Plan de la fiche sur
l'excipit de Bel-Ami de Maupassant :
Introduction
Présenter l'auteur :
Guy de Maupassant et l'œuvre :
Bel-Ami.
Les deux dernières pages du roman sont centrées sur le mariage de Bel-Ami et de la fille de son ancienne maîtresse.
Le passage est significatif du "trajet" de Bel-Ami : plus qu'un mariage, c'est un sacre.
Notion d'excipit : ouverture sur une suite que l'on peut imaginer.
Lecture du texte
Bel-Ami, à genoux à côté de Suzanne, avait baissé le front. Il se sentait en ce moment presque croyant, presque religieux, plein de reconnaissance pour la divinité qui l'avait ainsi favorisé, qui le traitait avec ces égards. Et sans savoir au juste à qui il s'adressait, il la remerciait de son succès.
Lorsque l'office fut terminé, il se redressa, et donnant le bras à sa femme, il passa dans la sacristie. Alors commença l'interminable défilé des assistants. Georges, affolé de joie, se croyait un roi qu'un peuple venait acclamer. Il serrait des mains, balbutiait des mots qui ne signifiaient rien, saluait, répondait aux compliments : " Vous êtes bien aimable. "
Soudain il aperçut Mme de Marelle ; et le souvenir de tous les baisers qu'il lui avait donnés, qu'elle lui avait rendus, le souvenir de toutes leurs caresses, de ses gentillesses, du son de sa voix, du goût de ses lèvres, lui fit passer dans le sang le désir brusque de la reprendre. Elle était jolie, élégante, avec son air gamin et ses yeux vifs. Georges pensait : " Quelle charmante maîtresse, tout de même. "
Elle s'approcha un peu timide, un peu inquiète, et lui tendit la main. Il la reçut dans la sienne et la garda. Alors il sentit l'appel discret de ses doigts de femme, la douce pression qui pardonne et reprend. Et lui-même il la serrait, cette petite main, comme pour dire : " Je t'aime toujours, je suis à toi ! "
Leurs yeux se rencontrèrent, souriants, brillants, pleins d'amour. Elle murmura de sa voix gracieuse : " A bientôt, monsieur. "
Il répondit gaiement : " A bientôt, madame. "
Et elle s'éloigna.
D'autres personnes se poussaient. La foule coulait devant lui comme un fleuve. Enfin elle s'éclaircit. Les derniers assistants partirent. Georges reprit le bras de Suzanne pour retraverser l'église.
Elle était pleine de monde, car chacun avait regagné sa place, afin de les voir passer ensemble. Il allait lentement, d'un pas calme, la tête haute, les yeux fixés sur la grande baie ensoleillée de la porte. Il sentait sur sa peau courir de longs frissons, ces frissons froids que donnent les immenses bonheurs. Il ne voyait personne. Il ne pensait qu'à lui.
Lorsqu'il parvint sur le seuil, il aperçut la foule amassée, une foule noire, bruissante, venue là pour lui, pour lui Georges Du Roy. Le peuple de Paris le contemplait et l'enviait.
Puis, relevant les yeux, il découvrit là-bas, derrière la place de la Concorde, la Chambre des députés. Et il lui sembla qu'il allait faire un bond du portique de la Madeleine au portique du Palais-Bourbon.
Il descendit avec lenteur les marches du haut perron entre deux haies de spectateurs. Mais il ne les voyait point ; sa pensée maintenant revenait en arrière, et devant ses yeux éblouis par l'éclatant soleil flottait l'image de Mme de Marelle rajustant en face de la glace les petits cheveux frisés de ses tempes, toujours défaits au sortir du lit.
Excipit - Bel-Ami - Maupassant
Annonce des axes
I. Le sacre de Bel-Ami
1. Les procédés stylistiques
2. Le roi du passage
II. Un texte ironique
1. Les sentiments du personnage
2. Le comportement dissocié de Bel-Ami
3. Hypocrisie bourgeoise
III. Caractérisation de cette fin de roman
1. Une fin cyclique
2. Une fin ouverte
Commentaire littéraire
I. Le sacre de Bel-Ami
1. Les procédés stylistiques
-
Métaphore filée qui le présente comme un roi : "affolé de joie" et "un roi qu'un peuple venait acclamer".
