Plan de la fiche sur le chapitre 3 de
Candide de Voltaire :
Le chapitre 30 est l'épilogue du conte philosophique
Candide de Voltaire qu'on ne peut comprendre que si l'on regarde rétrospectivement quelques autres chapitres du conte.
Voltaire
Préambule
Un certain nombre de rencontres ont préparé ce dénouement.
Après l'Eldorado, Candide fera beaucoup de rencontres déterminantes.
1. Chapitre 20
Candide rencontre Martin qui est l'antithèse de Pangloss, pour qui
tout est mal.
2. Chapitre 25
Candide rencontre Pococuranté : riche et comblé par la vie, qui
n'a jamais eu de chagrin => piste vers l'idée du bonheur.
Mais au contraire, il est blasé et sans enthousiasme et Candide en arrive
a l'idée de « être heureux n'est pas n'être
pas malheureux ». Pococuranté a pourtant une sérénité matérielle,
intellectuelle.
3. Chapitre 26
Candide rencontre les rois déchus qui incarnent le malheur à ceux
qui avait tous les privilèges sur terre, mais qui ont tout perdu. Il
arrive à la conclusion que ce ne sont pas les garants du bonheur puisqu'on
peut tout perdre.
4. Chapitre 30
Candide rencontre le derviche, il va répondre aux questions de métaphysique
de Pangloss. Il représente la posture de la résignation.
5. Chapitre 30
Candide rencontre un vieillard musulman heureux qui vit en autarcie et énonce
une vérité importante : « Le travail éloigne de
nous trois grands maux : l'ennui, le vice, et le besoin ».
Introduction
A la suite d'un certain nombre de rencontres déterminantes qui
engagent la vie de toute la petite communauté, il est décidé de
composer une sorte de microcosme (monde en miniature) dans lequel chacun trouvera
sa place et son équilibre. L'épilogue du conte décrit
cette installation et souligne l'évolution des personnages. La
fin du conte Candide n'est-elle pas l'affirmation de l'avènement
d'un monde ou l'homme prend enfin son destin en main ?
Texte du chapitre 30 (extrait étudié)
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Lu par Laetitia - source : litteratureaudio.com
CHAPITRE 30
CONCLUSION
Candide, en retournant dans sa métairie, fit de profondes réflexions
sur le discours du Turc. Il dit à Pangloss et à Martin : « Ce
bon vieillard me paraît s'être fait un sort bien préférable à celui
des six rois avec qui nous avons eu l'honneur de souper. -- Les grandeurs, dit
Pangloss, sont fort dangereuses, selon le rapport de tous les philosophes : car
enfin Églon, roi des Moabites, fut assassiné par Aod ; Absalon
fut pendu par les cheveux et percé de trois dards ; le roi Nadab, fils
de Jéroboam, fut tué par Baaza ; le roi Éla, par Zambri ; Ochosias, par Jéhu ; Athalia, par Joïada ; les rois Joachim, Jéchonias, Sédécias, furent esclaves. Vous savez comment périrent Crésus,
Astyage, Darius, Denys de Syracuse, Pyrrhus, Persée, Annibal, Jugurtha,
Arioviste, César, Pompée, Néron, Othon, Vitellius, Domitien,
Richard II d'Angleterre, Édouard II, Henri VI, Richard III, Marie Stuart,
Charles Ier, les trois Henri de France, l'empereur Henri IV ? Vous savez... --
Je sais aussi, dit Candide, qu'il faut cultiver notre jardin. -- Vous avez raison,
dit Pangloss : car, quand l'homme fut mis dans le jardin d'Éden, il y
fut mis ut operaretur eum, pour qu'il travaillât, ce qui prouve que l'homme
n'est pas né pour le repos. -- Travaillons sans raisonner, dit Martin ; c'est le seul moyen de rendre la vie supportable. »
Toute la petite société entra dans ce louable dessein ; chacun
se mit à exercer ses talents. La petite terre rapporta beaucoup. Cunégonde était à la
vérité bien laide ; mais elle devint une excellente pâtissière ; Paquette broda ; la vieille eut soin du linge. Il n'y eut pas jusqu'à frère
Giroflée qui ne rendît service ; il fut un très bon menuisier,
et même devint honnête homme ; et Pangloss disait quelquefois à Candide : « Tous les événements sont enchaînés dans le meilleur des mondes possibles ; car enfin, si vous n'aviez pas été chassé d'un
