Antigone

Jean Anouilh

Monologue du chœur

De "Et voilà." à "...plus rien à tenter, enfin !"






Introduction

Après Sophocle, Jean Anouilh reprend le mythe d'Antigone. Fille d'Oedipe et de Jocaste, la jeune Antigone est en révolte contre la loi humaine qui interdit d'enterrer le corps de son frère Polynice. Présentée sous l'Occupation, en 1944, l'Antigone d'Anouilh met en scène l'absolu d'un personnage en révolte face au pouvoir, à l'injustice et à la médiocrité.

Le chœur est la pensée collective de la citée. Il intervient dans la tragédie de deux façons :
- Pour commenter l’action et marquer la progression
- Pour résonner une personnalité et la faire revenir sur sa décision

Le chef du chœur s’appelle le coryphée.
Le chœur peut intervenir de manière parlée, chantée ou récitation.
Ici Anouilh parle de l’intermédiaire du chœur et expose la conception de la tragédie qui est très différente de celle du drame.


Lecture du texte

Le chœur :
Et voilà. Maintenant, le ressort est bandé. Cela n'a plus qu'à se dérouler tout seul. C'est cela qui est commode dans la tragédie. On donne le petit coup de pouce pour que cela démarre, rien, un regard pendant une seconde à une fille qui passe et lève les bras dans la rue, une envie d'honneur un beau matin, au réveil, comme de quelque chose qui se mange, une question de trop que l'on se pose un soir... C'est tout. Après, on n'a plus qu'à laisser faire. On est tranquille. Cela roule tout seul. C'est minutieux, bien huilé depuis toujours. La mort, la trahison, le désespoir sont là, tout prêts, et les éclats, et les orages, et les silences, tous les silences : le silence quand le bras du bourreau se lève à la fin, le silence au commencement quand les deux amants sont nus l'un en face de l'autre pour la première fois, sans oser bouger tout de suite, dans la chambre sombre, le silence quand les cris de la foule éclatent autour du vainqueur — et on dirait un film dont le son s'est enrayé, toutes ces bouches ouvertes dont il ne sort rien, toute cette clameur qui n'est qu'une image, et le vainqueur, déjà vaincu, seul au milieu de son silence...
C'est propre, la tragédie. C'est reposant, c'est sûr... Dans le drame, avec ces traîtres, avec ces méchants acharnés, cette innocence persécutée, ces vengeurs, ces terre-neuve, ces lueurs d'espoir, cela devient épouvantable de mourir, comme un accident. On aurait peut-être pu se sauver, le bon jeune homme aurait peut-être pu arriver à temps avec les gendarmes. Dans la tragédie, on est tranquille. D'abord, on est entre soi. On est tous innocents, en somme ! Ce n'est pas parce qu'il y en a un qui tue et l'autre qui est tué. C'est une question de distribution. Et puis, surtout, c'est reposant, la tragédie, parce qu'on sait qu'il n'y a plus d'espoir, le sale espoir; qu'on est pris, qu'on est enfin pris comme un rat, avec tout le ciel sur son dos, et qu'on n'a plus qu'à crier, — pas à gémir, non, pas à se plaindre, —  à gueuler à pleine voix ce qu'on avait à dire, qu'on n'avait jamais dit et qu'on ne savait peut-être même pas encore. Et pour rien : pour se le dire à soi, pour l'apprendre, soi. Dans le drame, on se débat parce qu'on espère en sortir. C'est ignoble, c'est utilitaire. Là, c'est gratuit. C'est pour les rois. Et il n'y a plus rien à tenter, enfin !



Annonce des axes

I - Les composantes de la tragédie
II - Tragédie et drame


Commentaire littéraire

I - Les composantes de la tragédie

"Et voilà" rappelle la fatalité. Anouilh a l’intention de choquer le spectateur ou le lecteur car il va utiliser un langage familier voire grossier.
Il utilise une notion littéraire esthétique "ressort est bandé", "cela roule", "bien huilé", "coup de pouce", métaphore filée de la mécanique.
On donne un petit coup de pouce. Il y a comme une attente mais la tragédie commencera comme prévue.
Le déclic est quelque chose de banal, fugace, insignifiant "une fille qui passe", "un regard". "une question de trop" montrent la fatalité. L’homme ne peut rien y changer.
Le déroulement se passe comme prévu. Rien ni personne ne peut l’arrêter. C’est l’image d’un homme entraîné dans un engrenage infernal. L’homme est impuissant.
Eléments de la tragédie (mort, trahison)
Eclat, orage (réaction de l’homme)
Silence (absence de réaction)

Il distingue 3 formes de silence :
- Au moment de mourir, avec le bourreau, silence de la solitude
- Au moment de commencer à vivre et à aimer (2 amants)
- Silence du vainqueur (foule comparée à une entité lorsqu’on devient héros et qu’on se sépare des humains.



II - Tragédie et drame

Tragédie :
- Etres exceptionnels (roi)
- Fatalité ("reposant" , "tranquille", "sûr")
- La mort est prévue
- Pas d’espoir possible
- Gratuit
- Réactions fortes et intuitives

Drame :
- Concerne tout le monde (bon et mauvais)
- Accident, gémissement espoir, plaintes
- Le drame est ignoble et utilitaire
- Réactions faibles

Présence d’hypocrisie opportuniste : "terre neuve", chien de l’île de Terre neuve. Ils ont les pieds palmés ce qui leur permet de nager.
La tragédie c’est prendre conscience de soi et voir comment le héros va mourir.
Une force, une noblesse, une pureté, une beauté car le héros ne se débat pas alors que dans le drame il espère s’en tirer.


Conclusion

La tragédie appartient donc à un niveau plus élevé car l’essentiel est de faire passer un message.
Retourner à la page sur Antigone - Jean Anouilh !
Retourner à la page sur l'oral du bac de français 2025 !
Merci à Mélanie pour cette Analyse