Plan de la fiche sur
Bel-Ami - Première partie, chapitre 1 - de Maupassant :
Introduction
Dans les années 1880, un soir d'été étouffant (28 juin). Georges Duroy, employé au bureau des chemins de fer du nord remonte les boulevards de Paris. Il veut se rendre sur l'avenue des Champs Elysées et au bois de Boulogne en quête d'une rencontre amoureuse.
Nous le suivons dans son parcours et dans ses pensées où il a très soif.
Lecture du texte
Il tourna vers la Madeleine et suivit le flot de foule qui coulait accablé par la chaleur. Les grands cafés, pleins de monde, débordaient sur le trottoir, étalant leur public de buveurs sous la lumière éclatante et crue de leur devanture illuminée. Devant eux, sur de petites tables carrées ou rondes, les verres contenaient des liquides rouges, jaunes, verts, bruns, de toutes les nuances ; et dans l'intérieur des carafes on voyait briller les gros cylindres transparents de glace qui refroidissaient la belle eau claire.
Duroy avait ralenti sa marche, et l'envie de boire lui séchait la gorge.
Une soif chaude, une soif de soir d'été le tenait, et il pensait à la sensation délicieuse des boissons froides coulant dans la bouche. Mais s'il buvait seulement deux bocks dans la soirée, adieu le maigre souper du lendemain, et il les connaissait trop, les heures affamées de la fin du mois.
Il se dit : " Il faut que je gagne dix heures et je prendrai mon bock à l'Américain.
Nom d'un chien ! que j'ai soif tout de même ! " Et il regardait tous ces hommes attablés et buvant, tous ces hommes qui pouvaient se désaltérer tant qu'il leur plaisait. Il allait, passant devant les cafés d'un air crâne et gaillard, et il jugeait d'un coup d'œil, à la mine, à l'habit, ce que chaque consommateur devait porter d'argent sur lui. Et une colère l'envahissait contre ces gens assis et tranquilles. En fouillant leurs poches, on trouverait de l'or, de la monnaie blanche et des sous. En moyenne, chacun devait avoir au moins deux louis ; ils étaient bien une centaine au café ; cent fois deux louis font quatre mille francs ! Il murmurait : " Les cochons ! " tout en se dandinant avec grâce. S'il avait pu en tenir un au coin d'une rue, dans l'ombre bien noire, il lui aurait tordu le cou, ma foi, sans scrupule, comme il faisait aux volailles des paysans, aux jours de grandes manœuvres.
Extrait du chapitre 1 de la partie 1 - Bel-Ami - Maupassant
Annonce des axes
I. Un portrait en mouvement
1. L'allure
2. Le caractère
II. La fascination qu'exercent les cafés
1. L'atmosphère qu'exercent les cafés
2. Une vision très colorée et ludique
Commentaire littéraire
I. Un portrait en mouvement
1. L'allure
A travers le regard omniscient du narrateur nous découvrons l'allure
du personnage : elle est dynamique, il bouge, il avance ("Il tourna vers la Madeleine et suivit le flot de foule", "sa marche", "Il allait"...). Il a de la
prestance et il s'impose ("d'un air crâne et gaillard, il jugeait d'un coup d'œil").
Crâne signifie : plein de dédain, et gaillard signifie : sûr de lui et conquérant.
Il joue de son corps pour séduire ("tout en se dandinant avec grâce") avec
de l'ironie.
2. Le caractère
Il contraste par rapport à l'allure. Ce qui frappe, c'est la brutalité de
ses pulsions à l'égard des paisibles consommateurs ("une colère l'envahissait contre ces gens assis et tranquilles"). Cette brutalité se
transforme en haine dans la séquence finale. Le personnage rêve de tuer, avec
l'esprit de vengeance (toute la dernière phrase). C'est un homme "sans scrupule" donc
prêt à tout pour arriver à ses fins. L'injure, "les cochons", le
geste cruel et la comparaison (comme il faisait aux volailles) nous laissent l'impression
de malaise.
Il se montre également calculateur. Il se livre à de petits calculs
de paysan ("En fouillant leurs poches..."). Maupassant insiste sur la petitesse de son personnage qui n'est pas un homme ordinaire.
Mais le personnage évolue dans de nouveaux lieux à la mode depuis la transformation
d'Haussmann (baron et sénateur à l'origine de l'assainissement de la capitale).
II. La fascination qu'exercent les cafés
1. L'atmosphère qu'exercent les cafés
Les cafés sont des lieux très fréquentés. Le jeune homme est très
sensible aux nombreux consommateurs comme l'exprime la métaphore
filée empruntée à un liquide ("le flot de foule qui coulait", "les grands cafés débordaient sur le trottoir, étalant
leurs public de buveurs").
L'homme admire cette nouvelle population oisive, ivre de consommer et de paraître ("et il regardait tout ces hommes qui pouvaient se désaltérer tant qu'il leur plaisait").
Comme il souffre de la chaleur et de la soif, le café est très attractif. La
récompense est un bock à l'américain (bock : bière d'environ 1/4 litre) "l'américain" était
l'un des temples des esprits boulevardiers, c'est-à-dire viveur d'un comique léger.
2. Une vision très colorée et ludique
Dans les objets, les formes géométriques presque enfantines dominent
("carré", "ronde", "cylindrique"); les couleurs variées suggèrent les sirops,
les alcools ("rouge, jaune, vert, brun"). Elles évoquent la palette du peintre
impressionniste car Maupassant privilégie l'impression et les sensations.
La lumière domine comme le montre le champ lexical (= "lumière éclatante et crue
de leur devanture illuminées" - "briller les gros cylindre" - "belle eau claire").
L'homme se délecte a l'idée de boire ("il pensait à la sensation délicieuse
des boissons froides dans la bouche").
Conclusion
Cet extrait de
Bel-Ami nous montre bien la technique de l'écrivain, il construit le personnage par le jeu de ses désirs et de ses haines à travers les cafés et les consommateurs. Maupassant parvient par les sensations, les impressions, les sentiments à nous donner "l'illusion du vrai".
De plus, deux thèmes importants de
Bel-Ami sont posés : la soif comme symbole de
désir et de possession; l'argent deviendra une véritable obsession.