A l’obéissance passive

Victor Hugo

Les Châtiments - Livre deuxième – L'ordre est rétabli - VII





Plan de la fiche sur A l’obéissance passive de Victor Hugo :
Introduction
Texte étudié
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion




Introduction

    Ce poème de Victor Hugo est intitulé A l’obéissance passive car il était destiné à Saint Arnaud qui demandait à l’armée une soumission sans faille à la consigne. Le titre est une citation détournée. Le poème va se trouver être un mot d’ordre à cette citation. Victor Hugo ne peut supporter ce mot d’ordre «  soumission ». Ce poème est une réponse indignée. L’ensemble du poème repose sur une antithèse entre les valeurs de l’armée de la Révolution et l’armée du Coup d’état. Comparaison bâtie entre le passé et le présent, l’héroïsme et l’ignominie. Dans cette partie, Victor Hugo fait un constat sombre de l’abjection de la société française puis prononce un jugement sans appel et enfin il annonce un châtiment qu’il infligera personnellement au tyran.

Victor Hugo
Victor Hugo



Texte étudié

VII - A l’obéissance passive


Ô Dieu, puisque voilà ce qu'a fait cette armée,
Puisque, comme une porte est barrée et fermée,
Elle est sourde à l'honneur,
Puisque tous ces soldats rampent sans espérance,
Et puisque dans le sang ils ont éteint la France,
Votre flambeau, Seigneur !
Puisque la conscience en deuil est sans refuge
Puisque le prêtre assis dans la chaire, et le juge
D'hermine revêtu,
Adorent le succès, seul vrai, seul légitime,
Et disent qu'il vaut mieux réussir par le crime,
Que choir par la vertu ;
Puisque les âmes sont pareilles à des filles ;
Puisque ceux-là sont morts qui brisaient les bastilles,
Ou bien sont dégradés ;
Puisque l'abjection, aux conseils misérables,
Sortant de tous les cœurs, fait les bouches semblables
Aux égouts débordés ;
Puisque l'honneur décroît pendant que César monte ;
Puisque dans ce Paris on n'entend plus, ô honte,
Que des femmes gémir ;
Puisqu'on n'a plus de cœur devant les grandes tâches,
Puisque les vieux faubourgs, tremblant comme des lâches
Font semblant de dormir,
Ô Dieu vivant, mon Dieu ! prêtez-moi votre force,
Et, moi qui ne suis rien, j'entrerai chez ce corse
Et chez cet inhumain ;
Secouant mon vers sombre et plein de votre flamme,
J'entrerai là, Seigneur, la justice dans l'âme
Et le fouet à la main,
Et, retroussant ma manche ainsi qu'un belluaire,
Seul, terrible, des morts agitant le suaire
Dans ma sainte fureur,
Pareil aux noirs vengeurs devant qui l'on se sauve,
J'écraserai du pied l'antre et la bête fauve,
L'empire et l'empereur !

