Plan de la fiche sur la scène 2 de l'Acte 4 de
L’illusion comique de Corneille :
Introduction
Dans l’acte II de
L'Illusion comique (1635) de
Corneille (1606 - 1684), on aperçoit le personnage ambigu de Clindor : il aime Isabelle mais courtise aussi Lyse. Adraste et Lyse sont tous les deux jaloux. Isabelle tient un discours tragi-héroïque. Lyse vient apporter la nuance nécessaire pour faire de la scène une comédie. Tous les personnages forment un topoï des personnages de la comédie (un schéma/ un lieu défini de la comédie) car il va y avoir un coup de théâtre qui va entraîner un changement de
registre au niveau de la situation et nous allons voir comment il est mis en œuvre.
La maîtresse, Isabelle est dans le tragique et discours avec la servante, Lyse qui elle, est dans le comique. La vie de Clindor dépend de cette scène.
Corneille
Eléments de commentaire
Le mouvement dramatique
• Lyse s’amuse des malheurs de sa maîtresse, elle se moque de son abattement jusqu’à ce qu'elle annonce qu'elle a trouvé un moyen pour sauver Clindor (« Elle a sauvé Clindor »). L’oxymore « douleurs frivoles » montre bien qu’elle joue sur les mots, qu’elle lance des sous-entendus à Isabelle. Elle se venge un peu mais la titille quand même.
• Le vers « Et faut-il qu’à vos yeux je déguise ma joie ? » marque un coup de théâtre, Lyse ne peut plus masquer sa joie d'avoir trouver un moyen de sauver Clindor : il est découpé en trois parties : 6 pieds/4 pieds/2 pieds. Il y a une interrogation entre deux affirmations. C’est ce vers qui fait basculer l’atmosphère tragique au comique. Le coté romanesque de l’évasion rappelle un schéma traditionnel connu. Lyse construit une mise en scène pour sa maîtresse et le spectateur.
Les registres
• Isabelle est dans le tragique, ce qui se voit par l’anaphore négative au vers 1033 (« on n’a plus »), l’emploi du passé, l’opposition passé/présent des vers 1035-1037 (« Ici je vis Clindor pour la dernière fois ; / Ce lieu me redit mieux les accents de sa voix, / Et remet plus avant en mon âme éperdue »)
) où le passé fait renvoir Clindor et son triste sort, c’était le lieu de l’amour ; tandis que le présent revoie à l’absence d’espoir et de craintes. Elle tient un discours sur le désespoir mais elle est aussi dans la colère désespérée : « impudente, oses-tu, ôtes-toi… ».
• Lyse est comique et ironique. Il y a un décalage avec Isabelle puisqu’elle parle du problème avec légèreté.
Les effets de rythme
Ce sont les alexandrins qui les produisent :
• La stichomythie : réplique de vers à vers, les alexandrins se répondent d’un vers à l’autre.
• La coupure en deux à l’hémistiche ou en trois
Clindor est l’enjeu de cette scène, il est au centre de la discussion, il est inscrit dans le langage et dans la mise en scène.
Lyse mmontre un certain plaisir à faire enrager Isabelle. La réplique d'Isabelle « Ote-toi de mes yeux » joue le rôle de lien entre l’ironie et la colère. A partir de ce vers, le rythme s’accélère, ce qui se voit par la rupture des alexandrins.
Le vers « Et faut-il qu’à vos yeux je déguise ma joie ? » marque la précipitation de la douleur à la joie.
Le personnage de Lyse est alors dans la réflexion (emploi de « juge » trois fois). Son changement d’attitude s’accompagne de voyelles ouvertes : « j
oie, d
égu
is
er, r
aison ».
L’inconstance des rapports entre les deux femmes
Lyse joue plusieurs rôles. Au début, elle se pose en nourrice puis, devant le désarroi d’Isabelle, elle devient plus légère.
Elle change d’attitude car elle aime Clindor. Lyse met en scène la nouvelle qu’elle veut annoncer à Isabelle.
Il y a à la fois une inconstance dans les rapports des femmes, mais aussi dans leurs roles.
Lyse est à la fois la rivale (Acte II, scène 8) et la servante/confidente d’Isabelle.
Elle a une ambiguïté dans ses motivations : par certaines légèretés et sa manière de retarder l’annonce, on se demande si elle veut se venger, si elle est jalouse ?
Elle joue sur la détresse d’Isabelle et elle met en scène sa vengeance. Elle la provoque (« il en faut trouver un qui les vaille tous deux » vers 1044), joue avec ses sentiments. Elle va retarder l’annonce jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus retenir sa joie d’être à l’initiative et la cause de la libération de Clindor. Il y a une mise en scène du jeu de la découverte de la nouvelle.
La théâtralité du rebondissement et sa mise en scène
Par l’écriture même, Corneille accélère le rythme : Lyse joue avec l’annonce de la bonne nouvelle. Elle prend la place d’un metteur en scène en étant pourtant en même temps un personnage dans cette scène.
La théâtralité est plus importante car l’événement est mis en scène par un personnage dans la scène. Lyse prend en charge cette mise en scène mais elle est incluse dans cette scène qui met en scène un personnage qui met en scène une situation. Ce procédé crée une mise en abîme de la mise en scène qui accroît l’illusion et pose un questionnement sur le théâtre.
Le procédé de la mise en abîme
On retrouve ce procédé dans un tableau de Vélasquez et dans
Les Faux monnayeurs de Gide où Edouard, un écrivain, met en scène des personnages. Il y a donc un roman dans le roman, et de cette façon, une mise en abîme de l’écriture d’un acte littéraire.