Plan de la fiche sur Les grands thèmes dans
Candide ou l'Optimiste de Voltaire :
L’ARGENT DANS CANDIDE
Les philosophes des Lumières ont tous posé le problème
de l’argent, associé à la question du bonheur. Le 18ème
siècle connaît une grande mutation économique : l’argent
issu de la richesse foncière et l’aristocratie est peu à peu
remplacé par l’argent produit du commerce (de plus en plus international),
du travail agricole et de l’industrie naissante (fin 18ème en
Angleterre). Voltaire, qui a très bien su faire fructifier ses avoirs,
ne pouvait que donner son avis sur cette question dans Candide.
I. L’argent est présent dans le tout le conte :
• Indirectement dès les premières lignes : « …ornée
d’une tapisserie, château… »
•
Explicitement : chapitre 2 : Candide « n’ayant point d’argent… »,
chapitre 30 : « La petite terre rapporta beaucoup… »
•
L’Eldorado est un endroit à part (utopique) : la pauvreté (manque
d’argent) n’existe pas : « vous n’avez sans doute pas
la monnaie du pays mais il n’est pas nécessaire d’en avoir
pour dîner ici. Tout est payé par le gouvernement ».
Tout est donc fondé sur le partage = mythe d’une société sans
argent, idéal inaccessible. Toutefois c’est le commerce et l’activité industrielle
qui permet aux habitants de vivre heureux.
II. L’argent, source de souffrances :
•
C’est pour l’argent qu’on se bat : Candide vend sa liberté (et
peut-être sa vie) aux sergents recruteurs du chapitre 2. « Nous
vous défrayerons, mais nous ne souffrirons jamais qu’un homme
comme vous manque d’argent ». Argent = piège pour le naïf
Candide.
•
Chapitre 19 : l’argent transforme les hommes en victimes :
le nègre
de Surinam a été vendu par sa mère (naïve ?) à des
esclavagistes. Il fait d’abord la fortune de ses parents près
de M. vanderdendur qui le fait travailler pour un salaire de misère :
amère déception de l’esclave : « les chiens,
les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous ».
•
Chapitre 22 : Argent = source de corruption : Candide perd 50.000
F en deux parties d’un jeu certainement truqué.
III. L’argent « positif » :
•
A la fin du chapitre III, Candide rencontre Jacques l’Anabaptiste qui
lui offre argent et hospitalité : cet argent provient de l’activité manufacturière
de Jacques. L’idée de Voltaire est claire : l’argent honnêtement
gagné par le travail est un argent propre qui génère des
sentiments nobles, ici la générosité.
•
Chapitre 30 : au terme de leur périple, les héros s’installent
dans un « jardin », en réalité une petite terre où chacun
va travailler selon ses capacités. « La petite terre rapporta
beaucoup ». L’argent du jardin est le fruit d’un travail
collectif de la terre (et de l’artisanat) : nous sommes dans la société pré-industrielle
de la première moitié du 18e siècle.
Conclusion :
Candide a été écrit dans une période d’expansion
de la bourgeoisie commerciale et de l’exploitation rationnelle de la
terre (mouvement des physiocrates). Voltaire se fait l’écho de
cette évolution dans Candide. L’argent a toutes les qualités
quand il est acquis ainsi par le travail. Il faudra attendre le 19ème
siècle pour que l’argent apparaisse à nouveau sous son
jour négatif : le père Grandet, avare, imaginé par Balzac
et les grands industriels fous d’argent des romans de Zola.
LA PARODIE DANS CANDIDE
Définition :
La parodie détourne un texte (d’un genre ou d’une œuvre)
de manière à le ridiculiser.
On choisit un texte célèbre que l’on tourne en dérision
dans le but de faire rire le lecteur… aux dépens bien sûr
de l’auteur parodié. Il faut donc que le lecteur reconnaisse l’œuvre
parodiée et mesure l’écart entre le modèle et le détournement.
Quels sont les principaux procédés de la parodie ?
