Bel-Ami

Guy de Maupassant

Partie 1, chapitre 1 (extrait)

De "Et, tournant à gauche..." à "...de soirée pour le lendemain."





Plan de la fiche sur Bel-Ami - Première partie, chapitre 1 - de Maupassant :
Introduction
Lecture du texte
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

- Auteur : Guy de Maupassant (1850-1893), longtemps peu considéré jusqu’à la sortie de son premier roman : "Boule de suif" qui connaît un très fort succès. Maupassant cumule les œuvres, les romans, les nouvelles, quelques pièces de théâtre mais son expression ne change guère, ce sont les mêmes thèmes qui reviennent (amour malheureux, désagrégation de la famille, la mort, critique de l’égoïsme). Les personnages ne diffèrent que selon leur appartenance à une catégorie (riche, pauvre, nobles, bourgeois, paysans, mères de famille,...). Les récits s’accumulent ainsi en une série qui peut se prolonger à l’infini. La grande peur de Maupassant qu’on retrouve dans la plupart de ses œuvres est la peur du double.

- Œuvre : Le roman naturaliste Bel-ami (1885) est l’histoire de l’ascension d’un "grain de gredin", l’écrivain brosse un large tableau satirique de la société parisienne.

- Extrait : Fin du chapitre premier de la première partie de Bel-Ami, où l'on rencontre Duroy, Forestier et les prostituées du lieu. Ce lieu est caractérisé par la population très nombreuse, appartenant à une classe moyenne dans la société.


Lecture du texte

Et, tournant à gauche, ils pénétrèrent dans une espèce de jardin couvert, que deux grandes fontaines de mauvais goût rafraîchissaient. Sous des ifs et des thuyas en caisse, des hommes et des femmes buvaient sur des tables de zinc.
" Encore un bock ? demanda Forestier.
Oui, volontiers. "
Ils s'assirent en regardant passer le public.
De temps en temps, une rôdeuse s'arrêtait, puis demandait avec un sourire banal : " M'offrez-vous quelque chose, monsieur ? " Et comme Forestier répondait : " Un verre d'eau à la fontaine ", elle s'éloignait en murmurant : " Va donc, mufle ! "
Mais la grosse brune qui s'était appuyée tout à l'heure derrière la loge des deux camarades reparut, marchant arrogamment, le bras passé sous celui de la grosse blonde. Cela faisait vraiment une belle paire de femmes, bien assorties.
Elle sourit en apercevant Duroy, comme si leurs yeux se fussent dit déjà des choses intimes et secrètes ; et, prenant une chaise, elle s'assit tranquillement en face de lui et fit asseoir son amie, puis elle commanda d'une voix claire : " Garçon, deux grenadines ! " Forestier, surpris, prononça : " Tu ne te gênes pas, toi ! "
Elle répondit :
" C'est ton ami qui me séduit. C'est vraiment un joli garçon. Je crois qu'il me ferait faire des folies ! "
Duroy, intimidé, ne trouvait rien à dire. Il retroussait sa moustache frisée en souriant d'une façon niaise. Le garçon apporta les sirops, que les femmes burent d'un seul trait ; puis elles se levèrent, et la brune, avec un petit salut amical de la tête et un léger coup d'éventail sur le bras, dit à Duroy : " Merci, mon chat. Tu n'as pas la parole facile. "
Et elles partirent en balançant leur croupe.
Alors Forestier se mit à rire :
" Dis donc, mon vieux, sais-tu que tu as vraiment du succès auprès des femmes ? Il faut soigner ça. Ça peut te mener loin. "
Il se tut une seconde, puis reprit, avec ce ton rêveur des gens qui pensent tout haut :
" C'est encore par elles qu'on arrive le plus vite. "
Et comme Duroy souriait toujours sans répondre, il demanda :
" Est-ce que tu restes encore ? Moi, je vais rentrer, j'en ai assez. "
L'autre murmura :
" Oui, je reste encore un peu. Il n'est pas tard. "
Forestier se leva :
" Eh bien, adieu, alors. A demain. N'oublie pas ? 17, rue Fontaine, sept heures et demie.
- C'est entendu ; à demain. Merci. "
Ils se serrèrent la main, et le journaliste s'éloigna.
Dès qu'il eut disparu, Duroy se sentit libre, et de nouveau il tâta joyeusement les deux pièces d'or dans sa poche ; puis, se levant, il se mit à parcourir la foule qu'il fouillait de l'œil.
Il les aperçut bientôt, les deux femmes, la blonde et la brune, qui voyageaient toujours de leur allure fière de mendiantes, à travers la cohue des hommes.
Il alla droit sur elles, et quand il fut tout près, il n'osa plus.
La brune lui dit :
" As-tu retrouvé ta langue ? "
Il balbutia : " Parbleu ", sans parvenir à prononcer autre chose que cette parole.
Ils restaient debout tous les trois, arrêtés, arrêtant le mouvement du promenoir, formant un remous autour d'eux.
Alors, tout à coup, elle demanda :
" Viens-tu chez moi ? "
Et lui, frémissant de convoitise, répondit brutalement.
" Oui, mais je n'ai qu'un louis dans ma poche. "
Elle sourit avec indifférence :
" Ça ne fait rien. "
Et elle prit son bras en signe de possession.
Comme ils sortaient, il songeait qu'avec les autres vingt francs il pourrait facilement se procurer, en location, un costume de soirée pour le lendemain.

