La Curée

Emile Zola

Incipit





Plan de la fiche sur l'incipit de La Curée de Emile Zola :
Introduction
Texte de l'incipit
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

- La Curée est le 2ème roman du cycle des Rougon-Macquart, de Emile Zola (1840-1902)
- curée : terme de la chasse à courre, lorsque les chiens ont l'autorisation de manger les entrailles des proies.

    Dans la suite des vingt romans des Rougon-Macquart, La Curée décrit l'assaut de Paris par les spéculateurs de 1850, au lendemain du Second Empire. Emile Zola assimile une vision naturaliste à l'histoire naturelle et sociale de la famille des Rougon-Macquart.

    Nous étudierons ici l'incipit de ce roman.

La Curée - Zola


Texte de l'incipit


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La Curée
Emile Zola

PREMIERE PARTIE


Au retour, dans l'encombrement des voitures qui rentraient par le bord du lac, la calèche dut marcher au pas. Un moment, l'embarras devint tel qu'il lui fallut même s'arrêter.

Le soleil se couchait dans un ciel d'octobre, d'un gris clair, strié à l'horizon de minces nuages. Un dernier rayon, qui tombait des massifs lointains de la cascade, enfilait la chaussée, baignant d'une lumière rousse et pâlie la longue suite des voitures devenues immobiles. Les lueurs d'or, les éclairs vifs que jetaient les roues semblaient s'être fixés le long des réchampis jaune paille de la calèche, dont les panneaux gros bleu reflétaient des coins du paysage environnant. Et, plus haut, en plein dans la clarté rousse qui les éclairait par- derrière, et qui faisait luire les boutons de cuivre de leurs capotes à demi pliées, retombant du siège, le cocher et le valet de pied, avec leur livrée bleu sombre, leurs culottes mastic et leurs gilets rayés noir et jaune, se tenaient raides, graves et patients, comme des laquais de bonne maison qu'un embarras de voitures ne parvient pas à fâcher. Leurs chapeaux, ornés d'une cocarde noire, avaient une grande dignité. Seuls, les chevaux, un superbe attelage bai, soufflaient d'impatience.

- Tiens, dit Maxime, Laure d'Aurigny, là-bas, dans ce coupé... Vois donc, Renée.

Renée se souleva légèrement, cligna les yeux, avec cette moue exquise que lui faisait faire la faiblesse de sa vue.

- Je la croyais en fuite, dit-elle... Elle a changé la couleur de ses cheveux, n'est-ce pas ?

- Oui, reprit Maxime en riant, son nouvel amant déteste le rouge.

Renée, penchée en avant, la main appuyée sur la portière basse de la calèche, regardait, éveillée du rêve triste qui, depuis une heure, la tenait silencieuse, allongée au fond de la voiture, comme dans une chaise longue de convalescente. Elle portait, sur une robe de soie mauve, à tablier et à tunique, garnie de larges volants plissés, un petit paletot de drap blanc, aux revers de velours mauve, qui lui donnait un grand air de crânerie. Ses étranges cheveux fauve pâle, dont la couleur rappelait celle du beurre fin, étaient à peine cachés par un mince chapeau orné d'une touffe de roses du Bengale. Elle continuait à cligner des yeux, avec sa mine de garçon impertinent, son front pur traversé d'une grande ride, sa bouche, dont la lèvre supérieure avançait, ainsi que celle des enfants boudeurs. Puis, comme elle voyait mal, elle prit son binocle, un binocle d'homme, à garniture d'écaille, et, le tenant à la main sans se le poser sur le nez, elle examina la grosse Laure d'Aurigny tout à son aise, d'un air parfaitement calme.

Les voitures n'avançaient toujours pas. Au milieu des taches unies, de teinte sombre, que faisait la longue file des coupés, fort nombreux au Bois par cet après-midi d'automne, brillaient le coin d'une glace, le mors d'un cheval, la poignée argentée d'une lanterne, les galons d'un laquais haut placé sur son siège. Çà et là, dans un landau découvert, éclatait un bout d'étoffe, un bout de toilette de femme, soie ou velours. Il était peu à peu tombé un grand silence sur tout ce tapage éteint, devenu immobile. On entendait, du fond des voitures, les conversations des piétons. Il y avait des échanges de regards muets, de portières à portières ; et personne ne causait plus, dans cette attente que coupaient seuls les craquements des harnais et le coup de sabot impatient d'un cheval. Au loin, les voix confuses du Bois se mouraient.

[...]



La Curée - Zola - incipit



Annonce des axes

I. Un début "in media res" (au milieu de)
II. Les indices spatio-temporels
III. Informations sur les personnages



Commentaire littéraire

I. Un début "in media res" (au milieu de)

- Le lecteur est directement projeté dans le récit mais il ne connaît pas le début.
- "Au retour", mais nous ne savons pas d'où puisque l'allée n'est pas racontée.
- "la calèche" : marque que la calèche doit nous être connue et déterminée.
- Même remarque pour la cascade.
- Les personnages sont directement nommés par leur prénom.
- Ces procédés annoncent un futur retour en arrière.
- Il y a de nombreux indices de lieu et de temps.


II. Les indices spatio-temporels

- Aucun nom propre pour les lieux mais l'environnement est bien décrit ("le lac", "la cascade", "la chaussée", "les Bois"). Nous pouvons reconnaître le Bois de Boulogne qui fut aménagé en promenade en 1858.
- Absence de dates précises mais après l'année 1858.
- Mois d'octobre, dans une saison triste et mélancolique.
- Indices du IIème Empire grâce aux habits (principalement ceux de Renée) et aux calèches.
- Indication sur Laure d'Aurigny : demi-mondaine (actrice et prostituée) et est entretenue (voir Nana).


III. Informations sur les personnages

- Renée et Maxime sont présents mais le personnage principal (Saccard) est absent.
- Personnages s'entendent bien et se tutoient. Ils paraissent familiers et complices (voir les propos sur Laure d'Aurigny).
- Focalisation sur Renée : focalisation omnisciente. Elle est décrite de l'extérieur (avec ses habits, ses gestes et ses humeurs).





Conclusion

    Dans cet Incipit de La Curée, Zola rend sa description réelle en fixant les couleurs et les formes comme dans un tableau impressionniste.
    La catégorie sociale décrite est la bourgeoisie.

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Merci à Stéphanie pour cette analyse sur l'incipit de La Curée de Emile Zola