La vertu aimable

Les Essais - Montaigne

Extrait du chapitre "De l’institution des enfants" - Livre Ier, chapitre XXV -

De "L’âme qui loge la philosophie..." à "...fantôme à étonner les gens."




Plan de la fiche sur La vertu aimable de Montaigne (Les Essais) :
Introduction
Texte étudié
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

     Le texte « La vertu aimable » appartient au chapitre « De l’institution des enfants ». C’est un extrait de l’œuvre majeure de Montaigne, Les Essais. Montaigne est un homme qui a reçu une éducation moderne, bachelier, il devient magistrat et sera élu deux fois maire de Bordeaux.
     Il s’inscrit dans le XVIème siècle, siècle de la Renaissance, parvenue en France grâce aux guerres d’Italie. Un des principaux mouvements de la Renaissance est l’Humanisme, mouvement qui place l’homme au centre de la pensée.


Texte étudié

La vertu aimable


L'ame qui loge la philosophie, doit par sa santé rendre sain encores le corps : elle doit faire luyre jusques au dehors son repos, et son aise : doit former à son moule le port exterieur, et l'armer par consequent d'une gratieuse fierté, d'un maintien actif, et allaigre, et d'une contenance contante et debonnaire. La plus expresse marque de la sagesse, c'est une esjouissance constante : son estat est comme des choses au dessus de la lune, tousjours serein. C'est Baroco et Baralipton, qui rendent leurs supposts ainsi crotez et enfumez ; ce n'est pas elle, ils ne la cognoissent que par ouyr dire. Comment ? elle faict estat de sereiner les tempestes de l'ame, et d'apprendre la faim et les fiebvres à rire : non par quelques Epicycles imaginaires, mais par raisons naturelles et palpables. Elle a pour son but, la vertu : qui n'est pas, comme dit l'eschole, plantée à la teste d'un mont coupé, rabotteux et inaccessible. Ceux qui l'ont approchée, la tiennent au rebours, logée dans une belle plaine fertile et fleurissante : d'où elle void bien souz soy toutes choses ; mais si peut on y arriver, qui en sçait l'addresse, par des routtes ombrageuses, gazonnées, et doux fleurantes ; plaisamment, et d'une pante facile et polie, comme est celle des voutes celestes. Pour n'avoir hanté cette vertu supreme, belle, triumphante, amoureuse, delicieuse pareillement et courageuse, ennemie professe et irreconciliable d'aigreur, de desplaisir, de crainte, et de contrainte, ayant pour guide nature, fortune et volupté pour compagnes : ils sont allez selon leur foiblesse, faindre cette sotte image, triste, querelleuse, despite, menaceuse, mineuse, et la placer sur un rocher à l'escart, emmy des ronces : fantosme à estonner les gents.

Les Essais, livre Ier, chapitre XXV - Montaigne



Annonce des axes

I. Le corps, représentant de l’âme
II. Une vertu accessible



Commentaire littéraire

I. Le corps, représentant de l’âme

- La distinction entre le corps et l’esprit remonte à l’Antiquité. Le corps a longtemps représenté un péché pour l’Eglise. Les humanistes, eux, y voient un ensemble, ils mettent en accord le corps et l’âme.

- Le corps reflète la sagesse acquise.
Philosophie : étymologie, philo = aimer, sophia = sagesse
« former à son moule » (début de l'extrait)
« jusques au dehors » (début de l'extrait)
      => L’aspect extérieur va représenter l’aspect intérieur.

- Allure, port extérieur
« gracieuse fierté », « actif, allègre » (début de l'extrait)
Termes mélioratifs
      => L’expression corporelle est l’expression de l’âme

- « contenance contente et débonnaire » (début de l'extrait)
Absence de colère
« réjouissance constante » (début de l'extrait)
« sereiner les tempêtes de l’âme, apprendre la faim et les fièvres à rire » (milieu de l'extrait)
Le corps doit aider l’âme à se contenir.
Référence au stoïcisme : ne pas se plaindre, ne pas se laisser envahir, supporter la douleur
      => Si l’âme va bien le corps va bien, et vice versa…


II. Une vertu accessible

- Vertu = ce vers quoi l’homme doit tendre

- Montaigne dément le fait que la vertu soit inaccessible
L11 « qui n’est pas comme dit l’école »
= comme le veut la morale
- « coupé, raboteux, inaccessible » (milieu de l'extrait)
« plantée à la tête »
= métaphore à valeur négative
      => Ce sont les hommes qui ont dit que la vertu est inaccessible car eux étaient incapables de l’atteindre.
« selon leur faiblesse » (fin de l'extrait)
« la placer sur un rocher à l’écart » (fin de l'extrait)
      => Les hommes ont rendus eux-mêmes la vertu inaccessible.

- La vertu, selon Montaigne, est accessible mais il ne faut pas se décourager.
« par des routes ombrageuses » (milieu de l'extrait)

- Montaigne explique de manière métaphorique ce qu’est la vertu.
Métaphore filée pour dire où elle se trouve.
« fertile, fleurissante » (milieu de l'extrait) = qui donne naissance
« belle » (milieu de l'extrait) = adjectif mélioratif
Cette métaphore filée est opposée au groupe de mots « coupé, raboteux, inaccessible » (milieu de l'extrait)
« vertu suprême, belle, gracieuse, triomphante, amoureuse… » = énumération positive
en opposition avec « sotte image, triste, querelleuse, dépite… » (fin de l'extrait).





Conclusion

     Le corps n’est plus tabou, et est maintenant au service de l’âme. Montaigne destine l’âme à la vertu et dénonce ceux qui l’ont rendue inaccessible.

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Merci à Pauline pour cette analyse sur La vertu aimable - Les Essais - Montaigne