La Fortune des Rougon

Emile Zola - 1870

La colonne des insurgés

De "La bande descendait..." à "...criait vengeance et liberté."




Plan de la fiche sur un extrait de La Fortune des Rougon de Emile Zola :
Introduction
Texte étudié
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

     Ce texte est extrait du premier chapitre. Nous sommes le dimanche 7 décembre 1851 (=> rumeur de coup d’état) vers 23h / opposition des insurgés (= républicains). Miette et Silvère se promènent le soir. Silvère fait ses adieux pour rejoindre la colonne des insurgés.

     Première apparition des insurgés (=> puis seront présents dans tout le roman). C’est une description en focalisation interne (point de vue de Miette et Silvère). Description positive, laudative. Silvère est acquis aux idées républicaines, alors que Miette redoute la colonne car mort possible pour Silvère.

Problématique : En quoi le texte se fait-il raconter sur plusieurs registres : épique et tragique. Description ambiguë : traduction de l’enthousiasme républicain de Silvère / drame.


Emile Zola



Texte étudié

La colonne des insurgés


     La bande descendait avec un élan superbe, irrésistible. Rien de plus terriblement grandiose que l'irruption de ces quelques milliers d'hommes dans la paix morte et glacée de l'horizon. La route, devenue torrent, roulait des flots vivants qui semblaient ne pas devoir s'épuiser ; toujours, au coude du chemin, se montraient de nouvelles masses noires, dont les chants enflaient de plus en plus la grande voix de cette tempête humaine. Quand les derniers bataillons apparurent, il y eut un éclat assourdissant. La Marseillaise emplit le ciel, comme soufflée par des bouches géantes dans de monstrueuses trompettes qui la jetaient, vibrante, avec des sécheresses de cuivre, à tous les coins de la vallée. Et la campagne endormie s'éveilla en sursaut ; elle frissonna tout entière, ainsi qu'un tambour que frappent les baguettes ; elle retentit jusqu'aux entrailles, répétant par tous ses échos les notes ardentes du chant national. Alors ce ne fut plus seulement la bande qui chanta ; des bouts de l'horizon, des rochers lointains, des pièces de terre labourées, des prairies, des bouquets d'arbres, des moindres broussailles, semblèrent sortir des voix humaines ; le large amphithéâtre qui monte de la rivière à Plassans, la cascade gigantesque sur laquelle coulaient les bleuâtres clartés de la lune, étaient comme couverts par un peuple invisible et innombrable acclamant les insurgés ; et, au fond des creux de la Viorne, le long des eaux rayées de mystérieux reflets d'étain fondu, il n'y avait pas un trou de ténèbres où des hommes cachés ne parussent reprendre chaque refrain avec une colère plus haute. La campagne, dans l'ébranlement de l'air et du sol, criait vengeance et liberté.

Emile Zola, LA FORTUNE DES ROUGON (1870)



Annonce des axes

I. Une description épique
1. Une peinture hyperbolique (littérature imite la peinture)
2. La clameur des insurgés : chant grandiose de La Marseillaise
3. Amplification surnaturelle, communion entre les hommes et la nature

II. Des éléments discordants, la tragédie qui se prépare
1. Déshumanisation de la colonne - une vision d'apocalypse
2. La métamorphose inquiétante de la nature



Commentaire littéraire

I. Une description épique

1. Une peinture hyperbolique (littérature imite la peinture)

Insistance sur le nombre d’insurgés :
          - pluriels : « flots vivants »
          - adverbe : « toujours »
          - singuliers à valeur de pluriel : « la bande »

Insistance sur l’idée de mouvement :
          - verbes : « roulait »…
          - noms : « torrent »…

Recours à des adjectifs et des adverbes à valeur hyperbolique : « superbe », « irrésistible », « terriblement », « grandiose ».


2. La clameur des insurgés : chant grandiose de La Marseillaise

Référence aux instruments de musique : « tambours », « trompettes ».
Travail rythmique : série d’octosyllabes.
Traduction de la puissance sonore : crescendo : « de plus en plus » =>« éclats assourdissant » => « emplit le ciel (verticalement) » et « à tous les coins (horizontalement) » et « de l’air et du sol » => son répandu partout.


3. Amplification surnaturelle, communion entre les hommes et la nature

Métaphore du déferlement (Hommes => éléments naturels) « La route, devenue torrent, roulait des flots vivants.. ».

Personnification de la nature « campagne […] criait ».


II. Des éléments discordants, la tragédie qui se prépare

1. Déshumanisation de la colonne - une vision d’apocalypse

Forme de sauvagerie (monstrueuse) de la colonne : « bande » (négatif), « masse noire », « terriblement », « bouche géante », « monstrueuses trompettes ».


2. La métamorphose inquiétante de la nature

Images de la mort encadrant le texte : « paix morte et glacée » et « trou de ténèbres ».

Couleurs froides (négatives) : « bleuâtres », « étain fondu ».





Conclusion

    Registre épique : la vision de la colonne marque l’enthousiasme de Silvère, du narrateur et des insurgés pour la République.

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Merci à Fluvine pour cette analyse sur un extrait de La Fortune des Rougon de Zola