Plan de la fiche sur le chapitre 16 de
L'Ingénu de Voltaire :
Introduction
Le récit du
conte philosophique de
Voltaire,
L'Ingénu, se déroule sous le règne Louis XIV, époque antérieure à l'époque de Voltaire.
L'Ingénu est le nom donné au héros, c'est une qualité morale qui le caractérise (comme Candide) : c'est sa candeur, son ingénuité.
La candeur du héros permet à Voltaire de faire une critique du monde civilisé.
Nous allons étudier un extrait du Chapitre 16 de
L'Ingénu.
Texte du chapitre 16 (extrait)
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Lu par René Depasse - source : litteratureaudio.com
L'Ingénu - CHAPITRE SEIZIEME - Extrait
Elle consulte un jésuite
Le père Tout-à-tous tâcha de la calmer par ces douces paroles :
« Premièrement, ma fille, ne dites jamais ce mot mon amant ; il y a quelque chose de mondain qui pourrait offenser Dieu : dites mon mari ; car bien qu'il ne le soit pas encore, vous le regardez comme tel ; et rien n'est plus honnête.
« Secondement, bien qu'il soit votre époux en idée, en espérance, il ne l'est pas en effet: ainsi vous ne commettriez pas un adultère, péché énorme qu'il faut toujours éviter autant qu'il est possible.
« Troisièmement, les actions ne sont pas d'une malice de coulpe quand l'intention est pure, et rien n'est plus pur que de délivrer votre mari.
« Quatrièmement, vous avez des exemples dans la sainte antiquité qui peuvent merveilleusement servir à votre conduite. Saint Augustin rapporte que sous le proconsulat de Septimius Acyndinus, en l'an 340 de notre salut, un pauvre homme ne pouvant payer à César ce qui appartenait à César, fut condamné à la mort, comme il est juste, malgré la maxime, Où il n'y a rien le roi perd ses droits. Il s'agissait d'une livre d'or ; le condamné avait une femme en qui Dieu avait mis la beauté et la prudence. Un vieux richard promit de donner une livre d'or, et même plus, à la dame, à condition qu'il commettrait avec elle le péché immonde. La dame ne crut point faire mal en sauvant son mari. Saint Augustin approuve fort sa généreuse résignation. Il est vrai que le vieux richard la trompa, et peut-être même son mari n'en fut pas moins pendu ; mais elle avait fait tout ce qui était en elle pour sauver sa vie.
« Soyez sûre, ma fille, que quand un jésuite vous cite saint Augustin, il faut que ce saint ait pleinement raison. Je ne vous conseille rien, vous êtes sage ; il est à présumer que vous serez utile à votre mari. Monseigneur de Saint-Pouange est un honnête homme, il ne vous trompera pas ; c'est tout ce que je puis vous dire: je prierai Dieu pour vous, et j'espère que tout se passera à sa plus grande gloire. »
Voltaire - extrait de l'Ingénu
Annonce des axes
I. L’argumentation
1. Une succession d’arguments
2. Un discours structuré
II. Un discours perverti
1. Il détourne la loi religieuse
2. Il manipule la langue
3. Des maladresses
III. La critique des jésuites
1. Un manipulateur
2. La fin justifie les moyens
Commentaire littéraire
I. L’argumentation
1. Une succession d’arguments
- « ne dites jamais mon amant ; il y a quelque chose de mondain qui
pourrait offenser Dieu » : dans l’intérêt de Dieu,
du Bien, de la religion = met Mlle de St Yves en confiance.
- N’est « votre époux » qu’ « en idée » :
pas un péché, pas un adultère = raisonnement basé sur
une contradiction, arguments par syllogisme.
- Bonnes intentions = essentiel : « l’intention est pure ».
- Rien à se reprocher : « tout ce qui était en elle » =
hyperbole.
- Pour aider : « vous serez utile ».
2. Un discours structuré
- Connecteurs logiques : de construction « Premièrement »… ;
de cause : « car » ; d’opposition : « bien que » , « mais » ;
de condition : « à condition que » ; de conclusion : « ainsi ».
- Le père Tout-à-tous argumente, étoffe, explique.
- Utilisation d’un exemple pour appuyer sa thèse : « vous
avez des exemples dans la sainte antiquité ».
II. Un discours perverti
1. Il détourne la loi religieuse
- Modification de l’amant en mari alors que le pacte devant Dieu n’est
pas signé : le but est de dissocier l’amour du devoir de l’épouse.
- Adultère : « toujours éviter autant qu’il est possible » =
antithèse : le père Tout-à-tous dit ce qui l’arrange.
- La fin justifie les moyens : « pur » et « généreux » opposé à « immonde ».
- Pardon : « je prierai Dieu pour vous ».
2. Il manipule la langue
- Oppositions : « honnête » / « mondain » ; « mari » / « amant ».
- Utilisation du conditionnel : sait ce qu’il se passera ; du présent
de vérité générale et de l’impératif : commandement, autorité du Jésuite, il a raison.
- Insistance avec reprise : « pure » « rien n’est
plus pur » = hyperbole.
-
Périphrases pour ne pas choquer.
- Présence de détails et d’exemples pour embrouiller Mlle de St Yves.
3. Des maladresses
- Chute tragique de l’exemple.
- Compare St Pouange avec un « vieux richard ».
- Contraste expression « à sa plus grande gloire » / acte à commettre
et chantage subit.
- Se protège : « Je ne vous conseille rien ».
III. La critique des jésuites
1. Un manipulateur
- Le nom Tout-à-tous : peut tout obtenir de tout le monde.
- Utilise le vocabulaire religieux : « salut » ; « résignation » ; « Dieu »… pour
manipuler et obtenir ce qu’il veut.
- Les Confessions de St Augustin : références connues et incontestables.
- Flatte : comparaison entre Mlle de St Yves et « femme en qui Dieu avait
mis la beauté ».
2. La fin justifie les moyens
- Libertés par rapport à la Bible qui interdit l’adultère.
- Philosophie d’action et non de prière mais écart par rapport aux écritures.
Conclusion