Plan de la fiche sur
Apparition de Saint Cucufin de Voltaire :
Introduction
Au XVIII
ème siècle les philosophes contestent le nombre trop important de jours chômés lies aux fêtes religieuses.
Apparition de Saint Cucufin de
Voltaire est un pamphlet qui combat l'interdiction de travailler lors des fêtes religieuses et qui montre les conséquences désastreuses pour les paysans.
Texte étudié
Apparition de Saint Cucufin
Le jour qu'on faisait à Troyes, dans notre cathédrale, le service de saint Cucufin, je m'avisai de semer pour la troisième fois mon champ dont les semailles avaient été pourries par les pluies ; car je savais bien qu'il ne faut pas que le blé pourrisse en terre pour lever, quoi qu'on die. Le pain valait quatre sous et demi la livre ; les pauvres, dans notre élection, ne sèment et ne mangent que du blé noir, et sont accablés de tailles. Notre terrain est si mauvais, malgré tout ce qu'a pu faire saint Loup notre patron, que la huitième partie tout au plus est semée en froment ; la saison avançait, je n'avais pas un moment à perdre : je semais donc mon champ situé derrière Saint-Nicier, avec mon semoir à cinq socs, après avoir entendu la messe et chanté les antiennes du saint jour. Voilà-t-il pas aussitôt le révérend gardien des capucins, assisté de quatre profès, qui se présente à moi à une heure et un quart de relevée, au sortir de table. Il était enflammé comme un chérubin et criait comme un diable : « Théiste, athéiste, janséniste, oses-tu outrager Dieu et saint Cucufin au point de semer ton champ, au lieu de dîner ? Je vais te déférer comme un impie à M. le subdélégué, à M. le directeur des aides, à monseigneur l'intendant, et à monseigneur l'évêque. » Disant ces mots, il se met en devoir de briser mon semoir.
Alors saint Cucufin lui-même descendit du ciel dans une nuée éclatante, qui s'étendait de l'empyrée jusqu'au faubourg de Troyes ; un jaune d'œuf et de la bouillie ornaient encore sa barbe. Frère Ange, dit-il au gardien, calme ton saint zèle ne casse point le semoir de ce bon homme ; les pauvres manquent de pain dans ton pays ; il travaille pour les pauvres après avoir assisté à la sainte messe. C'est une bonne œuvre, j'en ai conféré avec saint Loup, patron de la ville ; va dire de ma part à monseigneur l'évêque qu'on ne peut mieux honorer les saints qu'en cultivant la terre.
Le gardien obéit, et monseigneur s'adressa lui-même aux magistrats de la grande police pour faire enjoindre à nos concitoyens de labourer, ou semer, ou planter, ou provigner, ou palisser, ou tondre, ou vendanger, ou cuver, ou blanchir, au lieu d'aller boire au cabaret les jours de fêtes après la sainte messe.
Gloire à Dieu et à saint Cucufin.
Annonce des axes
I. La condition des paysans
II. La satire des religieux
III. Les malices de Voltaire
Commentaire littéraire
I. La condition des paysans
- Difficulté due aux intempéries ("les semailles avaient été pourries par les pluies") et à la qualité de la terre ("Notre terrain est si mauvais")
- Difficulté due au coût du pain ("Le pain valait quatre sous et demi la livre")
- Difficulté due aux impôts et aux taxes ("sont accablés de tailles")
Voltaire accumule les faits ci-dessus pour accentuer la pauvreté des
paysans et ainsi justifier le travail interdit. Voltaire utilise le présent pour montrer une vérité générale.
II. La satire des religieux
- Présentation du révérend à sa sortie de table et non de prières, comparaison avec le diable.
- Incohérence des propos qui mélangent des notions très éloignées les unes des autres. "théiste athéiste janséniste" ; dénonciation d'une faute de religion à quelqu'un qui s'occupe des impôts.
- Méchanceté et manque de pitié -> paradoxal de la part d'un homme d'église
- Dénonce leur archaïsme par la destruction du semoir, instrument moderne.
III. Les malices de Voltaire
Voltaire fait semblant de croire aux saints et met en oeuvre un
miracle en utilisant des ingrédients caractéristiques : "descendit du ciel", "nuée éclatante", "l'empyrée" et
en les opposant à des références triviales : "faubourg de Troyes"
Malice dans le nom de Cucufin, saint réel modèle d'humilité et
de labour.
Plaisanterie naïve et enfantine : "jaune d'œuf et de la bouillie"
Malice dans le dialogue entre St Cucufin et St Loup : parlent
comme des chefs -> non catholique
Malice par l'accumulation des travaux des paysans ("de labourer, ou semer, ou planter, ou provigner...) avec l'anaphore de "ou" -> éloge
malicieux du travail qui rappelle la phrase de Voltaire "le travail éloigne
de nous trois grands maux : le vice, le besoin et l'ennui"
Final religieux très ironique "gloire à Dieu et à St Cucufin".
Conclusion
Texte important en faveur des reformes sociales. Voltaire
combat pour la situation désastreuse des paysans accablés de dettes et d'impôts.
Grâce à ce pamphlet comique, léger et satirique, Voltaire
met le public de son coté. C'est avec le conte philosophique une des armes favorites de Voltaire.