beau château à grands coups de pied dans le derrière pour
l'amour de Mlle Cunégonde, si vous n'aviez pas été mis à l'Inquisition,
si vous n'aviez pas couru l'Amérique à pied, si vous n'aviez pas
donné un bon coup d'épée au baron, si vous n'aviez pas perdu
tous vos moutons du bon pays d'Eldorado, vous ne mangeriez pas ici des cédrats
confits et des pistaches. -- Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin. »
Extrait de Candide ou l'optimiste - de Voltaire
Annonce des axes
I. Une clôture du récit
1. Clôture spatiale
2. Le recyclage des personnages
II. Les critères de la sagesse
1. Le refus des ambitions
2. Le refus des raisonnements stériles
3. Les bienfaits du travail
III. L'évolution des protagonistes
1. Candide
2. Pangloss
3. Cunégonde
Commentaire littéraire
I. Une clôture du récit
1. Clôture spatiale
La formule classique par laquelle débute le conte : « Il y avait
en Westphalie » nous permet d'attendre une clôture classique
du genre, c'est-à-dire une fin heureuse. Mais en fait, c'est
un horizon trompé : le jardin a succédé au château : régression spatiale ; la Turquie a remplacé la Westphalie et un derviche remplace Pangloss. Pour Candide le monde est désormais plus
vaste et ne se limite pas à la province de Thunder-Ten-Tronc ou à la
Westphalie. L'espace se clôt de manière ambivalente : rétrécissement
social, du château à la métairie, et l'élargissement
politique. En opposition à l'Occident, l'Orient apparaît
comme la terre du retour aux origines, retour à la sagesse fait d'expériences
et de pragmatisme. D'ailleurs, le discours du vieillard au derviche rappelle
le discours du vieillard de l'utopie de l'Eldorado et la religion
est réhabilitée. L'installation dans le jardin marque la
fermeture de l'espace géographique.
2. Le recyclage des personnages
Le Turc au début du texte (le paragraphe précédant l'extrait étudié ici)
dit : « Je n'ai que vingt arpents ». A son image, la métairie
est une « petite ère » dans laquelle vie une « petite
société ».
La modestie de la surface de la métairie est compensée
par les principes d'une sage économie. Même les vestiges
dérisoires du monde aristocratique sont recyclés. Le conte recycle
la laideur de Cunégonde en utilité. Giroflée est recyclé en honnête homme qui passe du vice à la vertu. Tous les personnages
du début trouvent leurs places et leurs destins sont scellés.
Le baron n'est pas recyclable car il est encore attaché à ses
préjugés et à ses stéréotypes.
Fermeture du conte : Candide prononce la morale finale et sa parole est créatrice
d'un nouvel age.
II. Les critères de la sagesse
1. Le refus des ambitions
Candide, dès le début du texte montre sa préférence
pour une vie simple, notamment il dit : « Ce bon vieillard … des
six rois ». « bon » est répété 4 fois.
Une vie modeste et réglée est plus enviable qu'à celle
d'un roi. Il renonce donc à toute ambition de pouvoir et de richesse.
De toute façon, il y a un caractère éphémère
et aléatoire à une gloire des hommes. Dans le texte, il y a une
litanie des rois qui ont subit des malheurs. Cela montre que le fait d'être
puissant et riche ne fait rien. Référence au chapitre XXVI :
les rois déchus. Par contraste, la vie simple dans la métairie
est valorisée.
2. Le refus des raisonnements stériles
Il ne s'agit pas pour Voltaire de s'opposer à toute forme
de raisonnement puisque Candide au début du texte est plongé dans
de profondes réflexions. Il s'agit plutôt d'une pensée
nourrie d'expériences et d'observations. Ce qui est par
exemple rejeté est le discours de Pangloss et des métaphysiques
qui a une tendance affirmée à bavarder, à brasser des
idées, à délayer. Et ses pensées débouchent
toujours sur une action cohérente. D'ailleurs, Pangloss ne travaille
pas. Dans le second discours, on voit bien qu'il n a pas renoncé à l'absurdité et à l'incohérence.
Critique des raisonnements interminables sur des questions métaphysiques.
