Plan de la fiche sur le chapitre 2 de 
Candide de Voltaire :
     Au  début du chapitre second de 
Candide,  
Voltaire raconte  l'enrôlement et l'instruction militaire de Candide par les Bulgares.
     Cet extrait est l'occasion pour Voltaire de débuter la critique principale de  son livre et de faire la satire de l'armée tout en soulignant la naïveté de  Candide qui fait de lui une proie facile face au piège des recruteurs.

Voltaire
Texte du chapitre 2 (extrait étudié)
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Lu par Laeticia - source : litteratureaudio.com
          
CHAPITRE SECOND
     Candide, chassé du  paradis terrestre, marcha longtemps sans savoir où, pleurant, levant les yeux  au ciel, les tournant souvent vers le plus beau des châteaux qui renfermait la  plus belle des baronnettes ; il se coucha sans souper au milieu des champs  entre deux sillons ; la neige tombait à gros flocons. Candide, tout transi, se  traîna le lendemain vers la ville voisine, qui s'appelle  Valdberghoff-trarbk-dikdorff, n'ayant point d'argent, mourant de faim et de  lassitude. Il s'arrêta tristement à la porte d'un cabaret. Deux hommes habillés  de bleu le remarquèrent : « Camarade, dit l'un, voilà un jeune homme très bien  fait, et qui a la taille requise. » Ils s'avancèrent vers Candide et le  prièrent à dîner très civilement. « Messieurs, leur dit Candide avec une  modestie charmante, vous me faites beaucoup d'honneur, mais je n'ai pas de quoi  payer mon écot. -- Ah ! monsieur, lui dit un des bleus, les personnes de votre  figure et de votre mérite ne payent jamais rien : n'avez-vous pas cinq pieds  cinq pouces de haut ? -- Oui, messieurs, c'est ma taille, dit-il en faisant la  révérence. -- Ah ! monsieur, mettez-vous à table ; non seulement nous vous  défrayerons, mais nous ne souffrirons jamais qu'un homme comme vous manque  d'argent ; les hommes ne sont faits que pour se secourir les uns les autres. --  Vous avez raison, dit Candide : c'est ce que M. Pangloss m'a toujours dit, et  je vois bien que tout est au mieux. » On le prie d'accepter quelques écus, il  les prend et veut faire son billet ; on n'en veut point, on se met à table : « N'aimez-vous pas tendrement ?... -- Oh ! oui, répondit-il, j'aime tendrement  Mlle Cunégonde. -- Non, dit l'un de ces messieurs, nous vous demandons si vous  n'aimez pas tendrement le roi des Bulgares. -- Point du tout, dit-il, car je ne  l'ai jamais vu. -- Comment ! c'est le plus charmant des rois, et il faut boire  à sa santé. -- Oh ! très volontiers, messieurs » ; et il boit. « C'en est  assez, lui dit-on, vous voilà l'appui, le soutien, le défenseur, le héros des  Bulgares ; votre fortune est faite, et votre gloire est assurée. » On lui met  sur-le-champ les fers aux pieds, et on le mène au régiment. On le fait tourner  à droite, à gauche, hausser la baguette, remettre la baguette, coucher en joue,  tirer, doubler le pas, et on lui donne trente coups de bâton ; le lendemain il  fait l'exercice un peu moins mal, et il ne reçoit que vingt coups ; le  surlendemain on ne lui en donne que dix, et il est regardé par ses camarades  comme un prodige.
Extrait du chapitre second (2) de Candide - Voltaire
Annonce des axes
I. La  place de ce passage dans l'œuvre : de l'illusion à la désillusion
II.  Candide trompé par les Bulgares
1. Une courtoisie de façade
2. Candide enrôlé  violemment chez les bulgares
III. La portée  argumentative du passage
1. Le regard neuf  mais conditionné du héros sur le monde
2. Le regard ironique  de Voltaire
Commentaire littéraire
I. La  place de ce passage dans l'œuvre : de l'illusion à la désillusion
Candide a été  "chassé du paradis terrestre" : référence à Adam de la Genèse.  Cette phrase est annonciatrice de la suite de l'œuvre puisque Candide, chassé  du château considéré comme le paradis, va connaître la réalité du monde et de  ses malheurs (souffrance, douleur, travail).
"pleurant, levant les yeux au ciel" : Candide regrette son éviction  du château.
Nous avons le champ lexical de l'épuisement ("transi", "se  traîna", "mourant de faim et de lassitude") et une idée de  dépouillement total : "se coucha sans souper au milieu des champs  entre deux sillons ; la neige tombait à gros flocons". Candide est  dans une situation de grande fragilité, dans laquelle il est vulnérable.
Voltaire paraît noircir le tableau, Candide passe d'un univers à son contraire.
Cette découverte de ce monde équivaut à une  véritable désillusion pour Candide. Le jeune homme n'est jamais sorti de son  château merveilleux, artificiel, de pacotille (comme il est décrit par ironie),  coupé de la réalité où il ne connaissait aucune contrainte.
Candide limité à son univers faux et verni, va dès ses premières péripéties  commencer un apprentissage douloureux. Sa naïveté et son désarroi physique le  rendent très vulnérable et facilement influençable.
  
