Plan de la fiche sur
La Torture de Montaigne (Les Essais) :
Introduction
Montaigne a écrit
Les
Essais au 16ème siècle. Cet ouvrage n'est pas une autobiographie mais un autoportrait. Montaigne ne veut pas imposer une
leçon au lecteur mais il nous invite à découvrir ses observations et ses réflexions.
Les
Essais n'ont pas d'équivalent. Montaigne complète les chapitres déjà rédigés
au fur et à mesure que sa pensée évolue. C'est pour cela que nous avons trois
dates de publication. Montaigne est un auteur qui s'implique dans les sujets
de société afin de la faire évoluer. C'est un humaniste. L'Humanisme est un courant
de pensée qui se développe en Europe et en France au 15ème et 16ème siècle. Dans
ce courant de pensée, l'homme est placé au centre des préoccupations.
Dans cet extrait du chapitre "Sur la conscience", Montaigne dénonce la torture.
Montaigne
Texte étudié
Chapitre 5 : Sur la conscience
[...]
C'est une dangereuse invention que celle de la torture, et il semble bien que ce soit plus une épreuve d'endurance que de vérité. Celui qui peut la supporter cache la vérité tout autant que celui qui ne le peut pas. Pourquoi en effet la douleur me ferait-elle plutôt dire ce qui est que ce qui n'est pas ? Et à l'inverse, si celui qui est innocent de ce dont on l'accuse est assez fort pour supporter ces souffrances, pourquoi celui qui en est coupable ne le serait-il pas lui aussi, quand en échange ce qu'on lui propose est d'avoir la vie sauve ? Je pense que le fondement de cette invention réside dans la considération accordée à l'effort de la conscience. Car dans le cas du coupable, il se pourrait qu'elle l'affaiblisse, et s'ajoute à la torture pour lui faire confesser sa faute ; à l'inverse, elle fortifierait l'innocent contre ses tourments. Mais en vérité, c'est un moyen plein d'incertitude et de danger. Que ne dirait-on pas, que ne ferait-on pas pour échapper à des souffrances aussi horribles ?
La souffrance oblige à mentir même les innocents.
Il arrive donc que le juge, qui a soumis un homme à la « question » pour ne pas le faire mourir s'il est innocent, le fait finalement mourir et innocent... et torturé. Il en est tant qui se sont accusés eux-mêmes en faisant de fausses confessions ! Et parmi eux je citerai Philotas, en voyant les circonstances du procès que lui fit Alexandre, et le déroulement de sa torture.
On prétend que c'est la chose la moins mauvaise que la faiblesse humaine ait pu inventer... Bien inhumaine, pourtant, et inutile, à mon avis ! Plusieurs peuples, en cela moins « barbares » que les Grecs et les Romains, qui les appellent pourtant ainsi, estiment qu'il est horrible et cruel de faire souffrir et démembrer un homme, dont la faute n'est pas avérée. Que peut-il contre cette ignorance ? N'êtes-vous pas injustes, sous prétexte de ne pas le tuer sans raison, de lui faire subir quelque chose de pire encore que la mort ? Et pour preuve qu'il en est bien ainsi, voyez comment bien des fois il préfère mourir sans raison que de passer par cette épreuve. Elle est plus pénible que le supplice final lui-même, et bien souvent, tellement insupportable, qu'elle le devance et même l'exécute.
Je ne sais d'où je tiens cette histoire, mais elle reflète bien la conscience dont sait faire preuve notre justice. Devant le Général d'armée, grand justicier, une villageoise accusait un soldat d'avoir enlevé à ses jeunes enfants ce peu de bouillie qui lui restait pour les nourrir, l'armée ayant tout ravagé. Mais pas de preuves !... Le Général somma la femme de bien considérer ce qu'elle disait, car elle devrait répondre de son accusation si elle mentait. Mais comme elle persistait, il fit alors ouvrir le ventre du soldat pour connaître la vérité. Et la femme se trouva avoir raison. Voilà bien une condamnation instructive.
Scène de l'inquisition (détail) - Alessandro Magnasco (1667 - 1749)
Annonce des axes
I. Texte argumentatif
1. La thèse
2. Les arguments
3. Les exemples
II. Dénonciation de la torture
1. Des arguments de poids
2. Implication du narrateur
Commentaire littéraire
I. Texte argumentatif
1. La thèse
• « Une dangereuse invention » = terme fort
• Il oppose la vérité à la torture « et celui qui les peut souffrir cache la
vérité… »
2. Les arguments
• Epreuve qui teste la capacité à résister à la douleur
• Torture = conscience (effort de la conscience ligne 8 à 13)
• Torture = vérité et = innocence (ligne 14 à 20)
-> Moyen peu fiable qui ne permet pas de découvrir la vérité. Les facteurs
pris
en compte ne sont pas sûrs. Chaque individu peut tromper la justice en mentant.
3. Les exemples
Montaigne prend des exemples dans différents domaines :
• Exemple historique de Philotas : Alexandre Le Grand apprit qu’un complot se
mettait en place contre lui. Les gens de son entourage l'ont convaincu que c’était
Philotas qui était à l’origine de cela car ce dernier disait que sans lui et
sans son père Parménion, Alexandre n'aurait pas remporté toutes ces victoires.
Alexandre l’arrêta et le tortura pour connaître la vérité. Philotas ne supportant
pas la torture avoua mais nous ne savons pas vraiment si il était coupable ou non.
• Exemple des nations qui ont supprimé la torture ligne 25.
• Exemple du conte (exemple fort) : Si la femme avait menti, un homme innocent serait mort.
-> Raisonnement déductif (raisonnement qui va de la thèse à l’exemple).
II. Dénonciation de la torture
1. Des arguments de poids
• Capacité à résister. Celui qui peut la supporter n’avoue pas et inversement,
celui qui ne peut la supporter avoue même si il est innocent. Donc la torture
empêche la vérité d’éclater.
• On applique cette méthode car on juge « l’effort de la conscience » : le coupable
devrait avouer car sa conscience sous l’effet de la torture l’aide à reconnaître
sa culpabilité et inversement, si il est innocent sa conscience l’aidera à résister à la
torture.
• Moyen peu fiable
• Conséquence tragique : l’innocent est torturé et mis à mort.
2. Implication du narrateur
• Par un discours argumentatif
• Utilisation de la première personne (je pense, à mon avis…)
• Soucis de convaincre le lecteur. Il repose plusieurs fois les mêmes questions
afin de capter leur intention, pour qu’il ait un avis.
• Questions rhétoriques (pourquoi…)
• Le narrateur amène le lecteur à partager son point de vue et à prendre parti
contre la torture.
• Il a gardé pour la fin un exemple choc qui illustre sa thèse et qui montre
les conséquences extrêmes d’un mauvais procédé.
• La dernière phrase est ironique.
Conclusion
Montaigne, par le biais d’un texte argumentatif dénonce les châtiments corporels.
Des innocents meurent à cause de la torture. Ils ne peuvent supporter la douleur
donc avouent ce que les juges veulent entendre. On ne doit pas avoir confiance
en ce moyen. Certains peuples ont banni la torture de leurs pays comme les grecs et les romains.
Ouverture :
article Torture, de Voltaire