• Amplifier les tics d’un écrivain,
• inverser le rôle des personnages,
• introduire des anachronismes,
• transposer dans d’autres lieux, d’autres époques,
• caricaturer les personnages de l’œuvre parodiée.
Quelles sont les parodies présentes dans Candide ?
• La philosophie de LEIBNIZ est simplifiée et caricaturée dans
le personnage de PANGLOSS.
•
Le paradis terrestre est démystifié dans le chapitre I (l’origine
de la chute, le rôle de la femme etc…) : parodie de la Genèse.
•
L’héroïsme guerrier est ridiculisé dans l’épisode
de la guerre entre les Abares et les Bulgares (parodie de récits épiques).
•
On trouve quelques traces de parodie de « Mille et une nuits » (traduit
en 1704 par Galland) mais ces contes sont peu utilisés.
•
Le conte traditionnel (Perrault) est constamment parodié : les retrouvailles
sont une inversion du conte : Cunégonde est devenue laide et acariâtre.
L’Eldorado par contre, est un archétype du conte que Voltaire
respecte et ne parodie pas.
•
Le roman picaresque (très à la mode en 1750 avec le diable boiteux
de LESAGE par exemple, 1707) et le roman d’aventures sentimentales (le
feuilleton) sont parodiés sans vergogne : enlèvements, duels,
naufrages, accumulation invraisemblable de malheurs…
Le lecteur se perd littéralement … c’est le but poursuivi
par Voltaire : faire sentir, par la parodie, que l’essentiel n’est
pas là, que les évènements sont uniquement au service
d’une idée philosophique.
L’IMAGE DE LA FEMME
La société du 18ème siècle est une société masculine.
A part quelques aristocrates ou grandes bourgeoises qui tiennent salon, les
femmes sont réduites à un rôle de mère et d’épouses.
Candide, qui est, dans une certaine mesure un miroir révélateur
de cette société, donne de la femme une image dévalorisée
même si Cunégonde joue un rôle narratif très important.
I. L’homme et la femme : des destins différents :
Toutes les femmes connaissent une dégradation physique, sociale et morale : Cunégonde bien sûr, mais aussi la vieille et Paquette (cette
dégradation est liée dans tous les cas à l’amour
vénal). Par contre, les hommes du conte n’évoluent pas ; ils persistent d’ailleurs souvent dans leurs erreurs : Plangloss et
Martin par exemple. Candide lui, connaît, non pas une dégradation
mais un apprentissage. Alors que les femmes perdent leur liberté, Candide
lui, conquiert la sienne. Le seul point commun est la perte de leur naïveté :
Cunégonde est rapidement (et brutalement) déniaisée. Candide
le sera petit à petit, au fil de ses (més)aventures.
II. La femme vénale (= associée à l’argent) :
• Les femmes sont l’incarnation du désir. La vieille : « j’inspirais
déjà de l’amour » ; Cunégonde, elle c’est
Eve, la tentation (cf. chapitre 1) : elle entraîne Candide vers sa chute,
vers son expulsion du « paradis » de Thunder-ten-tronckh. De manière
plus globale, c’est leur propre sensualité qui est à l’origine
de leur dégradation : elles vont toutes devenir des animaux de plaisir.
•
N’existant que par et pour l’amour, elles n’existent plus
quand l’amour a disparu, car Voltaire veut nous montrer que l’amour,
comme la noblesse ou la philosophie, est une illusion : illusion de la promotion
sociale (Candide aime Cunégonde ainsi il espère devenir un Thunder-ten-tronckh), illusion du physique et de la beauté (Cunégonde
est devenue une horreur).
•
La mère n’hésite pas (par naïveté ou cupidité ?) à vendre
son fils aux marchands d’esclaves (cf. l’épisode du nègre
de Surinam).