II.  Candide trompé par les Bulgares
1. Une courtoisie de façade
 Les recruteurs remarquent  Candide sans que celui-ci ne s'en aperçoive. Critères : "un jeune  homme très bien fait, et qui a la taille requise."
Paroles flatteuses des  deux hommes envers Candide : "les personnes de votre figure et de  votre mérite", "un homme comme vous". Ses paroles semblent trop  exagérées pour être honnêtes.
- "le prièrent", "civilement", "monsieur"  (plusieurs fois) : fausse amabilité
- "n'avez-vous pas cinq pieds cinq pouces de haut ?", "n'aimez  vous pas tendrement ?" : idée d'un questionnaire comme pour un  recrutement classique.
- "les Hommes ne sont fait que pour se secourir les uns les  autres" : maxime servant à masquer leurs intentions
- "modestie charmante", "vous me faîtes beaucoup d'honneur",  "en faisant la révérence", "tout est au mieux" : le  naïf Candide ne se méfie pas.
2. Candide enrôlé  violemment chez les bulgares
"les fers aux pieds" les recruteurs passent d'un comportement  flatteur et doux à un comportement violent. Idée de renversement très rapide de  situation qui surprend le lecteur : "sur-le-champ".
Perte de liberté pour  Candide.
Enumération pour montrer la  rapidité de l'apprentissage ("On le fait tourner à droite, à gauche,  hausser la baguette..."). L'accumulation de verbe d'action à l'infinitif  donne une idée donne l'impression que Candide est manipulé, bousculé. Voltaire  ne nous fait part d'aucune réaction de Candide -> impression de docilité de  Candide. Idée d'un dressage, d'une mécanique destinée à détruire sa personnalité.
III. La portée  argumentative du passage
1. Le regard neuf  mais conditionné du héros sur le monde
Bien qu'annoncé comme héros, Candide est loin d'en incarner traits habituels.  Il subit des événements déconcertants et il est manipulé.
Statut d'anti-héros. Candide garde en mémoire son éducation, l'enseignement  optimiste de Pangloss, la nostalgie de la vie idéale au château. Il n'a pas de  jugement personnel, il se limite à la vision optimiste de Pangloss.
Candide porte donc bien son nom de héros naïf, qui a tout à apprendre sur le  monde du 18ème siècle avec toutes ses horreurs et barbaries.
2. Le regard ironique  de Voltaire
Le 
narrateur étant externe,  le lecteur s'aperçoit avant Candide que celui-ci va être manipulé.
Forte complicité auteur/lecteur, qui rient au dépend de Candide grâce à la  phrase en aparté ("Camarade, dit l'un, voilà un jeune homme très bien fait")  et grâce aux marques ironiques sur Candide et sa crédulité ("comme un prodige",  
hyperboles : "plus  beau des châteaux qui renfermait la plus belle des baronnettes").
Le rapport repose sur un  art du décalage avec ironie du narrateur : au dessus de l'histoire vécue  naïvement par Candide, se superpose un deuxième niveau de lecture qui a une  forte orientation argumentative et critique. 
Candide se fait manipulé  car il est influencée par la pensée optimiste de Pangloss ("le meilleur  des mondes"). Celui-ci représente le philosophe allemand Leibniz que  Voltaire cherche à discréditer. Selon Voltaire, le monde contemporain est  imparfait, et il va illustrer ce propos au cours des péripéties de Candide.
  Dénonciation de la violence militaire (fortement connotée prussienne par la  suite) et la manigance des recruteurs.
  Voltaire utilise l'ironie  pour convaincre le lecteur.
Conclusion
     Cet extrait du conte philosophique 
Candide annonce la suite de la teneur de  l'œuvre. Candide, chassé du paradis terrestre où Pangloss lui a proféré sa  philosophie optimiste, va peu à peu découvrir que le monde est plus cruel que  ce que lui laissait entendre son ami philosophe. Cette découverte est très brutale  pour notre "anti-héros".