Métaphore préparée par les jeux de mots sur son nom "Georges Du Roy".
- La sortie de l'Eglise = procession royale (cf. 3ème paragraphe avant la fin).
La foule est immense.
Champ lexical de la foule.
Elle est comparée à une masse.
=> c'est une masse anonyme qui n'existe que par rapport à Bel-Ami : elle est
là pour l'acclamer.
Dans l'incipit Bel-Ami est dans la foule, ici il en est détaché.
Pour Bel-Ami la foule existe en fonction de ce qu'elle donne : "acclamer" et des "compliments".
- Il peut ambitionner le Palais Bourbon. Répétition de portique à la fin de l'extrait.
=> connotation à l'antique : image du temple, triomphe de l'empereur romain.
=> apothéose du personnage.
- Théatralité : c'est un spectacle offert à la foule.
- Champ lexical du regard
(Séparer ce que voit Duroy et la foule)
- Face à cette foule, le héros ne voit que lui ("Il ne voyait personne. Il ne pensait qu'à lui" et "il ne les voyait point").
2. Le roi du passage
Les mouvements de Georges Du Roy structurent le passage :
Tout est organisé en fonction de Georges Duroy
Il a une position centrale, et reprise constante de son nom.
=> sujet grammatical de toutes les phrases :
on a accès à ses paroles et ses paroles et ses pensées.
Discours direct ou indirect libre "pour lui"
Les répétitions montrent
son orgueil et autosatisfaction -> il ressent physiquement son succès.
Soleil : victoire totale, image radieuse de son avenir.
II. Un texte ironique
1. Les sentiments du personnage
Dans le début de l'extrait, Georges Du Roy est débordé / l'émotion, le triomphe ("affolé de joie", "balbutiait des mots qui ne signifiaient rien"...).
- presque croyant, rythme ample et majeur => montée de l'émotion.
Georges Du Roy retrouve vite ses esprits lorsqu'il voit Mme de Marelle - capable de prononcer des paroles mondaines chargées de non-dits - "Il répondit gaiement" : le personnage reprend le dessus - maîtrise absolue.
2. Le comportement dissocié de Bel-Ami
Succès grâce à sa capacité d'adaptation à l'hypocrisie ambiante.
Dissociation comportement-pensées
- Champ lexical religieux - mais absence de valeurs
morales => ironie : religieux associé au profane.
Bel-Ami est un privilégié.
- Souvenirs de sa maîtresse => le mariage est bafoué (Georges Du Roy = Jésus).
Champ lexical du plaisir - Bouffée de désir assez mal placée.
Le texte s'achève sur "lit" => la débauche.
3. Hypocrisie bourgeoise
La mariée disparaît complètement (3 occurrences) et est remplacée par la maîtresse.
Suzanne = objet - 1er terme d'amour pour Mme de Marelle "Je t'aime toujours".
Suzanne dans la Bible : proie facile pour les hommes sans scrupules.
Mme de Marelle rajuste ses cheveux pour sortir (hypocrite mais irréprochable).
III. Caractérisation de cette fin de roman
1. Une fin cyclique
Impression que Bel-Ami n'a pas changé intérieurement => Aucune auto-analyse de personnage.
Duroy va recommencer sa relation avec Mme de Marelle, et va recommencer à séduire toutes les femmes qui lui sont utiles.
=> il saute de femme en femme.
2. Une fin ouverte
Fin ouverte et dynamique : avant dernier paragraphe : succès à venir, carrière
politique
La distance est annuléee / l'idée de bond ("il lui sembla qu'il allait faire un bond du portique de la Madeleine au portique du Palais-Bourbon").
Péripéties amoureuses qui closent le roman.
Conclusion
Cet excipit de
Bel-Ami de Maupassant est un texte ironique : personnage héros mais détestable - Critique :
la société a les héros qu'elle mérite.
Fin en comparaison avec le
Père Goriot, hommage à
Balzac.
L'éducation de Bel-Ami est terminée.
Roman d'éducation car il réussit dans sa vie. Hommage à
Flaubert ?