Plan de la fiche sur le texte final du livre IV -
Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau :
Introduction
Ce passage clôt le livre IV.
Rousseau a désormais trouvé
un emploi et gagne «pour la première fois (
) [son] pain
avec honneur ». Ce texte comme le préambule est argumentatif.
Cest un discours sur le projet autobiographique.
- but - à qui parle-t-il ? A Dieu ? aux lecteurs contemporains ? futurs ?
- tonalité ? - pacte respecté ?
- rôle du lecteur ? - désignation des Confessions ?
Lecture du texte
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Lu par Pomme - source : litteratureaudio.com
Ces longs détails de ma première jeunesse auront paru bien puérils et j'en suis fâché: quoique né homme à certains égards, j'ai été longtemps enfant, et je le suis encore à beaucoup d'autres. Je n'ai pas promis d'offrir au public un grand personnage : j'ai promis de me peindre tel que je suis; et pour me connaître dans mon âge avancé, il faut m'avoir bien connu dans ma jeunesse. Comme en général les objets font moins d'impression sur moi que leurs souvenirs, et que toutes mes idées sont en images, les premiers traits qui se sont gravés dans ma tête y sont demeurés, et ceux qui s'y sont empreints dans la suite se sont plutôt combinés avec eux qu'ils ne les ont effacés. Il y a une certaine succession d'affections et d'idées qui modifient celles qui les suivent, et qu'il faut connaître pour en bien juger. Je m'applique à bien développer partout les premières causes, pour faire sentir l'enchaînement des effets. Je voudrais pouvoir en quelque façon rendre mon âme transparente aux yeux du lecteur ; et pour cela je cherche à la lui montrer sous tous les points de vue, à l'éclairer par tous les jours, à faire en sorte qu'il ne s'y passe pas un mouvement qu'il n'aperçoive, afin qu'il puisse juger par lui-même du principe qui les produit.
Si je me chargeais du résultat et que je lui disse : tel est mon caractère, il pourrait croire, sinon que je le trompe, au moins que je me trompe. Mais en lui détaillant avec simplicité tout ce qui m'est arrivé, tout ce que j'ai pensé, tout ce que j'ai senti, je ne puis l'induire en erreur, à moins que je ne le veuille ; encore, même en le voulant, n'y parviendrais-je pas aisément de cette façon. C'est à lui d'assembler ces éléments, et de déterminer l'être qu'ils composent: le résultat doit être son ouvrage; et s'il se trompe alors, toute l'erreur sera de son fait. Or il ne suffit pas pour cette fin que mes récits soient fidèles, il faut aussi qu'ils soient exacts. Ce n'est pas à moi de juger de l'importance des faits ; je les dois tous dire, et lui laisser le soin de choisir. C'est à quoi je me suis appliqué jusqu'ici de tout mon courage, et je ne me relâcherai pas dans la suite. Mais les souvenirs de l'âge moyen sont toujours moins vifs que ceux de la première jeunesse. J'ai commencé par tirer de ceux-ci le meilleur parti qu'il m'était possible. Si les autres me reviennent avec la même force, des lecteurs impatients s'ennuieront peut-être, mais moi je ne serai pas mécontent de mon travail. Je n'ai qu'une chose à craindre dans cette entreprise : ce n'est pas de trop dire ou de dire des mensonges, mais c'est de ne pas tout dire et de taire des vérités.
Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau - Texte final - Livre IV
Annonce des axes
I. Désignation des Confessions
II. Rôle du lecteur
III. Idée de faire lunité de son personnage
Commentaire littéraire
I. Désignation des Confessions
Il poursuit le fait quil va se peindre : « Je nai pas promis
au public un grand personnage » ; « jai promis de me peindre
tel que je suis ». Le but du projet autobiographique qui était
de dire «ce que jai fait, ce que jai pensé, ce que
je fus »est repris ici par « tout ce qui mest arrivé,
tout ce que jai fait, tout ce que jai pensé, tout ce que
jai senti ». Il affirme les mêmes objectifs qui sont de
« [se] montrer tel qu[il] fut ». Rousseau est daccord
avec sa promesse mais nest pas sur davoir tout dit et craint
« de taire des vérités ».
II. Rôle du lecteur
Dans le préambule, il refusait dêtre en contact avec le
lecteur, il était au-dessus deux. La présence des lecteurs
est attendue lors du «jugement dernier » Le lecteur est ici
nommément désigné : « public », « lecteur », lui, l, il, lui-même. Le lecteur est
omniprésent dans ce passage. Il y a un souci du lecteur qui doit le
juger. Ce jugement est dordre moral : « juger par lui-même du
principe qui les produit ». Il faut connaître sa vie
pour pouvoir « en bien juger ». Son jugement moral devient plus
esthétique et veut faire comprendre ce qui lui est arrivé.
La seule personne qui peut savoir qui il est, est le lecteur, mais après
avoir rassemblé tous les éléments qui constituent rousseau.
De plus, « le résultat doit être son ouvrage ». Le
jugement du lecteur ne peut être totalement objectif du fait que
cest rousseau qui apporte les éléments.
III. Idée de faire lunité de son personnage
On a dans le préambule, un caractère de tribunal, où
il présente les faits dans un livre. Ici, il utilise un terme plus
modeste : une entreprise. Rousseau voit son uvre comme un ensemble
de fragments. Il a lidée de rassembler des éléments : Confessions.
Il y a une continuité entre lenfant quil a été
et ladulte quil est aujourdhui. Cest en trouvant
sa source dans lenfance que lon peut comprendre aujourdhui.
Il affirme quil na pas changé quil est encore enfant.
Rousseau avait lidée que se montrer lui, était montré
un homme. Il montrait plus la singularité de lhomme et non pas
lui dans sa totalité. Le projet est à la fin beaucoup plus
modeste. Le ton solennel du préambule a disparu, tout comme Dieu.
Le texte est ici argumentatif avec des conjonctions de coordinations : « mais, et, or ». Les verbes sont plus humbles : « cherche à
lui montrer », « avoir en sorte que »
Il y a moins
darrangements et un langage métaphorique : « la vie qui
coule ». Le projet apparaît plus à létat alors
quil a écrit déjà 4 livres.
Conclusion
Cest après être vraiment entré dans le vif du sujet
que Rousseau a pris conscience du projet. Ceci va le lancer pour la
continuité de lécriture de luvre. Le
caractère humain apparaît du fait quil nest plus
totalement maître de son entreprise. Il constitue lorigine de
ce que sera lêtre après à la manière de
Freud 100 ans plus tard. Rousseau attire lattention sur lauteur
et sur limportance du lecteur qui doit découvrir le sens de
son uvre.