Plan de la fiche sur la
Lettre X sur le commerce de Voltaire :
Introduction
Voltaire (1694 - 1778) est un des principaux philosophes du XVIIIème siècle. Il dénonce l'intolérance, les superstitions et le fanatisme. Il a écrit
Candide et
Zadig.
Dans la
lettre X sur le commerce, extraite des
Lettres Philosophiques, Voltaire défend le commerce et accuse les aristocrates qui sont oisifs : pour lui le négociant est plus utile à l'état que le noble.
Voltaire, par Maurice Quentin de La Tour
Texte étudié
LETTRE X SUR LE COMMERCE
Le commerce, qui a enrichi les citoyens en Angleterre, a contribué à les rendre libres, et cette liberté a étendu le commerce à son tour ; de la s'est formée la grandeur de l'État. C'est le commerce qui a établi peu à peu les forces navales par qui les Anglais sont les maîtres des mers. Ils ont à présent près de deux cents vaisseaux de guerre. La postérité apprendra peut-être avec surprise qu'une petite île, qui n'a de soi-même qu'un peu de plomb, de l'étain, de la terre à foulon et de la laine grossière, est devenue par son commerce assez puissante pour envoyer, en 1723, trois flottes à la fois en trois extrémités du monde, l'une devant Gibraltar, conquise et conservée par ses armes, l'autre à Porto-Bello, pour ôter au roi d'Espagne la jouissance des trésors des Indes, et la troisième dans la mer Baltique, pour empêcher les du Nord de se battre.
Quand Louis XIV faisait trembler l’Italie, et que ses armées, déjà maîtresses de la Savoie et du Piémont, étaient prêtes de prendre Turin, il fallut que le prince Eugène marchât du fond de l’Allemagne au secours du duc de Savoie ; il n’avait point d’argent sans quoi on ne prend ni ne défend les villes. Il eut recours à des marchands anglais : en une demi-heure de temps on lui prêta cinq millions ; avec cela il délivra Turin, battit les Français et écrivit à ceux qui avaient prêté cette somme ce petit billet : « Messieurs, j’ai reçu votre argent, et je me flatte de l’avoir bien employé à votre satisfaction. »
Tout cela donne un juste orgueil à un marchand anglais, et fait qu’il ose se comparer, non sans quelque raison, à un citoyen romain. Aussi le cadet d’un pair du royaume ne dédaigne point le négoce. Mylord Townshend, ministre d’État, a un frère qui se contente d’être marchand dans la Cité. Dans le temps que Mylord Orford gouvernait l’Angleterre, son cadet était facteur à Alep, d’où il ne voulut pas revenir, et où il est mort.
Cette coutume, qui pourtant commence trop à se passer, paraît monstrueuse à des Allemands entêtés de leurs quartiers ; ils ne sauraient concevoir que le fils d’un pair d’Angleterre ne soit qu’un riche et puissant bourgeois, au lieu qu’en Allemagne tout est prince ; on a vu jusqu’à trente altesses du même nom n’ayant pour tout bien que des armoiries et une noble fierté.
En France, est marquis qui veut ; et quiconque arrive à Paris du fond d’une province avec de l’argent à dépenser, et un nom en ac ou en ille, peut dire : Un homme comme moi, un homme de ma qualité, et mépriser souverainement un négociant. Le négociant entend lui-même parler si souvent avec dédain de sa profession qu’il est assez sot pour en rougir ; je ne sais pourtant lequel est le plus utile à un État, ou un seigneur bien poudré qui sait précisément à quelle heure le roi se lève, à quelle heure il se couche, et qui se donne des airs de grandeur en jouant le rôle d’esclave dans l’antichambre d’un ministre, ou un négociant qui enrichit son pays, donne de son cabinet des ordres à Surate et au Caire, et contribue au bonheur du monde.
Voltaire - Les Lettres philosophiques
Analyse linéaire
I. Evolution de l'argumentation
Début du texte : le commerce contribue à la grandeur de l'état anglais.
Fin du texte : le commerce contribue au bonheur du monde
1er paragraphe : constatation, l'Angleterre est une grande puissance maritime.
2ème paragraphe : anecdote, guerre France-Italie : grâce à un négociant l'Italie gagne la guerre.
3ème paragraphe : comparaison avec le citoyen romain.
4ème paragraphe : contre-exemple, comparaison avec les nobles allemands.
5ème paragraphe : comparaison avec les nobles français.
II. La stratégie argumentative
1er paragraphe :
- Associe grandeur et richesse avec le commerce dès le première phrase.
- Gradation : "enrichi" "contribué" "étendu" "formée" "établi"
- Gradation dans le rôle des expéditions
-> Conquête d'un endroit stratégique
-> Conquête territoriale
-> Intervient dans les conflits : gendarme du monde
- "commerce" répété 4 fois en fonction sujet ou complément d'agent -> il est responsable de la richesse de l'Angleterre.
- contraste | "petite île"
"un peu"
"laine grossière"
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"grandeur"
"forces navales"
"maître des mers"
"puissantes"
|
- Chiffres :
"200 vaisseaux"
"3 flottes… 3 extrémités du monde…"
2ème paragraphe : anecdote significative
1. - Situation avantageuse des Français (citer le texte)
- Situation désastreuse pour le prince Eugène.
2.
Hyperbole, importance de l'argent
- une demi-heure -> cinq millions
- juxtaposition "délivra, battit, écrivit "
-> puissance , rapidité
- billet
-> style direct plus vivant
-> modestie
3ème paragraphe : comparaison avec le citoyen romain pour insister sur la grandeur.
"JUSTE orgueil" : mérité
exemple de nobles anglais.
Il prépare la comparaison avec Allemands et Français.
4ème paragraphe : comparaison entre Allemands et Anglais
- Ton ironique
- "orgueil" péjoratif
- "trente altesses du même nom" -> dévaluation
- "juste armoirie et orgueil" ridicule
- "coutume monstrueuse" :
hyperbole
- "entêté" : absurde
5ème paragraphe : comparaison avec les Français
- Vanité et mépris des français
- Ironie "un homme comme moi… un homme de ma qualité…"
- Feint d'hésiter entre lequel est le plus utile alors qu'il est sûr
- Comparaison négociant / aristocrate
termes élogieux ironiques.
"contribue au bonheur du monde" mis en valeur à la fin du texte.
Conclusion
Dans cette lettre sur le commerce, Voltaire fait l'apologie du commerce qui enrichi le monde et critique les aristocrates oisifs. Il veut montrer que l'Angleterre est un modèle à suivre (il a écrit ces lettres alors qu'il était en exil en Angleterre).
On peut rapprocher ce texte de
Candide où il critique les aristocrates et montre que travailler fait le bonheur ("il faut cultiver notre jardin").