La Curée

Emile Zola

Chapitre 4 - L'inceste

De "ce fut le seul murmure de ses lèvres…" à "…par une ville complice"





Plan de la fiche sur le chapitre 4 de La Curée de Emile Zola :
Introduction
Texte étudié
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

    Certaines villes comme par exemple Babylone, Sodome et Gomorrhe sont le symbole du Mal. Dans cet extrait du chapitre IV du roman naturaliste La Curée, c'est ce que Zola veut représenter. La Curée est le deuxième roman de la série des Rougon-Macquart, histoire sociale d'une famille du second empire. Cette scène est la première situation d'inceste entre Maxime et Renée.

La Curée - Zola


Texte étudié

    Ce fut le seul murmure de ses lèvres. Dans le grand silence du cabinet, où le gaz semblait flamber plus haut, elle sentit le sol trembler et entendit le fracas de l'omnibus des Batignolles, qui devait tourner le coin du boulevard. Et tout fut dit. Quand ils se retrouvèrent côte à côte, assis sur le divan, il balbutia, au milieu de leur malaise mutuel :

    - Bah ! ça devait arriver un jour ou l'autre.

    Elle ne disait rien. Elle regardait d'un air écrasé les rosaces du tapis.

    - Est-ce que tu y songeais, toi ?... continua Maxime, balbutiant davantage. Moi, pas du tout... J'aurais dû me défier du cabinet...

    Mais elle, d'une voix profonde, comme si toute l'honnêteté bourgeoise des Béraud du Châtel s'éveillait dans cette faute suprême :

    - C'est infâme, ce que nous venons de faire là, murmura-t-elle, dégrisée, la face vieillie et toute grave.

    Elle étouffait. Elle alla à la fenêtre, tira les rideaux, s'accouda. L'orchestre était mort ; la faute s'était commise dans le dernier frisson des basses et le chant lointain des violons, vague sourdine du boulevard endormi et rêvant d'amour. En bas, la chaussée et les trottoirs s'enfonçaient, s'allongeaient, au milieu d'une solitude grise. Toutes ces roues grondantes de fiacres semblaient s'en être allées, en emportant les clartés et la foule. Sous la fenêtre, le café Riche était fermé, pas un filet de lumière ne glissait des volets. De l'autre côté de l'avenue, des lueurs braisillantes allumaient seules encore la façade du café Anglais, une croisée entre autres, entrouverte, et d'où sortaient des rires affaiblis. Et, tout le long de ce ruban d'ombre, du coude de la rue Drouot à l'autre extrémité, aussi loin que ses regards pouvaient aller, elle ne voyait plus que les taches symétriques des kiosques rougissant et verdissant la nuit, sans l'éclairer, semblables à des veilleuses espacées dans un dortoir géant. Elle leva la tête. Les arbres découpaient leurs branches hautes dans un ciel clair, tandis que la ligne irrégulière des maisons se perdait avec les amoncellements d'une côte rocheuse, au bord d'une mer bleuâtre. Mais cette bande de ciel l'attristait davantage, et c'était dans les ténèbres du boulevard qu'elle trouvait quelque consolation. Ce qui restait au ras de l'avenue déserte du bruit et du vice de la soirée, l'excusait. Elle croyait sentir la chaleur de tous ces pas d'hommes et de femmes monter du trottoir qui se refroidissait. Les hontes qui avaient traîné là, désirs d'une minute, offres faites à voix basse, noces d'une nuit payées à l'avance, s'évaporaient, flottaient en une buée lourde que roulaient les souffles matinaux. Penchée sur l'ombre, elle respira ce silence frissonnant, cette senteur d'alcôve, comme un encouragement qui lui venait d'en bas, comme une assurance de honte partagée et acceptée par une ville complice.

La Curée, extrait du chapitre 4 - Emile Zola




Annonce des axes

I. Mise en scène sacrée de la faute, scène primitive, nœud du roman
1. Honte de Renée, culpabilité, malaise du couple
2. Description de Paris la nuit
3.Dimension de l'horreur sacrée

II. Description de Paris comme une Babylone moderne
1. Point de vue narratif interne
2. Progression de la description
3. La fonction de la description



Commentaire littéraire

I. Mise en scène sacrée de la faute, scène primitive, nœud du roman

1. Honte de Renée, culpabilité, malaise du couple

- champ lexical du malaise ("honte", "balbutia", malaise"...)
- cadence mineure, rythme saccadé des gestes de Renée "alla à la fenêtre, tira les rideaux, s'accouda"
- allitération en [s] : faute qui renvoie à la figure du serpent.

