Les Fausses confidences

Marivaux

Acte I, scène 7






Plan de la fiche sur la scène 7 de l'Acte 1 de Les Fausses confidences de Marivaux :
Introduction
Lecture de la scène 7 de l'acte 1
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion




Introduction

   Araminte vient d'apercevoir Dorante et a été frappé par son physique et ses manières. La scène 7 de Les Fausses confidences se présente comme le premier entretient entre Araminte et son futur intendant. Elle devrait donc porter sur l’expérience professionnelle du jeune homme. Or, ce point n’apparaît pratiquement pas, bien qu’Araminte soit une femme extrêmement raisonnable. Cette rencontre a donc pour intérêt de nous faire mesurer le trouble qu’éprouve dès ce moment Araminte qui ne le connaît pour tant que de vue. Quant à Dorante, la scène montre son habileté à laisser transparaître ses sentiments en utilisant un double langage.

Marivaux
Marivaux



Lecture de la scène 7 de l'acte 1

Acte I, scène 7

DORANTE, ARAMINTE, MARTON


MARTON - Monsieur Dorante, Madame vous attend.
ARAMINTE - Venez, Monsieur ; je suis obligée à Monsieur Remy d'avoir songé à moi. Puisqu'il me donne son neveu, je ne doute pas que ce ne soit un présent qu'il me fasse. Un de mes amis me parla avant-hier d'un intendant qu'il doit m'envoyer aujourd'hui ; mais je m'en tiens à vous.
DORANTE - J'espère, Madame, que mon zèle justifiera la préférence dont vous m'honorez, et que je vous supplie de me conserver. Rien ne m'affligerait tant à présent que de la perdre.
MARTON - Madame n'a pas deux paroles.
ARAMINTE - Non, Monsieur ; c'est une affaire terminée, je renverrai tout. Vous êtes au fait des affaires apparemment ; vous y avez travaillé ?
DORANTE - Oui, Madame ; mon père était avocat, et je pourrais l'être moi-même.
ARAMINTE - C'est-à-dire que vous êtes un homme de très bonne famille, et même au-dessus du parti que vous prenez ?
DORANTE - Je ne sens rien qui m'humilie dans le parti que je prends, Madame ; l'honneur de servir une dame comme vous n'est au-dessous de qui que ce soit, et je n'envierai la condition de personne.
ARAMINTE - Mes façons ne vous feront point changer de sentiment. Vous trouverez ici tous les égards que vous méritez ; et si, dans les suites il y avait occasion de vous rendre service, je ne la manquerai point.
MARTON - Voilà Madame : je la reconnais.
ARAMINTE - Il est vrai que je suis toujours fâchée de voir d'honnêtes gens sans fortune, tandis qu'une infinité de gens de rien et sans mérite en ont une éclatante. C'est une chose qui me blesse, surtout dans les personnes de son âge, car vous n'avez que trente ans tout au plus ?
DORANTE - Pas tout à fait encore, Madame.
ARAMINTE - Ce qu'il y a de consolant pour vous, c'est que vous avez le temps de devenir heureux.
DORANTE - Je commence à l'être aujourd'hui, Madame.
ARAMINTE - On vous montrera l'appartement que je vous destine ; s'il ne vous convient pas, il y en a d'autres, et vous choisirez. Il faut aussi quelqu'un qui vous serve et c'est à quoi je vais pourvoir. Qui lui donnerons-nous, Marton ?
MARTON - Il n'y a qu'à prendre Arlequin, Madame. Je le vois à l'entrée de la salle et je vais l'appeler. Arlequin, parlez à Madame.

Marivaux - Les Fausses confidences - Acte I, scène 7




Annonce des axes

    Nous verrons tout d’abord la manière dont Marivaux met en évidence le trouble de la jeune femme puis l’aptitude de Dorante à pousser son avantage, et enfin l’atmosphère comique qui en résulte.

