Plan de la fiche sur
De l'amitié de Montaigne (Les Essais) :
Introduction
Ecrit en 1580,
De l’amitié est tiré de
Les Essais, et rend hommage à La
Boétie, grand ami de
Montaigne. Puis, au fil des années, Montaigne
ajoutera des notes écrites sur son manuscrit qui ne verront le jour qu’en
1595, à titre posthume. Ce texte relate donc l’amitié que Montaigne a vécue avec La Boétie, amitié qu’il considéra
comme un mélange de deux âmes pour ne former plus qu’une.
Texte étudié
De l'amitié
Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce
ne sont qu'accointances et familiarités nouées par quelque occasion
ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s'entretiennent.
En l'amitié de quoi je parle, elles se mêlent et confondent l'une
en l'autre, d'un mélange si universel qu'elles effacent et ne retrouvent
plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais,
je sens que cela ne se peut exprimer, qu'en répondant : « Parce
que c'était lui, parce que c'était moi. »
Il y a, au-delà de tout mon discours, et de ce que j'en puis dire particulièrement,
ne sais quelle force inexplicable et fatale, médiatrice de cette union.
Nous nous cherchions avant que de nous être vus, et par des rapports
que nous oyions l'un de l'autre, qui faisaient en notre affection plus d'effort
que ne porte la raison des rapports, je crois par quelque ordonnance du ciel ; nous nous embrassions par nos noms. Et à notre première rencontre,
qui fut par hasard en une grande fête et compagnie de ville, nous nous
trouvâmes si pris, si connus, si obligés entre nous, que rien
dès lors ne nous fut si proche que l'un à l'autre. Il écrivit
une satire latine excellente, qui est publiée, par laquelle il excuse
et explique la précipitation de notre intelligence, si promptement parvenue à sa
perfection. Ayant si peu à durer, et ayant si tard commencé,
car nous étions tous deux hommes faits, et lui plus de quelques années,
elle n'avait point à perdre de temps et à se régler au
patron des amitiés molles et régulières, auxquelles il
faut tant de précautions de longue et préalable conversation.
Celle-ci n'a point d'autre idée que d'elle-même, et ne se peut
rapporter qu'à soi. Ce n'est pas une spéciale considération,
ni deux, ni trois, ni quatre, ni mille : c'est je ne sais quelle quintessence
de tout ce mélange, qui ayant saisi toute ma volonté, l'amena
se plonger et se perdre dans la sienne ; qui, ayant saisi toute sa volonté,
l'amena se plonger et se perdre en la mienne, d'une faim, d'une concurrence
pareille. Je dis perdre, à la vérité, ne nous réservant
rien qui nous fût propre, ni qui fût ou sien, ou mien.
Les Essais, livre Ier, chapitre XXVIII - Montaigne
Podcast de France inter sur De l'amitié, de Montaigne
Annonce des axes
Dans une première partie nous étudierons la présence du destin dans leur amitié, puis dans une seconde partie nous analyserons en quoi cette amitié est différente des autres, enfin dans une dernière partie nous verrons en quoi cette amitié est indicible.
I. Une amitié prédestinée
II. Une amitié différente des autres
III. Une amitié indicible
Commentaire littéraire
I. Une amitié prédestinée
- Un amour fatal, le destin les a liés.
- Amitié parfaite car non préméditée « Nous
nous cherchions avant que de nous êtres vus » -> ils devaient se trouver
-> union anticipée.
- La Boétie est mort lorsque Montaigne rajoute « Ayant
si peu à durer, et ayant si tard commencé, …»
- C’était une grande fête mais le destin les a quand
même rapproché.
- Le ciel les a réunis-> « quelque
ordonnance du ciel »
II. Une amitié différente des autres
- Amitié fusionnelle
- Champ lexical de l’union
- Cette amitié fait penser à une expérience mystique – élection divine
- Une expérience chimique avec « quintessence »
- Mélange chimique -> « mélange », « confonde », « quintessence ».
III. Une amitié indicible
« ne sais quelle »
« je crois par … »
« je ne sais quelle »
-> amitié indicible
- Amitié ineffable car parfaite (elle n’a aucun modèle).
- « Parce que c’était lui ; parce que c’était
moi » -> vers blanc (seul), parallélisme, alexandrin : définition
poétique de l'amitié.
- Mélange des deux âmes pour n’en former plus qu’une
->
métaphore des deux âmes cousues, donc qui sont inséparables. « ne
retrouvent plus la couture qui les a jointes. »
- Une amitié indicible à tel point que Montaigne rajoutera plus
tard des notes dans la marge qui seront publiées en 1595.
(C’est
le texte qui n’est pas souligné)
Conclusion
Ainsi Montaigne décrit son amitié parfaite
avec La Boétie. Une amitié rare, car réciproque au point
que les deux âmes se confondent. Montaigne fait donc l’éloge
d’une amitié exceptionnelle, à l’inverse de Molière
qui après lui fera une critique de l’hypocrisie dans l’amitié.