•
La Marquise de Parolignac (chapitre 22) dirige un salon qui est, à l’image
de la société, corrompu et vénal : on y côtoie des
fripons, des joueurs, des tricheurs, etc… = le monde n’est qu’une
vaste prostitution (la vieille est aussi devenue une entremetteuse : elle « place » Cunégonde,
et Cunégonde est aussi, devenue intéressée…).
III. La femme-objet :
• La femme est considérée comme un simple objet de plaisir : en
parlant de Paquette, Candide dit au moine Giroflée : « vous avez
une très jolie fille pour votre récréation », lequel
réplique « qu’il entretient des filles » (chapitre
24). Au chapitre 25, Pococuranté en parlant de ses domestiques « ce
sont d’assez bonnes créatures, je les fais quelquefois coucher
dans mon lit ».
•
La femme est doublement victime : à la souffrance physique s’ajoute
la souffrance morale provoquée par les viols et autres sévices
sexuels. La baronne a été violée et coupée en morceaux
(chapitre 8). Cunégonde a été violée et a eu «le
ventre fendu » (chapitre 7). L’innocente Paquette est obligée
de se prostituer.
Conclusion :
Les femmes sont bafouées, humiliées, objets des dérives
des hommes. Les seules femmes « heureuses » sont les musulmanes
qui « parfument les barbes » (chapitre 30). Elles restent bien
soumises.
LE CONTE VOLTAIRIEN
I. Résultat d’une longue évolution :
A l’origine (pendant le Moyen-âge), le conte est un récit
oral (troubadours) qui est plutôt grossier et satirique (les fabliaux),
tantôt merveilleux (les Romans de la Table Ronde). C’est Rabelais
qui va au 16ème siècle, faire la synthèse des deux courants
antérieurs (réaliste et satirique) : énorme succès.
Au 17ème siècle : la grossièreté disparaît
mais le merveilleux reprend ses droits (les contes de Perrault 1698) et on
traduit les conteurs orientaux (« les Mille et Une nuits » en 1702).
Le merveilleux est la source première du conte voltairien car les faits
sont imaginés sans aucun souci de vraisemblance, dans l’unique
but d’exprimer une pensée philosophique. Mais l’exotisme
et le goût des voyages viennent s’ajouter à cette trame.
Le conte Voltairien a pour but de toucher un large public et vulgariser ses
idées.
II. Quels sont les grands principes du conte voltairien ?
1°) Voltaire fait appel à l’imagination du lecteur grâce
au voyage et grâce au romanesque (voir les nombreux rebondissements de
l’action, le mystère et les coups de théâtre de Candide).
2°) Les « effets de réel » sont nombreux (description
du champ de bataille chapitre 3, de l’autodafé chapitre 6… méfaits
de l’esclavage).
3°) Le conteur (Voltaire) est omniprésent : c’est lui qui
tire toutes les ficelles de l’intrigue et il mène son lecteur
où bon lui semble (humour, ironie de Voltaire). De nombreuses actions
rappellent aussi la propre vie de Voltaire.
III. Une tentative de définition du conte voltairien :
1°) C’est un roman d’apprentissage au cours duquel le naïf
Candide, ayant été obligé de quitter le PARADIS, va connaître
l’ENFER avant de retrouver sa vraie place dans le MONDE (le jardin du
chapitre 30).
2°) C’est une découverte du monde : Candide va être « déniaisé » et
la réalité du monde et de la vie va lui être peu à peu,
malheur après malheur, dévoilée (Cunégonde perdra
ses belles apparences trompeuses pour apparaître à la fin sous
son vrai jour).
3°) C’est un regard ironique sur le monde qui oblige le lecteur à s’interroger
et à remettre en cause ses préjugés (la guerre, la religion,
l’esclavage, la noblesse).
4°) C’est une galerie de personnages schématiques, sans aucune
profondeur psychologique (différents des personnages romanesques du
19ème siècle). Ils sont tous prisonniers d’une idée
fixe (Pangloss, le fils du Comte, Candide : retrouver Cunégonde) et
le lecteur ne peut pas s’identifier à eux et surtout pas sympathiser
avec eux. L’auteur promène une marionnette dans diverses situations
extrêmes qui servent à :
5°) L’illustration de la thèse de Voltaire : le conte est
un voyage de pure fantaisie dont le seul but est de ridiculiser l’optimisme
et de montrer l’ampleur de l’emprise du MAL sur le monde.