Pangloss use encore de la terminologie optimiste quand il parle du meilleur
des mondes possibles.
Candide contredit et interrompt à deux reprises
Pangloss : « Je sais », « Mais » et Martin s'y
oppose aussi.
3. Les bienfaits du travail
Le travail est présenté comme une concentration de toutes les
vertus. Notamment si on analyse la phrase du vieillard « Le travail… ».
Le travail est une nécessité spécifique, il éloigne
l'ennui. C'est aussi une nécessité morale car il éloigne
de nous le vice et c'est une nécessité économique
puisqu'il éloigne de nous le besoin.
Dans la seconde partie du texte, on note l'importance des activités
manuelles préservées de manière laudative : « très
bonne pâtissière ».
Champ lexical des activités artisanales connoté laudativement : « Roda, très bon menuisier ». On peut voir que le verbe « travailler » et « cultiver » viennent
deux fois dans le texte. Cela montre l'orientation claire de la spécificité de
Candide vers les bienfaits du travail. « La petite terre rapporta beaucoup » montre
une satisfaction personnelle en même temps qu'une satisfaction
du travail.
Conclusion partielle
On peut voir que la parabole (petit apologue du jardin (chapitre 30)) oppose
clairement l'activité aux discours inutiles.
« Cultiver
son jardin » signifie
travailler socialement, travailler intérieurement son raisonnement ainsi
que sa pensée. Cela veut également dire se cultiver intellectuellement.
En effet, la situation que décrit Candide dans ce chapitre est aussi
la situation de Voltaire à Carnet. La conclusion de ce conte est très
sibylline.
C'est une leçon de modestie et de simplicité qui
donne à l'homme une place acceptée dans une situation matériellement
supportable.
III. L'évolution des protagonistes
Pangloss est le maître à penser de Candide. Bien qu'il
ait beaucoup douté, il ne l'a jamais confronté.
Dans ce texte Candide coupe la parole à Pangloss deux fois. C'est
Candide qui a le dernier mot : le maître a perdu tout son prestige aux
yeux de Candide. Renversement des rôles par rapport à l'
incipit de Candide.
1. Candide
Candide apparaît mûri. Il a tiré profit de ses expériences,
de son voyage initiatique et de ses observations. Il a en plus acquis de l'autorité,
et il peut même juger de lui-même. Candide est devenu philosophe.
D'après Voltaire, un philosophe est quelqu'un qui possède
un esprit critique sur un raisonnement qui lui est propre. Candide est au début
un personnage sans épaisseur. Il acquiert une dimension patriarcale
car c'est le chef, figure centrale de la communauté, celui dont
la parole résume et rassemble. Sa fonction n'est plus d'apporter
une contradiction à Pangloss, il est désormais le maître
financier et intellectuel.
2. Pangloss
Contrairement à Candide, Pangloss n'a pas évolué.
Il s'entête dans des raisonnements qui tournent à vide.
Il est incapable de penser par lui-même car son premier raisonnement
est « selon le rapport de tous ». Il se refère en effet à la
bible «
Ut operatum eum » = « pour qu'il travaille » et
aux philosophes. C'est pourquoi Pangloss ne maîtrise pas les théories
auxquelles il adhère. Raisonnement de fausse logique. Toute l'ironie
du faux rapport logique dans « des cédrats confits et des pistaches.».
Il n'a jamais été philosophe car il n'a pas aptitude à modifier
son jugement en fonction de son expérience.
3. Cunégonde
Au début, Cunégonde est belle et oisive. A la fin, elle est laide mais excellente pâtissière => le travail compense sa laideur.
Conclusion
Candide est un conte et, de ce fait, le lecteur aurait pu s'attendre à un
dénouement heureux. Mais c'est un conte philosophique. Candide
trouve une paix dans un choix de vie supportable bien loin des rêves
de l'Eldorado. Ce choix est un aboutissement de tout un parcours et bien
que ce ne soit pas parfait, il ne dépend plus des caprices du sort.
Le héros se libère des illusions du monde de l'enfance
pour devenir enfin adulte et autonome ce qui est le projet même des lumières.
En 1773,
Voltaire écrit à D'Alembert : « si j'ai
encore quelque temps à vivre, je le passerai à cultiver mon jardin
comme Candide. J'ai assez vécu comme lui ».