Victor Hugo
Les Châtiments - Livre deuxième – L'ordre est rétabli



Annonce des axes

I. Le constat sombre
II. Le jugement du poète
III. Le châtiment



Commentaire littéraire

I. Le constat sombre

Le constat l’emporte sur l’annonce du jugement et de la vengeance. Ce constat constitue les quatre premières strophes. C’est un état des lieux qui commence à s’en prendre à l’armée qualifiée par « cette » et ces « soldats » qui forment un écho avec « voilà » qui rappelle le passé d’autant plus qu’il est accompagné d’un imparfait. Ce crime constitue une faute inexpiable et a des conséquences (avec le présent). Métaphore de l’animal qui rampe, les animaux les plus près du sol. Cette image de bassesse rentre en opposition avec la gloire des soldats de la Révolution. Le son « an » crée un lien entre l’idée de ramper : lorsque l’armée rampe, elle met du sang. La deuxième strophe montre que l’abjection s’est étendue. L’hermine est symbole de la pureté de la justice : antithèse avec la corruption de la justice. Parodie blasphématoire ce qui veut dire que le crime a été commis contre la loi religieuse. La troisième strophe est consacrée au peuple de Paris dont il rappelle la gloire de la prise de la bastille. L’héroïsme révolutionnaire est dégradé.
Image violente : « les bouches sont semblables aux égouts débordés ». Les hommes semblent avoir disparu. Ils sont désignés par des synecdoques dévalorisantes (« coeurs », « les bouches »), des abstractions (« honneur »), indéfinis (« on »), ou par des métonymies (« les vieux faubourgs ») qui opèrent par déplacement. Quand on cherche à évoquer le peuple, il n’y a que des femmes qui gémissent (« femmes, ô honte gémir »). Seul les femmes sont sujets d’un verbe. Le peuple est privé d’action, dépossédé de lui-même tels sont les termes de ce constat qui est sombre qui explique que le jugement soit d’autant plus sévère.


II. Le jugement du poète


Le constat a lui-même été amené par une décision de justice, c’est à dire qu’il y a toujours « puisque ». Tournure très lourde (14 « puisque »). Toutes les observations qui composent le constat commencent par « puisque ». L’effet obtenu est l’effet d’accablement. Il n’y a aucune transition entre les arguments : énumération de justice. Le caractère répétitif et successif des arguments participe à cet effet : énoncé même de la sentence. Les arguments n’ont pas été laissées au hasard. Ils commencent par l’armée, la justice, l ‘église puis à la totalité de la société pour finir sur le peuple parisien. A la fin du poème, le poète se retrouve seul dans la posture du juge. Le ton a donc évoluer : première strophe : ton solennelle, deuxième strophe : ton ironique, troisième strophe : ton colérique (« l’égout ») qui se manifeste dans les insultes (« les filles » => prostituées), quatrième strophe : ton d’accablement : évolution des esprits est envisagé comme inévitable de l’ordre de la fatalité (« Ô honte » => marque davantage l’accablement que l’indignation). Pour se faire juge le poète doit disposer d’une autorité qui le dépasse ce qui explique le retour des invocations à Dieu. Dans la première strophe, la France était comparée à un flambeau. Le poète s’efface au profit d’une autorité divine. Le poète se fait prophète. Tonalité biblique. Il s’agit pour le poète de s’élever au dessus du massacre pour prononcer une décision de justice. C’est à partir de cette nouvelle autorité qu’il peut prendre le pronom « je ». Le poète revendique une fonction divine. Il va demander le châtiment.


III. Le châtiment

Le poète s’érige en bourreau. Après avoir été juge il devient bourreau et exécutera la sentence. Puisque Napoléon est coupable, il faut qu’il soit exclu de la communauté. (« ce corse »). Il est exclu de la communauté humaine (« cet inhumain »). Le poète s’arme d’un fouet. Ses deux armes sont son vers (les châtiments) sombre (pathétique et indigne) qui est un fouet. La force du poète tient à sa fonction de vengeur (« suaire »). Le poète arrive seul et terrible armé d’un suaire. Ce n’est pas l’homme Victor Hugo mais le poète qui prend le son de le préciser (« moi qui ne suis rien »). Evocation des «  noirs vengeurs » est une allusion aux démons antiques. L’antre = l’empire ; le bête fauve = l’empereur. Comparaison avec Sont Michel terrassant le dragon. L’arme du fouet égale le poète au Christ.





Conclusion

    A l’obéissance passive constitue donc une célébration du pouvoir de la parole poétique, pouvoir de faire apparaître la vérité, pouvoir d’accabler l’adversaire sous le poids des mots. La fin de ce poème propose un message positif alors que toute la première partie déplorait la disparition des pères. Positif car un seul pourra retrouver des vertus d’autrefois. Note d’espoir. C’est le dernier poème du livre II, il permet au recueil de revenir de la nuit vers la lumière.

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Merci à celui ou celle qui a réalisé cette analyse de A l’obéissance passive de Victor Hugo