Extrait du chapitre 1 de la partie 1 - Bel-Ami - Maupassant




Annonce des axes

I. Les deux hommes
II. Un lieu particulier de la vie parisienne
III. Vision pessimiste de Maupassant



Commentaire littéraire

I. Les deux hommes

Les deux hommes sont liés par une amitié presque d'enfance, mais Forestier apparaît supérieur à Duroy, supériorité financière : il paye les Bocks et prête de l'argent à Duroy. Duroy est respectueux envers son ami.

Forestier a toujours l'initiative de la parole, c'est lui qui engendre une conversation, c'est aussi lui qui est en action, Duroy répond machinalement. Forestier donne des conseils à Duroy ce qui le rend mal à l'aise contrairement à son ami.

Mais Duroy reste tout de même supérieur à Forestier en ce qui concerne la séduction (Forestier : "mufle" et Duroy : "joli garçon"). Les femmes le complimente, Forestier lui ouvre les yeux et lui dit que c'est grâce aux femmes qu'on réussit le mieux. Mais George ne sait pas se servir de son pouvoir séducteur, il est timide (balbutie, niais,...) et se rend donc ridicule.


II. Un lieu particulier de la vie parisienne

Un cadre suggestif : "une espèce de jardin" (indéfini), "des hommes et des femmes" (indéfini), "deux grandes fontaines de mauvais goût" (vulgaire). Un lieu de mélange avec beaucoup de monde.

Un langage grossier (champ lexical du grossier) et des femmes mal éduquées (elles boivent d'un seul trait), elles sont considérées comme des objets ("une belle paire"), elles ont un sourire banal, de commerçantes (prostitution). "croupe" et "mon chat" font référence à des animaux.


III. Vision pessimiste de Maupassant

Un monde basé sur le plaisir de l'argent, monde des apparences, du paraître. Le physique prend une place considérable dans la société, les femmes sont comparées à des objets sexuels mais servent aussi à parvenir. L'argent = liberté, Duroy est heureux d'avoir quelques argents ("il tâta les deux louis", "Duroy se sentit libre").

Le paraître passe d'abord par l'argent, avec l'argent que Forestier lui a prêté, il va pouvoir s'acheter un nouveau costume.





Conclusion

    Cet extrait de Bel-Ami pose l'ambiance du roman, les thèmes de l'argent et des femmes. On voit aussi les relations entre les deux amis (Forestier et Duroy). On voit que Duroy monte une marche de son ascension avec l'ouverture à la fin, l'empressement de Duroy pour trouver une femme se sent et il n'hésite pas sauter sur la première occasion, sacrifiant la moitié du prêt de
    Forestier mais il se rend compte de sa force de séduction et l'utilisera dans la suite du roman Bel-Ami.

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