L’UTOPIE
Définition du mot : en grec cela signifie « en aucun lieu : nulle
part ». L’Utopie est au début un pays imaginaire où un
gouvernement idéal règne sur un peuple heureux, mais dès
le 18ème siècle, le sens du mot s’élargit ; l’utopie
est un idéal politique qui ne tient pas compte de la réalité.
I. Les sources :
Voltaire reprend une longue tradition du merveilleux (contes des Mille et une
nuits », conte de la Table Ronde). Depuis la Renaissance on parle de
contrées fabuleuses, remplies d’or, situées par les voyageurs
en Amazonie : Voltaire situe l’Eldorado à cet endroit. L’utopie
est aussi une mode du 18ème siècle. Marmontel a publié en
1777 un livre merveilleux : « Les incas » et Voltaire lui-même
a écrit la conquête du Pérou.
II. Les manifestations de l’Utopie dans Candide :
1°) Les Utopies rejetées par Voltaire :
•
Celle de Thunder-ten-tronckh : c’est un « paradis » immuable
où tout est soumis à Dieu le Père sur terre, le comte.
C’est l’Utopie du pouvoir absolu, autoritaire, refermé sur
lui-même (chapitre 1).
• Celle des Jésuites du Paraguay (chapitre 14) : c’est l’utopie
d’une société gouvernée par les Jésuites
qui confond pouvoir religieux et pouvoir politique (religion d’Etat,
et Etat religieux) : « c’est une chose admirable que ce gouvernement
(…) les Pères y ont tout et les peuples rien ; c’est le
chef-d’œuvre de la raison et de la justice ».
2°) Les utopies valorisées :
• L’Eldorado (voir III) mais aussi,
• le jardin du chapitre 30. C’est aussi une utopie. On oublie ses grands
problèmes par le travail plus qu’on ne les résout. Cet
oubli est-il possible ? Le mal et la souffrance risquent de réapparaître
et le désir de philosophie, c’est-à-dire de critiquer aussi.
III. L’Eldorado ou la cité idéale : une utopie très voltarienne (chapitres 17 et 18)…
On retrouve réunis comme dans un catalogue, tous les idéaux de
Voltaire (exemples à rechercher) :
• La religion naturelle et le Déisme,
• un urbanisme organisé,
• un palais des sciences,
• une atmosphère de tolérance, de liberté, d’hospitalité,
• un pouvoir sans répression.
IV. …Mais trop peu crédible :
En réalité, l’Eldorado est un modèle théorique,
irréalisable (utopique dans le sens moderne) ; c’est l’anti
Thunder-ten-tronckh. Comme Thunder-ten-tronckh, c’est un monde clos,
isolé, fondé sur un système non exportable où règne
un ordre et une harmonie factice : c’est le monde inversé de Thunder-ten-tronckh, monde du bonheur, de la richesse, de la tolérance, trop
parfait pour être vrai. Voltaire ne croit pas à la cité idéale
et d’ailleurs, sur l’Eldorado, il se tait sur l’essentiel : l’économie, l’agriculture, la justice et il insiste surtout
sur le merveilleux, l’aspect féerique du pays : c’est en
fin de compte un rêve. L’Eldorado est peut-être le meilleur
des mondes possibles mais il n’existe pas car un pays où le Mal
n’existe pas n’existe pas lui-même et surtout les héros
vont le quitter.
Conclusion :
En fin de compte, OPTIMISME et UTOPIE sont la même illusion. Candide
et Cacambo décident de quitter ce lieu d’utopie : « les
deux heureux résolurent de ne plus l’être » car Candide
court après l’amour –autre illusion- et aussi il a le désir
d’être puissant et riche en Europe –autre leurre.