I. Le trouble d’Araminte
II. L’aptitude de Dorante à pousser son avantage
III. Le comique de la scène



Commentaire littéraire

I. Le trouble d’Araminte

     Conformément à la théorie de Marivaux sur les manifestations de l’amour naissant, Araminte semble conquise sans en avoir pris conscience et ne songe qu’au moyen d’engager Dorante et de le rapprocher d’elle.
     Nous voyons qu’Araminte est déjà séduite par les compliments qu’elle adresse à Dorante à propos de son oncle. L’estime qu’elle témoigne vis à vis de l’oncle est un moyen de faire comprendre au neveu qu’il pourrait en bénéficier. Le Comte est relégué à l’arrière plan, ce n’est qu’un ami. Dorante est engagé immédiatement sans avoir donné de références. Araminte confirme cet engagement (c’est une affaire terminée) et ce n’est qu’après l’avoir engagé qu’elle lui demande ses qualifications (Vous êtes au courant des affaires ?). Elle ne tient pas compte de ce qu’il pourrait y avoir d’apaisant pour elle. Elle ne retient que ce qui est positif. Elle n'est pas objective.

    Elle s’efforce de le valoriser pour le rapprocher d’elle (Vous êtes un homme de très bonne famille). Elle le traite sur un pied d’égalité (Tous les égards que vous méritez). Elle dit qu’elle est insensible aux préjugés sociaux. Le mérite pour elle n’est pas proportionné à sa fortune. Elle prend toutefois la précaution de consacrer une partie de sa réplique à Marton. Elle en vient par maladresse à provoquer un début d’aveu lorsqu’elle dit à Dorante que son âge lui permettrait de devenir heureux, c’est-à-dire d’obtenir une fortune qui correspond à son mérite. Mais la réponse de Dorante la ramène à la prudence. Elle coupe court à toute possibilité de dérive galante en abordant des questions terre-à-terre : celle de l’appartement et celle du valet. Bien qu’elle demeure très obligeante, la fin de sa question s’adresse à Marton par mesure de prudence.


II. L’aptitude de Dorante à pousser son avantage

     Dorante qui avait paru timide et peu sûr de lui dans la scène 2 se montre tout à fait digne des espoirs de Dubois et particulièrement habile au maniement du double langage. Tout en adoptant le langage du serviteur dévoué, il laisse à Araminte la liberté d’interpréter ses paroles sur un autre plan. L’honneur de servir une dame est un propos profondément ambigu. La déclaration est presque évidente à la dernière réplique : je commence à l’être aujourd’hui, Madame. Il est habile à rebondir sur les mots (heureux en est un exemple caractéristique). Il sait se mettre en valeur quand cela est nécessaire. Il réussit parfaitement ce premier examen.


III. Le comique de la scène

     Le comique est fondé sur la fausseté de la situation des trois personnages. Araminte, très émue, s’efforce de faire bonne contenance mais conduit l’entretien en dépit du bon sens. Elle en vient à favoriser par un mot malheureux un aveu qu’elle devrait en toute logique éviter pour ne pas se retrouver dans une situation désagréable. Dorante, très maître de lui, joue le parfait amant au cours d’un entretien d’affaire et le spectateur s’amuse de le voir glisser des termes galants tout en jouant au serviteur zélé. Marton enfin fait l’éloge de sa rivale croyant consolider ses affaires. L’estime qu’Araminte témoigne à Dorante devrait favoriser Marton. Son assurance naïve amuse le spectateur nullement tenté de s’apitoyer sur elle étant donné le réalisme choquant dont elle a fait preuve en soutenant les intérêts du Comte.





Conclusion

   Cette première rencontre confirme les espoirs de Dubois sur les chances de réussite de son plan. La faiblesse d’Araminte face aux charmes de Dorante est évidente. Le mérite de ce dernier se révèle dans sa maîtrise du langage et son aptitude à saisir l’occasion favorable. Enfin Marton se laisse abuser sans éveiller la moindre pitié chez le spectateur. C’est de cette situation piquante que naît le comique du jeu sur les apparences dont finira par émerger la vérité et qui constitue l’essence même du Marivaudage.

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Merci à celui ou celle qui m'a envoyé cette analyse sur la scène 7 de l'acte 1 de Les Fausses confidences de Marivaux