La scène n'est pas décrite entièrement, il n'y a pas de description inutile -> les personnages ne sont pas conscients de ce qu'ils sont en train de faire -> soucis du naturalisme

Il n'y a pas de description par réalisme :
- le cabinet se transforme en lieu infernal : "le gaz semblait flamber plus haut", " elle sentit le sol trembler" " le fracas de l'omnibus" -> dramatisation d'événements simples et réels.
Scène symbolique qui participe à la dimension tragique du passage.


2. Description de Paris la nuit

- en mouvement : du haut vers le bas
regard de Renée "d'un air écrasé les rosaces du tapis", "en bas", "les trottoirs s'enfonçaient"
- Image de l'enfer, de la mort "l'orchestre était mort"
- Mouvement de fuite "semblaient s'en être allées" "en emportant" -> Paris se vide de la foule, donc de la vie
- "en emportant les clartés et la foule", "dans les ténèbres du boulevard" -> scène sombre
- Thème de la pesanteur (traduction physique de leur malaise) "lourde", "irrespirable", "ténèbres"


3. Dimension de l'horreur sacrée

PHYSIQUEMENT
- enfermement ; enfermée dans un cabinet
- solitude : comparaison à un "dortoir géant", "la mer", "le ruban d'ombre"
- petitesse de Renée face à la ville.

PSYCHOLOGIQUEMENT : honte "c'est infâme"
- ce renfermement trouble son regard
- la phrase se termine par l'accumulation "dégrisée, la face vieillie et toute grave" à échéance morale
- Echo sonore, allitération gutturale en [gr] "dégrisée", "grave" qui insiste sur le côté négatif


II. Description de Paris comme une Babylone moderne

1. Point de vue narratif interne

Description de Paris la nuit à l'imparfait.
Fidélité de Zola à la description au naturalisme
- verbes d'actions "alla", "s'accouda"

Le point de vue narratif est interne :
- A travers le regard de Renée "elle croyait sentir", "l'attristait", "elle ne voyait plus que"
- Regard de femme car émotions et sensations :
      - les couleurs
      - l'ouïe
      - l'odorat
- "comme un encouragement qui lui venait d'en bas, comme une assurance de honte partagée" c'est par ses sensations qu'elle évacue sa culpabilité et aussi en rejetant sa faute sur Paris "ville complice".


2. Progression de la description

- multiplication des marqueurs spatiaux
- mouvement de la description liée aux mouvements de Renée
- La progression de la description suit l'état d'âme de Renée : début "écrasé", "solitude", "s'en être allées" ; fin "chaleur", "bruit", "roulaient", "respira". Culpabilité puis acceptation de ce qu'il vient de se passer.
- Nature et mon de des hommes : Paris d'abord décrit comme un désert "dortoir géant", "vide", "solitude". Puis monde des hommes "chaleur de tous ces pas", "les hontes", "noces".


3. La fonction de la description

ESTHETIQUE
- 3 noms propres : café riche, café anglais, et rue Drouot
- contrastes forts : bruit / silence, lumière / obscurité

SYMBOLIQUE
Paris apparaît comme une Babylone moderne
- Paris complice "ville complice"
Naturalisme : influence du milieu sur les personnages -> la ville de paris va pousser Renée à accepter le Mal, par des sensations envoûtantes "chaleur de tous ces pas", "souffles", "senteur d'alcôve".





Conclusion

    A travers cette scène du Chapitre 4 de La Curée de Zola où la culpabilité de Renée règne face à l'inceste commis avec Maxime, on découvre que Renée n'est décrite par Zola que comme un corps, uniquement dans les sensations sans réflexion. D'où l'influence de la ville de Paris, ville du vice qui la pousse à accepter son tort. Tel est l'un des principes du naturalisme comme quoi le milieu influence les personnages.

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Merci à celui ou celle qui m'a envoyé cette analyse du chapitre 4 de La Curée de Emile Zola