Plan de la fiche sur
Bel-Ami - Deuxième partie, chapitre 7 - de Maupassant :
Introduction
Mr Walter, enrichie par l'affaire du Maroc vient d'acquérir un
luxueux hôtel particulier rue du Faubourg Saint-Honoré avec jardin sur les Champs-Elysées.
Il vient d'acheter le chef-d'œuvre du peintre hongrois Karl Marcowitch : "Le christ
marchant sur les flots".
Un soir du 30 décembre, les Du Roy et toute la belle société sont invités à venir
contempler le tableau. Mais Suzanne entraîne Bel-Ami voir la toile derrière la serre.
Lecture du texte
Le Christ avançait le pied sur une vague qu'on voyait se creuser, soumise,
aplanie, caressante sous le pas divin qui la foulait. Tout était sombre
autour de l'Homme-Dieu. Seules les étoiles brillaient au ciel.
Les figures
des apôtres, dans la lueur vague du fanal porté par
celui qui montrait le Seigneur, paraissaient convulsées par la surprise.
C'était bien là l'oeuvre puissante et inattendue d'un maître,
une de ces oeuvres qui bouleversent la pensée et vous laissent du rêve
pour des années.
Les gens qui regardaient cela demeuraient d'abord silencieux,
puis s'en allaient, songeurs, et ne parlaient qu'ensuite de la valeur de la
peinture.
Du Roy, l'ayant contemplée quelque temps, déclara :
" C'est chic de pouvoir se payer ces bibelots-là. "
Mais comme on le heurtait, en le poussant pour voir, il repartit, gardant
toujours sous son bras la petite main de Suzanne qu'il serrait un peu.
Elle
lui demanda :
"
Voulez-vous boire un verre de champagne ? Allons au buffet.
Nous y trouverons papa. "
Et ils retraversèrent lentement tous les salons où la foule
grossissait, houleuse, chez elle, une foule élégante de fête
publique.
Georges soudain crut entendre une voix prononcer :
"
C'est Laroche et Mme Du Roy. " Ces paroles lui effleurèrent
l'oreille comme ces bruits lointains qui courent dans le vent. D'où venaient-elles ?
Il chercha de tous les côtés, et il aperçut en effet sa
femme qui passait, au bras du ministre. Ils causaient tout bas d'une façon
intime en souriant, et les yeux dans les yeux.
Il s'imagina remarquer qu'on
chuchotait en les regardant, et il sentit en lui une envie brutale et stupide
de sauter sur ces deux êtres et de les
assommer à coups de poing.
Elle le rendait ridicule.
Maupassant, Bel-Ami, deuxième partie, chapitre 7
Annonce des axes
Nous évoquerons le nouveau couple : Suzanne/Bel-Ami, et la jalousie du
mari. Ensuite, nous analyserons le choc de la beauté et de l'art dans cet univers
de parvenus (= personnes qui arrivent vite à la richesse).
I. Le nouveau couple et la jalousie du mari
1. "Le couple"
2. La jalousie féroce de Bel-Ami
II. Le choc de la beauté de l'art dans cet univers de parvenus
1. L'effet puissant de l'idéal (= l'art contenu dans le tableau)
2. La description de la toile
Commentaire littéraire
I. Le nouveau couple et la jalousie du mari
1. "Le couple"
On devine le bonheur d'être ensemble, le temps s'est ralenti : "et
ils traversèrent lentement tous les salons". Leur plaisir ou leur désir
réciproque s'exprime dans le contact charnel des mains: "la petite main de Suzanne
qu'il serrait un peu". C'est une fine tactique de séducteur qui dose ses
effets suivants ses conquêtes. Suzanne comprend le message. Elle veut s'enivrer
avec du champagne pour ce sentir plus a l'aise ; ensuite elle joue à la
maîtresse de maison comme une "poupée de luxe" = "Allons au buffet, nous y trouverons
papa" l14-15.
Veut-elle se rassurer avec la perspective de voir son père ?
Suzanne et Georges forment un couple d'autant plus complice qu'ils doivent résister à la foule qui devient envahissante : "la foule grossissait, houleuse". Georges se trouve comme dans un rêve car il a oublié le monde. "Mais comme on le heurtait en poussant pour voir...".
Cependant, le charme de sa relation avec Suzanne s'évanouit. Il revient "soudain" à la
réalité.
2. La jalousie féroce de Bel-Ami
Depuis quelques temps, Georges surveille sa femme. Plein de méfiance
et d'hostilité à son égard, il interprète des rumeurs de fond. Il se croit victime
d'hallucination sonore : "Il crut entendre une voix prononcer...".
Il se sent angoisser : "D'où venait-elle ?". Bientôt, il ne doute plus de
l'intimité de sa femme avec Laroche-Mathieu : "ils causaient tout bas d'une façon
intime en souriant les yeux dans les yeux.". Il croit voir toute une conspiration
de la foule : "Il s'imaginait remarquer qu'on chuchotait en les regardant".
Sa fierté est atteinte : "Elle le rendait ridicule".
Il doit réprimer son impulsivité: "Il sentit en lui une envie brutale de sauter
sur ces deux êtres et de les assommer à coups de poings.".
Mais dans cet univers de bassesse morale, de vanité, Maupassant accorde un moment de répit avec la description de la toile du maître et de ses effets.
II. Le choc de la beauté de l'art dans cet univers de parvenus
1. L'effet puissant de l'idéal (= l'art contenu dans le tableau)
Le narrateur est ébloui par la force et l'originalité de cette œuvre.
On le voit dans les adjectifs qu'il emploie : "puissante et inatendue". Cette œuvre
de susciter des émotions fortes, de nourrir l'esprit et l'imagination: "une de
ces œuvres, qui bouleverse la pensée et qui vous laisse de rêve pour des années".
Or le personnage Georges Du Roy n'est pas capable d'avoir une émotion artistique.
L'arriviste affiche une désinvolture : "C'est chic de pouvoir payer ces bibelots
là". Du Roy n'échappe pas l'ironie de l'auteur.
2. La description de la toile
Le Christ apparaît en relief dominant la mer : "soumise, aplanie,
caressante". L'adjectif précis rend bien l'émotion. Le relief est sensible
par le contraste entre Jésus illuminé par la grâce divine et l'arrière plan
sombre des apôtres dans la barque : "tout était sombre autour de l'homme
Dieu". C'est un
oxymore saisissant.
Les deux phrases "Tout était sombre autour de l'Homme-Dieu. Seules les étoiles brillaient au ciel" évoquent une atmosphère solennelle. Ces deux phrases rappellent la formule de la Genèse. Les apôtres sont représentés dans une attitude angoissée, devant le surnaturel : "convulsées par la surprise".
Conclusion
Dans cet extrait de
Bel-Ami, Maupassant parvient à dépeindre le désir, les
affres de la jalousie et l'émotion artistique. Par les sensations, les impressions
et les sentiments, l'auteur restitue l'atmosphère.
Cependant deux faits majeurs s'éclairent pour l'ascension de Bel-Ami : Suzanne est séduite et le motif de se débarrasser de sa femme compromise
avec Laroche-Mathieu.