Plan de la fiche sur un extrait de
L'âge d'homme de Michel Leiris :
Introduction
L'écriture autobiographique reste toujours un problème au
XXème siècle.
On peut toujours avoir envie de parler de soi. Ce texte est une tentative d'autoportrait
qui contient en elle-même ses propres limites (relatif à l'échec, car l'aspect subjectif l'emporte sur l'aspect objectif).
Texte étudié
Je viens d’avoir trente-quatre ans, la moitié de la vie. Au physique, je suis de taille moyenne, plutôt petit. J’ai des cheveux châtains coupés court afin d’éviter qu’ils ondulent par crainte aussi que ne se développe une calvitie menaçante. Autant que je puisse en juger, les traits caractéristiques de ma physionomie sont : une nuque très droite, tombant verticalement comme une muraille ou une falaise, marque classique (si l’on en croit les astrologues) des personnes nées sous le signe du Taureau ; un front développé, plutôt bossué, aux veines temporales exagérément noueuses et saillantes. Cette ampleur de front est en rapport (selon les dires des astrologues) avec le signe du Bélier ; et en effet, je suis né le 20 avril, donc aux confins de ces deux signes : le Bélier et le Taureau. Mes yeux sont bruns, avec le bord de paupières habituellement enflammé ; mon teint est coloré ; j’ai honte d’une fâcheuse tendance aux rougeurs et à la peau luisante. Mes mains sont maigres, assez velues, avec des veines très dessinées ; mes deux majeurs, incurvés vers le bout, doivent dénoter quelque chose d’assez faible ou d’assez fuyant dans mon caractère.
Ma tête est plutôt grosse pour mon corps ; j’ai les jambes un peu courtes par rapport à mon torse, les épaules trop étroites relativement aux hanches. Je marche le haut du corps incliné en avant ; j’ai tendance, lorsque je suis assis, à me tenir le dos voûté : ma poitrine n’est pas très large et je n’ai guère de muscles. J’aime à me vêtir avec le maximum d’élégance ; pourtant à cause des défauts que je viens de relever dans ma structure et de mes moyens qui, sans que je puisse me dire pauvre, sont plutôt limités, je me juge d’ordinaire profondément inélégant ; j’ai horreur de me voir à l’improviste dans une glace car, faute de m’y être préparé, je me trouve à chaque fois d’une laideur humiliante.
Michel Leiris - L'Age d'homme - 1939 (extrait)
Annonce des axes
I. L'autoportrait
1. La prédominance du portrait physique
2. Autre caractéristique de l'autoportrait
3. D'autres éléments que le portrait physique
II. La dévalorisation de soi
1. On y retrouve toutes les modalisations dévalorisantes
2. Portrait du non-dit
Commentaire littéraire
I. L'autoportrait
1. La prédominance du portrait physique
Il se décrit comme si il se voyait -> caractéristique
d'une observation minutieuse de soi (petit, grand, etc...). Vocabulaire de la
phrénologie.
Il n'y a pas d'évaluation du portrait moral; fréquence du verbe être et avoir.
Le portrait prend l'allure d'une énumération qui passe en revue l'ensemble des
portraits physiques. Leiris utilise un lexique physionomique, spécialisé.
2. Autre caractéristique de l'autoportrait
Le respect fonctionne comme un puzzle, à petits bouts -> aspect
analytique -> dissection qui apparente le
portrait à quelque chose de scientifique.
3. D'autres éléments que le portrait physique
Décalage du portrait physique à l'apparence, grâce aux
vêtements. Les indices physiques donnent une indication par la psychologie ("quelque chose d’assez faible ou d’assez fuyant dans mon caractère."). Dérapage vers le parascientifique avec l'astrologie.
On remarque donc derrière ces descriptions qui donnent la priorité au physique,
une préoccupation d'ordre psychologique. On note aussi que autoportrait = dévalorisation
de soi.
II. La dévalorisation de soi
1. On y retrouve toutes les modalisations dévalorisantes
Adverbes d'intensité (plutôt, assez, trop, exagérément).
Utilisation de termes quasiment péjoratifs (laid, petit...). Manifestation d'un
complexe d'infériorité: crainte, révélation de l'angoisse au sujet de sa propre
personne; révélation de la honte -> refus
de son corps, rejet de son image ("j'ai
horreur de me voir à l'improviste dans une glace").
2. Portrait du non-dit
C'est quelqu'un qui aime le beau malgré sa laideur. Les vêtements
sont pour lui un moyen de cacher sa laideur, son complexe. Perturbation du jugement
-> défaut dont il n'est pas conscient -> l'orgueil
qui révèle sa souffrance.
Conclusion
Dans son texte, Leiris ne fait mention que de ses défauts, il
ne se trouve aucune qualité, que ce soit sur le plan physique ou sur le plan moral.
C'est un portrait très dévalorisant.