement Baroque, où Sponde développe le thème de la mort. Il s’appuie sur un texte imagé.
    Jean de Sponde traite le thème de l’instabilité de la vie, c'est-à-dire sa fragilité. Il s’y rattache le thème fréquent de la mort avec l’idée que « la vie est un éclair ». Dans ce dernier recueil, il évoque la mort à l'œuvre dans le monde qui entoure l'homme.


Texte du poème Mais si faut-il mourir


Télécharger Mais si faut-il mourir - de Jean de Sponde en version audio (clic droit - "enregistrer sous...")
Lu par Thomas de Châtillon - source : litteratureaudio.com

Mais si faut-il mourir, et la vie orgueilleuse,
Qui brave de la mort, sentira ses fureurs,
Les Soleils hâleront ces journalières fleurs,
Et le temps crèvera cette ampoule venteuse.

Ce beau flambeau qui lance une flamme fumeuse,
Sur le vert de la cire éteindra ses ardeurs,
L’huile de ce Tableau ternira ses couleurs,
Et les flots se rompront à la rive écumeuse.

J’ai vu ces clairs éclairs passer devant mes yeux,
Et le tonnerre encor qui gronde dans les Cieux,
Où d’une ou d’autre part éclatera l’orage,

J’ai vu fondre la neige et ses torrents tarir,
Ces lions rugissants je les ai vu sans rage,
Vivez, hommes, vivez, mais si faut-il mourir.

Jean de Sponde



Annonce des axes

I. Forme particulière du sonnet
II. Une morale tragique liée à l'esthétique baroque
III. Le caractère didactique du poème



Commentaire littéraire

I. Forme particulière du sonnet

- Structure claire, sonnet -> brisé par cette époque, qui montre le désordre.
- On retrouve toujours la même structure : sujet + verbe + complément. C’est régulier, répétitif. « Flambeau » : métaphorique, qui va s’éteindre un jour.
- Du général au particulier, vers 1 à 14 -> processus d’anéantissement
- 1ère hémistiche vers 1 et 2ème hémistiche vers 14 sont identiques : structure circulaire en boucle qui peut symboliser la fatalité de la mort.
- Rimes masculines : syllabes accentués ; rimes embrassées, suivies et croisées (cf. fiche sur les rimes) -> montre le désordre.


II. Une morale tragique liée à l’esthétique baroque

- 3 sens humains : l’ouie, la vue, le goût. Différents temps verbaux: présent, futur, passé composé ; chiasme : opposition mort / vie.
- Opposition (« Mais ») envers la certitude de la mort. Mort présente partout, dans la nature, dans les productions humaines.
- « fureurs » -> (force aveugle) éléments de la fatalité. Enumération ou accumulation d’éléments naturels ou fabriqués qui sont promis à la mort.
- La fleur symbolise le caractère éphémère de la vie et de la beauté. « flambeau » représente le feu, « neige » l’éternel et « flots » l’eau.
- Echo de sons identiques qui donne un effet de miroir : propre au baroque. Présence de Majuscules à certains mots. Thèmes et métaphores -> Art Baroque
- Toutes ces images fonctionnent comme des métaphores allégoriques de la mort. La mort est toujours là, la mort est partout.
- Connotation religieuse, il fait peut-être une allusion à l’apocalypse, personnification de la mort : « ses colères, ses fureurs ».
- « rugissants », « sans rage » -> le lion pourrait représenter les Hommes, symbolisant l’orgueil.
- La condition humaine est tragique. Mort présente dans la nature, productions humaines.
- Registre tragique : champ lexical de la mort : « mourir », « mort ». Intervention des Dieux / force transcendante « Cieux », « fureur », « tonnerre ».
- mort > symbole de l’inconstance : aspect du changement : « haleront » « crèvera », « ternira », « rompront », « éclatera », « fondre », « tarir », « sans rage ».
- Vanité > champ lexical de l’illusoire « journalière », « ardeurs », « venteuse », « beau », « flamme », « sire », « huile », « clairs ».


III. Le caractère didactique du poème

- Les tercets marquent une rupture : changement d’énonciation, Jean de Sponde s’exprime à la 1ère personne. Vers14, justifie, élucide opposition exprimée par « Mais ».
- Assonance en [i], donne rythme, un ton sûr (« Mais si faut il mourir ») > assertion : affirmation, constat. Insistance, mise en relief de la mort (césure v.1-2 « mourir », « la mort »)
- Annonce finale : mots antagonistes : « vivez » et « mourir ». Conscient de la mort inéluctable, le poète s'adresse à ses semblables.
- Texte à la 1ère personne du singulier. Le récit est donc présenté ici comme une expérience vécue. Le poète se pose comme un témoin, il nous fait part de son expérience, la rend plus réelle -> expérience personnelle, insistance et pessimisme
- 3 Majuscules : adjectif démonstratif -> poète montre du doigt, tous les éléments concrets qui nous entourent, qui sont promis à la mort.
- Phrases rhétoriques -> désarroi du personnage. Il rend compte de l’expérience universelle de l'homme et de son défi de vivre.




Conclusion

      Ce poème est très bien structuré. Jean de Sponde traduit la place de la mort de la religion, dans un monde changeant, montrant son angoisse devant l'existence. On trouve dans son œuvre les principaux thèmes de la littérature baroque : la hantise de l'inconstance, les masques, l'apparence et la mort. La mort au sein de la vie exprime l'aspiration vers l'au-delà, et suscite le besoin d'en appeler à Dieu.

Retourner à la page sur l'oral du bac de français 2025 !
Merci à celui ou celle qui m'a envoyé cette analyse de Mais si faut-il mourir de Jean de Sponde